Après plus de deux ans de préparation et deux semaines d’intenses négociations à Paris, la COP21 (ou 21ème Conférence des Parties) s’est achevée le samedi 12 décembre dernier, avec l’adoption de l’Accord de Paris par l’ensemble des Parties, soit 195 pays et la Commission européenne. Le texte finalement adopté est constitué d’une Décision suivie, en annexe, de l’Accord de Paris proprement dit. L’Accord de Paris prend la suite du Protocole de Kyoto et concerne donc la période post-2020 alors que la Décision prend effet tout de suite et a notamment pour objet de préparer la bonne mise en œuvre de l’Accord.
Il est important de juger ces textes pour ce qu’ils sont : des textes généraux, fixant des objectifs globaux et un cadre d’action pour les prochaines années. Comme tels, ils peuvent clairement être considérés comme un succès. La première réussite majeure est d’avoir fait adopter ces textes par l’ensemble des 195 pays prenant part aux négociations ; trouver un compromis acceptable par de si nombreux États aux intérêts parfois divergents constituait déjà un défi majeur. La deuxième réussite est l’adoption d’objectifs ambitieux, malgré les nécessaires compromis.
1) La définition d’un cadre ambitieux
Les trois principaux points de discussion étaient l’ambition de l’Accord, la différenciation (entre les pays développés et les autres) et le financement. Sur ces trois points, il n’y a pas eu de recul significatif par rapport aux discussions pré-COP21 et on note quelques avancées significatives.
La première avancée concerne l’objectif final. Jusqu’à maintenant, l’ambition était de ne pas dépasser un réchauffement de 2 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Il s’agit maintenant « de contenir l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels et de poursuivre l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5 °C ». La Décision ne cache pas l’ampleur de la tâche : l’article 17 rappelle que les Etats prévoient des niveaux d’émissions globales de l’ordre de 55 gigatonnes en 2030 alors qu’il faudrait les ramener à 40 gigatonnes pour contenir le réchauffement sous les 2 °C.
Les efforts sont explicitement différenciés à plusieurs reprises entre les pays développés et les autres. L’article 4 de l’Accord précise par exemple que « les pays développés parties continuent de montrer la voie en assumant des objectifs de réduction des émissions en chiffres absolus à l’échelle de l’économie. »
En ce qui concerne les ressources financières à apporter aux pays en développement, les pays développés doivent mobiliser des montants « d’un niveau plancher de 100 milliards de dollars par an » d’ici à 2020, confirmant ainsi un chiffre déjà évoqué avant la COP.
2) Une implication croissante et remarquée des acteurs non étatiques
La COP21 ne se résume pas à cet Accord. Durant les mois de préparation puis pendant la COP elle-même, nous avons assisté à une importante mobilisation d’acteurs non étatiques (entreprises, collectivités locales, ONG, etc.) autour des enjeux du changement climatique.
Le plan d’actions Lima-Paris (LPAA), ou agenda des solutions, regroupe des initiatives en faveur de la lutte contre le changement climatique prises par des acteurs non étatiques, et représente une concrétisation de cette mobilisation.
On peut rappeler également les déclarations de nombreuses entreprises en faveur de la fixation d’un prix du CO2 ou l’engagement de certaines d’entre elles à arrêter ou délimiter leurs activités liées au charbon (qui émet deux fois d’émissions de CO2 que le gaz à énergie fournie équivalente). Les acteurs économiques ne sont pas forcément opposés à un changement de modèle, à condition qu’au moins deux conditions soient remplies : lisibilité et stabilité des règles et concurrence équitable.
3) De nombreux chantiers nous attendent
Comme le souligne la Décision, des objectifs ambitieux ont été fixés mais les efforts de réduction actuellement envisagés ne sont pas du tout suffisants pour les atteindre. Il faut maintenant capitaliser sur les réussites de la COP21, notamment l’ambition des objectifs adoptés et la large mobilisation d’acteurs variés (États, territoires et entreprises, citoyens et ONG) pour lancer les actions nécessaires.
Nous pouvons regrouper en trois chantiers principaux certaines des principales tâches qui attendent l’ensemble des acteurs dans les prochaines années pour être en mesure d’atteindre les objectifs fixés.
Le cœur du problème est bien entendu d’identifier puis de mettre en place les moyens, techniques ou non, qui peuvent être déployés pour atteindre ces objectifs de façon acceptable. Le partage d’expérience a un rôle à jouer, notamment entre les pays développés et les autres : de nombreuses solutions existent déjà mais sont parfois insuffisamment connues. Il est donc utile d’identifier les meilleures pratiques, d’évaluer leur transposabilité dans d’autres contextes et de les faire connaître aux acteurs susceptibles de les mettre en place hors de leur cadre d’origine.
D’autres mesures restent à inventer ou à développer. La R&D dans le domaine des technologies bas-carbone est un enjeu clé. Un cadre adéquat (financier, réglementaire, compétitif) doit également être mis en place pour favoriser l’émergence de ces solutions innovantes souvent en rupture avec les cadres existants.
Ces réflexions remettront sur la table des sujets capitaux relativement peu abordés dans le texte final de l’Accord :
– le mix énergétique mondial et la part des énergies fossiles, des énergies renouvelables et du nucléaire ;
– les moyens de promouvoir et d’inciter ces changements (réglementation, accords volontaires et mécanismes de marché, avec notamment la question du prix du CO2).
Une lutte efficace contre le changement climatique requiert un cadre fiable et transparent de comptabilisation des émissions pour que les acteurs agissent de concert dans un climat de confiance, en limitant les risques de passagers clandestins.
Il s’agit d’abord de disposer au niveau de chaque État de quantifications d’émissions de GES fiables et transparentes. Ce doit être possible à des coûts économiques et administratifs acceptables, même pour les pays émergents.
Il faut également être capable de quantifier les impacts des actions de réduction des émissions, en prenant en compte leurs interactions mutuelles, afin d’estimer, au niveau des pays ou des entreprises à quelle hauteur leur mise en place permettra de contribuer aux efforts requis. Il s’agit notamment d’une condition nécessaire pour que les Contributions nationales (INDC), éléments clés du dispositif global, soient crédibles.
Il est enfin indispensable de mettre en place des indicateurs de suivi des mesures prises afin d’être capables de suivre leurs résultats dans le temps et d’adapter les programmes si besoin.
La Décision a réaffirmé l’objectif de mobiliser 100 milliards de dollars de financement par an en 2020. Dans un rapport publié peu avant la COP, l’OCDE a eu le grand mérite d’essayer de chiffrer les engagements de financement déjà pris (aboutissant à une estimation de 62 milliards pour 2014). Mais les règles de comptabilisation sont encore très floues et doivent être précisées afin de suivre de façon fiable l’atteinte de cet objectif. En outre les financements sont loin d’avoir tous la même efficacité. Celle-ci devrait être évaluée régulièrement afin d’encourager les modes de financement les plus efficaces, notamment en termes de réduction des émissions et de transfert de technologies bas-carbone.
La COP21 a abouti à des objectifs ambitieux acceptés par l’ensemble des Parties et a cristallisé la mobilisation d’acteurs nombreux et variés, au-delà des gouvernements. Mais l’histoire ne fait que commencer et les défis à relever sont nombreux pour suivre la voie ainsi tracée. Maintenant que les États se sont mis d’accord sur le cadre général de l’Accord de Paris, la dynamique de la COP21 doit être entretenue, voire amplifiée, au niveau local, dans l’action quotidienne des entreprises et des territoires, des consommateurs finaux, des salariés et des citoyens.
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