La confiance, c’est fait pour boucher les trous ! Quel matérialisme ! Quelle vulgarité ! Et pourtant, on ne peut jamais tout prévoir, tout écrire, tout signer : il faut donc mettre plus l’accent sur l’esprit des relations (humaines, amoureuses, commerciales, politiques…) que sur la lettre des contrats. La lettre donne évidemment un canevas, un cadre. Il transcrit surtout les intentions, mais il ne peut ni tout dire, ni tout prédire. « Le contrat de mariage ne prévoit pas l’amour » vous dira le notaire, goguenard ou profond ! C’est alors qu’intervient la confiance, pour comprendre certains manques, retards, erreurs et continuer les relations, après des explications bien sûr. La confiance avance toujours en complétant, et en se complétant.
C’est alors que vient son pire ennemi : la complexité. On ne peut tout prévoir, et malheureusement de moins en moins. Quittons les comparaisons avec le mariage et passons au commerce : vendre un produit, c’est s’engager sur sa qualité. Est-ce aussi s’engager sur sa durabilité, sur l’origine écologique de ses composants, sur les conditions humaines de leur production, au Bangladesh ou ailleurs ? Et ainsi de suite. Il ne s’agit pas seulement ici de la globalisation des échanges, mais aussi de la montée des normes et des sensibilités. Ce qui était rationnel, en termes de baisse des coûts, devient moralement et socialement insupportable.
To the best of my knowledge est alors la phrase la plus nécessaire pour avancer, sachant que cette connaissance elle-même ne cesse de se réduire. Bien sûr, dans un tel contexte d’ignorance croissante, on pourrait dire qu’on pourrait s’assurer. Sauf que le prix de cette assurance devient lui-même vite prohibitif pour des « vices cachés », au point que, dans la plupart des cas, le produit ou la relation n’est pas assurable. Pour assurer en effet, outre qu’il faut supposer que celui qui veut s’assurer n’a pas intérêt à la faute (aléa moral), il faut avoir une idée du coût moyen du préjudice et de sa probabilité. Ce qui est de moins en moins possible. Ensuite, répéter continûment : To the best of my knowledge, est faire sans doute preuve de probité, mais n’aide sûrement pas à la fluidité des échanges.
Echanger en effet, c’est aller au-delà de deux ignorances : celle de l’information cachée et celle de l’action cachée, en supposant qu’elles n’ont pas lieu d’être. L’information cachée, c’est le défaut. Celle de la voiture ou de l’appareil photo que je vends d’occasion. L’action cachée, c’est le fait que j’aurais mené telle ou telle opération qui rend le risque plus proche et/ou plus grave. Par exemple, maintenant que j’ai une « assurance homme clef », je conduis plus vite ou, maintenant que j’ai plus de moyens pour m’étendre, en m’étant endetté auprès de ma banque, je vais prendre plus de risque ! C’est bien pourquoi il faut suivre et surveiller, assez régulièrement.
C’est pourquoi il faut des tiers de confiance pour suivre (par exemple) les comptes, mais pourquoi tout ceci est indispensable, mais insuffisant. Car trop surveiller est coûteux, pénible et ruine la relation. Je dois, pour échanger avec vous, avoir confiance dans le fait que le produit ou la prestation que vous m’offrez n’a pas de vice que vous ignorez et que vous n’allez pas changer votre comportement pour nous mettre plus en risque, maintenant que nous sommes associés. L’information cachée concerne surtout le passé, l’action cachée le futur.
Il y a donc un optimum à trouver et à faire évoluer, dans la vie de tous les jours comme dans la vie des affaires, qui toutes deux deviennent plus complexes, entre surveillance et confiance. C’est ce « réglage », fin, transparent, et à consolider qui fait le succès. Et il ne nuit pas au bonheur !
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