Accepter les risques extrêmes

Dans notre tête, les risques extrêmes sont extrêmement rares. C’est pratique, c’est calmant, mais c’est de moins en moins vrai. En effet, les risques extrêmes viennent de plus en plus d’une triple origine : d’abord de la concentration des richesses, ensuite de leur interconnexion, enfin du fait que nos amortisseurs sont de plus en plus faibles.

Commençons par la concentration des richesses. Quelques pays, Etats-Unis, Chine, Japon, Royaume Uni et France en premier lieu, sont systémiques. Un choc qui arrive dans l’un d’eux se répercute partout ailleurs, par son effet sur les échanges de biens et de services, comme il y a deux siècles, par les flux financiers, comme on le voit toutes les secondes.

L’interconnexion des richesses ensuite. En effet, ce qui lie ces économies systémiques entre elles, et à d’autres moins importantes, c’est de plus en plus un ensemble de messages. Ces messages sont boursiers, monétaires et financiers, sans oublier les moyens de communication et les réseaux sociaux. Ils font que, de plus en plus, la planète vit de façon synchrone. De façon synchrone ne signifie pas que, pour autant, tous ces messages sont compris (prenons par exemple ce qui se passe pour le prix du pétrole), ni ne se prêtent à des interprétations correctes. C’est bien pour cela que nous avons des bulles, puis des chutes, puis des reprises plus ou moins inquiètes. Les messages qui sont partout cumulent en effet les doubles problèmes de leur compréhension et, plus encore, de leur résonance. Ainsi, aujourd’hui, avec le Brexit, nous avons une puissance systémique qui est au cœur de tous les messages financiers, économiques, monétaires, militaires… C’est donc grave, parce qu’imprévisible.

C’est à ce moment précis que l’on regrette que les amortisseurs financiers ne soient pas plus solides. Ces amortisseurs, ce sont, dans un pays, les taux d’intérêt, qui peuvent descendre, ou le déficit budgétaire, qui peut monter et, entre pays, ce sont les mouvements de change. Mais, force est de constater que, depuis la crise de 2008, les taux d’intérêt sont à zéro, les déficits budgétaires et les niveaux de dettes publiques sont au maximum, sachant que les taux de change entre pays sont plus étroitement surveillés que jamais.

Bref, sans, céder à la paranoïa, nous sommes entourés de plus de risques systémiques que jamais. Ce n’est pas une raison pour ne pas avancer, parce qu’autrement la situation empirerait, mais c’est une raison pour mieux savoir qui l’on est et ce que l’on fait.

La connaissance, c’est-à-dire l’acceptation des risques extrêmes/systémiques, est donc le point de départ de toute analyse stratégique. Macro et micro. Suit en effet la façon de positionner l’entreprise par rapport à ces risques pour avancer, soi-même, notamment en fonction de ce que font les concurrents. A la fin des fins, bien gérés, les risques systémiques peuvent devenir des amis. Mais on comprend que ce n’est pas du tout évident. C’est pourtant là, peut-être, la nouvelle clef du succès.

 

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Fondateur de Betbeze Conseil SAS, Professeur de Faculté en Sciences économiques, Jean-Paul Betbeze a été Chef Economiste du Crédit Lyonnais en 1989 puis du Crédit Agricole (et membre de son Comité exécutif) jusqu’en 2013. Ancien membre du Conseil d’analyse économique auprès du Premier ministre et de la Commission Economique de la Nation, il est membre du Cercle des économistes et Président du Comité scientifique de la Fondation Robert Schumann. Auteur de nombreux ouvrages et rapports, il a rejoint le cabinet en avril 2013 en tant qu’Economic Advisor pour apporter son regard d’expert en analyse économique, conjoncturelle et financière.

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