L’approche capitaliste telle que nous la connaissons depuis la deuxième moitié du XXe siècle ne semble plus adaptée au contexte actuel, aussi bien sur le plan économique qu’environnemental et sociétal. Mais alors, faut-il revenir aux fondamentaux du capitalisme traditionnel ou définir les contours d’un système ancré dans son époque ? Les membres du think tank Confiance & Gouvernance initié par Deloitte se sont réunis autour de Bruno Roche, Chief Economist chez Mars Inc. et Vincent Strauss, Président de Comgest, afin d’examiner cette question et de proposer des pistes pour un repositionnement de l’ensemble des acteurs de notre système économique, sans plus attendre. Nous vous proposons de revivre ci-dessous les trois temps de cette conversation.
Le contexte actuel de changements de paradigmes emportés par la révolution digitale et la crise environnementale oblige les entreprises à repenser le capitalisme, qui s’est construit sur la rareté.
Auparavant, l’argent était une ressource rare, mais la donne a changé. Il est aujourd’hui en surabondance : les taux sont à leurs plus bas niveaux historiques, emprunter de l’argent n’a jamais coûté aussi peu cher… À l’inverse, d’autres ressources, comme les actifs humains ou les biens communs, eux, se font plus rares.
L’économie de la connaissance a ainsi remplacé l’économie de services qui pour fonctionner, a davantage besoin de relations que d’un simple capital financier. Les entreprises doivent donc s’appuyer sur d’autres formes de capitaux.
L’entreprise doit se recentrer sur sa raison d’être. Outil stratégique, elle permet de définir un écosystème, les acteurs qui le composent et avec qui il est possible de créer de la valeur. Lorsque l’entreprise prend en compte les intérêts de toutes ses parties prenantes et vise un résultat sur le long terme, la performance de l’ensemble de ses capitaux – financier, humain, social et naturel – s’améliore.
Au-delà de la simple raison d’être, l’enjeu selon Bruno Roche est de proposer un nouveau modèle, celui de « l’économie de la réciprocité ». Ce concept découle d’une théorie du management proposée par Mars Inc. et l’université d’Oxford, visant à créer des business models profitables et différenciants.
« L’économie de la réciprocité » se base sur la gestion de l’ensemble des capitaux produits par les acteurs de l’écosystème de l’entreprise. Les chercheurs à l’origine de cette théorie sont parvenus à montrer que si l’une d’elle applique cette logique de gestion, sa performance économique générale s’en trouvera augmentée. Elle sera à contrario limitée si elle se concentre uniquement sur le capital financier.
En parallèle du développement de ce modèle, des réflexions se poursuivent autour de nouveaux indicateurs élaborés pour mesurer le « juste niveau de profit ». Pour saisir véritablement la performance de l’entreprise, un bon niveau de profit ne peut plus se définir comme le rendement maximum extrait d’une chaîne de valeur auquel l’on ajouterait les dividendes distribués aux actionnaires.
Le défi est ainsi de trouver de nouveaux indicateurs permettant de définir la valeur créée ou détruite par une entité sur tous ses types de capitaux : le Mutual P&L (« pertes et profits » qui regroupent tous les capitaux non-financiers) associé au P&L financier semble le permettre.
Une entreprise dont le Mutual P&L est supérieur à son P&L financier est créatrice nette de valeur dans son écosystème. Elle bénéficie de davantage de ressources.
Il existe donc des corrélations positives claires entre les capitaux non-financiers et la performance financière. Ces indicateurs permettent en outre de faciliter la gestion de l’entreprise, qui sera davantage apte à prendre des mesures et établir de nouvelles perspectives.
D’après les intervenants du think tank Confiance & Gouvernance, une chose est sûre : l’économie est appelée à devenir de moins en moins financière pour se réorienter vers le capital le plus rare, et donc le plus recherché : le capital humain, vital à la réussite du projet de l’entreprise.
Nous ne sommes plus dans un monde d’économie primaire ou secondaire, mais dans un monde tertiaire. Dans ce monde-là, les salariés représentent la valeur principale d’une entreprise. Il appartient ainsi aux dirigeants de mieux les valoriser et de répondre à leurs aspirations. Dans ce contexte, les salariés veulent avant tout trouver des valeurs et du sens dans leur travail. Il est donc nécessaire de rapprocher les notions de direction et de responsabilité, qui constituaient la base du capitalisme traditionnel.
Il apparaît clairement que le capitalisme doit évoluer. À 89%, les membres du think tank Confiance & Gouvernance estiment nécessaire de repenser un capitalisme inclusif de son environnement à brève échéance, dans les cinq prochaines années. Ces avancées sont déjà en cours et nous devons continuer à les mener.
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