Article écrit en collaboration avec François Bouillon, Responsable Développement Régional.

Pour la première fois de leur histoire, des collectivités territoriales françaises ont vu leurs comptes 2020 audités par un commissaire aux comptes, en application de l’article 110 de la loi NOTRe, et après 3 années d’accompagnement par la Cour des comptes. A deux ans du terme du processus d’expérimentation, que pensent les collectivités territoriales de la certification des comptes et quel est leur niveau de préparation sur les enjeux de qualité comptable ?

 

La loi NOTRe a prévu une expérimentation de la certification des comptes pour associer les acteurs du secteur public local à l’effort de régularité, de sincérité et de fidélité des comptes publics. Les travaux fondateurs, menés par les 25 collectivités expérimentatrices, doivent ainsi servir de modèle et d’accélérateur pour l’ensemble des collectivités qui pourraient voir leurs comptes certifiés à l’horizon 2024.

Alors que pour la première fois de leur histoire, des collectivités territoriales françaises ont vu leurs comptes 2020 audités par un commissaire aux comptes, le cabinet Deloitte a lancé une enquête auprès des plus grandes collectivités de France, avec pour objectif de mesurer la perception, la compréhension et l’intérêt des collectivités pour les enjeux de qualité comptable, la démarche de certification des comptes ainsi que ses prérequis.

A l’issue de cette première année d’audit, le cabinet Deloitte tire plusieurs enseignements

A deux ans du terme du processus, le cabinet Deloitte dresse plusieurs constats :

  • Un certain nombre de limitations sont liées à des phénomènes exogènes, notamment à l’incertitude sur l’exhaustivité des produits des impôts locaux et des dotations notifiés par l’Etat ;
  • Des limitations endogènes ont été mises en évidence: fiabilisation de l’actif, déploiement du contrôle, rattachement des produits et des charges ou encore constitution de provisions sont des thématiques de discussion abordées avec la majorité des collectivités expérimentatrices ;
  • L’implication de la Direction des finances et l’appui fort de la Direction Générale et des élus sont indispensables à la réussite de la démarche, qui nécessite de surcroît un contrôle interne structuré ;
  • Les collectivités sont pleinement conscientes de l’intérêt de la démarche de certification qui constitue une avancée essentielle dans la recherche de maîtrise des risques et qui peut être source de nombreux apports ;
  • L’expérimentation est un accélérateur du changement et contribue à la mutation des collectivités vers une amélioration de la qualité comptable et de l’ensemble de l’organisation ;

 

Des collectivités conscientes des enjeux liés à la certification des comptes 

Plus que jamais, le secteur public local va continuer à se transformer. Dans un contexte de réduction des dépenses publiques, l’Etat continuera d’exiger des collectivités une amélioration de la qualité et une réponse à un besoin de transparence vis-à-vis des citoyens. Des efforts ont déjà été engagés, mais l’un des principaux enjeux reste d’adapter les organisations et de mieux les structurer à la fois individuellement et collectivement pour partager le défi de la maîtrise de leurs risques et de leurs engagements à moyen et long terme. Les collectivités territoriales françaises en sont pleinement conscientes.

En effet, d’après notre étude, les directeurs financiers et directeurs généraux des collectivités territoriales portent un intérêt majeur aux sujets règlementaires de qualité comptable et 84% des collectivités interrogées se sont d’ailleurs déjà lancées dans des travaux préparatoires à l’amélioration de la qualité comptable, illustrant ainsi leur proactivité, et ce même au niveau des collectivités non expérimentatrices.

Surtout, les décideurs sont pleinement conscients des principaux apports de la démarche, qui permet selon eux notamment de :

  • Contribuer au renforcement des outils de pilotage et de la maîtrise des risques portés par la collectivité ou ses satellites (92% d’opinions favorables) ;
  • Renforcer la séparation des exercices en évitant les phénomènes de report et fiabiliser la connaissance du patrimoine de la collectivité (90% d’opinions favorables) ;
  • Constituer un levier du changement en s’inscrivant dans un cadre normé, valorisant la collectivité et ses agents (86% d’opinions favorables) ;


Un niveau de maturité sur les enjeux de qualité comptable hétérogène

Sans surprise, le niveau de maturité des collectivités expérimentatrices est nettement plus élevé. Les collectivités participant à l’expérimentation ont mis à profit les quatre années d’expérimentation pour réorganiser la fonction comptable et financière (90% d’entre elles contre 65% des collectivités non expérimentatrices) et déployer leur dispositif de contrôle interne (60% des collectivités expérimentatrices disposent d’un tel service contre 41% pour les non expérimentatrices). Elles déclarent pour 70% d’entre elles disposer d’une cartographie des risques quand elles ne sont que 50% pour les collectivités non expérimentatrices.

Néanmoins, la connaissance et la maîtrise des risques de nombreuses collectivités doivent encore être améliorées, en particulier pour les Régions et les Communes (qui sont les plus critiques dans leurs auto-évaluations respectives). Les collectivités interrogées évaluent leur niveau de connaissance et de maitrise des risques comme moyen, d’autant que seulement 45% des collectivités interrogées disposent d’un service de contrôle interne (seulement 18% pour les Régions et Communes).

En outre, le niveau de préparation des collectivités sur les requis à la certification est hétérogène :

  • 82% des répondants estiment respecter une séparation stricte des exercices et 53% des répondants considèrent maitriser les risques comptables et financiers au travers de dispositifs performants;
  • 67% des répondants jugent disposer de systèmes d’information efficaces permettant d’obtenir un niveau de contrôle des informations suffisant ;
  • 55% des répondants affirment avoir un volume de provisions comptable conforme aux engagements ;
  • A l’inverse, seulement 39% des répondants estiment avoir des informations fiables sur l’actif immobilisé ;

Aussi, à court terme, les enjeux des collectivités interrogées sont principalement de rénover en profondeur des dispositifs de maîtrise des risques comptables et financiers (57% des répondants), garantir la fiabilité de l’actif immobilisé (47% des répondants) et renforcer l’efficacité des systèmes d’information (43% des répondants).

 

En conclusion, si les collectivités territoriales se sont clairement appropriés les enjeux de la certification des comptes, les niveaux de préparation demeurent hétérogènes selon les collectivités. Désormais, les collectivités disposent d’une feuille de route pour essayer de lever ces limitations et arriver à la certification sincère et fidèle. Au lendemain des élections régionales et départementales, caractérisées par une forte abstention et un désintérêt des Français pour ces échéances, la certification des comptes peut constituer en ce sens un véritable facteur de reconstruction du pacte de confiance entre les collectivités et leurs citoyens. 

 

 

Rappel du contexte législatif

La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République a prévu, en son article 110 , « une expérimentation de dispositifs destinés à assurer la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes des collectivités territoriales et de leurs groupements. Cette expérimentation doit permettre d’établir les conditions préalables et nécessaires à la certification des comptes du secteur public local« .

Un panel de 25 collectivités a été retenu par le ministre de l’Economie et des finances, le ministre de l’Aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales et le ministre de l’Intérieur, sur avis du Premier président de la Cour des comptes.

L’arrêté interministériel fixant la liste des collectivités et groupements admis à intégrer le dispositif a été publié au Journal Officiel du 17 novembre 2016. Un bilan est prévu en 2022 en vue d’une éventuelle suite législative. Ce processus s’achèvera en 2023 par la présentation par le gouvernement d’un rapport au parlement. Ce dernier se prononcera sur la suite à donner, à savoir la généralisation de la certification à l’ensemble des collectivités ou une stratification en fonction de la taille et du type des collectivités.

(source Portail Collectivités-Locales.gouv.fr)