COP26 : que fallait-il en attendre et que faut-il en retenir ?

Après 2 semaines de conférences pleines de rebondissements, de déceptions et d’espoirs, la COP26 vient de s’achever à Glasgow. Que fallait-il attendre de cette COP et que faut-il en retenir ?

Qu’est-ce que la COP 26 ?

La COP26 est la 26e Conférence des Parties. Depuis 1995, ce sommet réunit chaque année les États signataires de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Du fait de l’hétérogénéité du positionnement des différents acteurs rassemblés lors des COP, il est assez rare que ces sommets aboutissent à des décisions opérationnelles claires. L’enjeu des COP est avant tout de rassembler en un seul lieu l’ensemble des Etats pour favoriser les échanges et dialogues afin que ces derniers s’engagent à réduire leurs émissions à l’échelle individuelle et collective (à travers les alliances et accords multilatéraux).

Plus particulièrement, la COP26 intervient 5 ans après l’Accord de Paris qui a vu naitre le principe des Nationally Determined Contribution (NDC)[1]. Pour rappel, lors de la COP 21, en 2015, les 197 membres, aussi appelés parties à la négociation, se sont engagés à formuler des stratégies de développement à faible émission de gaz à effet de serre (GES) sur le long terme. Ces stratégies sont dynamiques dans le sens où les pays doivent revoir leurs engagements à intervalles réguliers et renforcer leurs engagements en termes de réduction des émissions, de manière non contraignante. Aussi, si l’objectif officiel est de limiter l’augmentation moyenne de la température en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels, les pays sont vivement encouragés à poursuivre leurs efforts afin de contenir le réchauffement climatique aux alentours de 1,5°C. En pratique, l’Accord de Paris prévoit que chacun des pays revoie tous les cinq ans de nouveaux engagements plus ambitieux pour poursuivre l’effort de réduction de ses émissions de GES. Ce sommet était donc la 1ère échéance depuis l’Accord de Paris pour la mise à jour des NDC.

Enjeux et objectifs

On pouvait attendre de la COP 26 un relèvement sérieux des ambitions climatiques dans la continuité du dernier rapport du GIEC publié en août 2021 et de l’objectif initial de l’Accord de Paris. Le rapport du GIEC publié en août 2021 rappelait la responsabilité des activités humaines vis-à-vis du réchauffement climatique, les futurs climatiques possibles en fonction de notre capacité à réduire les émissions de gaz à effet de serre très rapidement et les impacts à venir et les adaptations régionales qui en découleront. Le rapport rappelait notamment qu’il est encore possible de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, à condition de réduire fortement et rapidement les émissions de gaz à effet de serre et d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. C’est en ce sens que le président de la COP 26 a volontairement fixé des objectifs élevés en appelant, dès le début, les parties à maintenir en vie l’objectif de 1,5°C en mettant l’accent sur le charbon, les voitures, les financements et les forêts. Ce dernier a également rappelé la nécessité d’agir dès maintenant en réduisant les émissions de 45% d’ici 2030 par rapport à 2010, par opposition aux déclarations de long-terme qui manquent parfois d’actions concrètes à court-terme.

Les principales annonces et avancées de la COP 26

Avant de lister les différentes annonces, il est utile de rappeler que l’un des principaux jalons attendus de cette COP 26 a eu lieu avant même le début de l’événement. En effet, 151 pays dont les Etats-Unis, la Chine ou la France ont soumis de nouvelles versions de leurs NDCs en amont de la COP 26. Une quarantaine de pays ont manqué à l’appel et certains pays comme l’Australie, le Brésil ou la Russie ont soumis des NDC avec des objectifs de réduction d’émissions inférieurs au précédent objectif communiqué. L’Inde a quant à elle soumis de nouveaux objectifs assez ambitieux mais a refusé pour le moment de les soumettre formellement aux Nations Unies.

Le cœur des avancées se trouve dans l’accord global signé lors de ce sommet : le Glasgow Climate Pact. Ce texte demande aux pays de « revoir et renforcer » leurs engagements en matière de climat d’ici à la fin de 2022, appelle à une « élimination progressive » du charbon et met en place des processus visant à atteindre un objectif mondial en matière d’adaptation, à augmenter les niveaux de financement du climat et à financer les pertes et dommages. Bien que le texte ait déçu de nombreux acteurs en raison d’une sémantique trop vague qui laisse une liberté d’interprétation assez large aux nations, le fait qu’il ait été adopté constitue une nouveauté relative pour le processus de la COP.

En particulier, les principales annonces et avancées listées dans ce texte ou dans les différentes alliances sont :

  • L’accord sur la déforestation signé par 130 pays, et le lancement d’un dialogue plus prononcé pour 28 pays représentant 75% du commerce mondial des produits de base qui contribuent à la déforestation.
  • L’accord sur le méthane qui vise à réduire les émissions de 30% entre 2020 et 2030 signé par 109 pays qui représentent 70% du PIB mondial.
  • L’accord sur la réduction du charbon signé par plus de 190 pays.
  • La fin du financement public des nouveaux projets d’énergies fossiles à l’étranger signé par 30 pays dont la France.
  • L’accord non contraignant sur la fin de la vente des véhicules thermiques dans le monde à l’horizon 2040 et dès 2035 pour les pays développés.
  • L’annonce de la Glasgow Financial Alliance for Net-Zero[2] (GFANZ) qui souhaite abonder le financement de la transition écologique à hauteur de 130 trilliards.
  • Les Glasgow Breakthroughs qui sont un ensemble de 5 objectifs qui couvrent 50% des émissions mondiales sur la production d’électricité, le transport routier, l’acier, l’hydrogène et l’agriculture. 40 pays s’engagent à collaborer sur ces sujets.

 

Un bilan en demi-teinte

L’objectif principal de la COP26 était de maintenir « en vie » l’objectif des 1,5°C. Certes les feuilles de route climatiques des états nous conduisent toujours à un réchauffement climatique supérieur à 1,5°C (si tous les engagements étaient tenus, nous serions autour de 1,8°C d’ici la fin du siècle selon l’AIE). Cependant, les 151 pays ayant soumis des NDC juste avant ou pendant la COP permettent de se rapprocher de cet objectif. Par ailleurs, les états se sont engagés à revoir leurs NDC dès l’année prochaine pour les rendre compatibles avec l’Accord de Paris. Ce point est une vraie avancée car la période de révision suivante n’aurait été qu’en 2030 sans cet accord.

De plus, près de 30 ans après la première COP, le terme « énergie fossile » apparait pour la 1ère fois dans un accord climatique, et seul le charbon fait l’objet d’une mention explicite. Cela montre le fossé qui nous sépare d’un accord ambitieux et global visant à réduire toutes les énergies fossiles dans un horizon de temps proche. La mention du gaz et du pétrole, mais surtout l’engagement des pays à sortir progressivement des énergies fossiles sera l’une des attentes principales de la prochaine COP.

Finalement l’image qui restera de la COP26 sera sans doute celle du président de la COP26, Alok Sharma, très ému au moment d’annoncer le compromis final de la COP26 sur le charbon. L’engagement d’« éliminer progressivement » le charbon, qui figurait dans les premières versions de l’accord, a été remplacé par « réduire progressivement » après que la Chine et l’Inde s’y soient opposées. M. Sharma a déclaré qu’il était « profondément désolé » de la façon dont les négociations s’étaient terminées.

 

Une illustration des nouvelles relations géopolitiques

La résistance de l’Inde sur la question du charbon, la crainte des pays occidentaux de créer un précédent juridique en dédommageant les pays vulnérables au réchauffement climatique ou l’absence du gaz et du pétrole dans l’accord final sont autant de signaux qui reflètent l’état des relations géopolitiques actuelles. La collaboration annoncée entre la Chine et les Etats-Unis qui a abouti à un accord moins ambitieux que le précédent signé entre Barack Obama et Xi Jinping (en termes d’objectifs chiffrés et d’implications opérationnelles) témoigne de cette tension qui imprègne la conjoncture géopolitique actuelle. En effet, du fait que les pays craignent que des accords contraignant sur le plan climat ne freinent leurs ambitions économiques dans un contexte de forte compétitivité régionale, ces derniers peinent à collaborer et à aboutir à des accords ambitieux.

D’un côté, les pays les moins avancés et ceux en voie de développement veulent continuer leur croissance économique et démographique ce qui implique un recours encore durable aux énergies fossiles. En parallèle, ils doivent également financer leur adaptation au réchauffement climatique car ils font aujourd’hui partie des régions les plus impactées. Or les financements promis depuis la COP21 n’ont jamais été à la hauteur des engagements pris et la COP26 n’a pas permis de corriger ces écarts, même si de nouveaux dialogues devraient être engagés suite au renforcement du Santiago Network[3] et l’inclusion de l’article 73 de l’accord qui vise à favoriser le dialogique sur la question des pertes et dommages.  De l’autre côté, l’Europe se positionne comme un leader de la transition écologique en encourageant les investissements durables, la taxe carbone aux frontières et la production bas-carbone.

Par ailleurs, l’épisode du charbon témoigne de la fragilité du principe d’inclusivité des COP qui veut que chaque état ait le même droit de vote et pouvoir de décision. Alors qu’un accord majeur sur le charbon allait être adopté, 4 pays/délégations (Chine, Etats-Unis, Inde, Europe) se sont réunis et leurs discussions ont in fine abouti au changement du texte dans les toutes dernières heures. Cette décision en catimini met à mal le processus consultatif des COP et montre également la capacité d’un nombre restreint d’états à influencer les conclusions.

Cette ambivalence dans les choix de transition n’est pas sans rappeler les scénarios SSP3 et SSP4[4] du GIEC où la collaboration internationale sur les sujets climatiques est faible du fait de rivalités régionales fortes et des inégalités croissantes, ce qui conduit dans les estimations à un réchauffement climatique au-delà de 1,5°C.

En revanche, on voit émerger des initiatives moins médiatisées mais qui doivent déboucher sur des impacts tangibles et à court terme. C’est le cas du partenariat pour une transition énergétique juste en Afrique du Sud avec un engagement de 8,5 milliards de dollars des États-Unis, du Royaume-Uni, de la France, de l’Allemagne et de l’Union européenne pour soutenir la transition bas carbone du pays au cours des trois à cinq prochaines années.

Quelles conclusions en tirer ?

Si l’ensemble des nouveaux engagements pris lors de la COP26 sont tenus à l’horizon 2030, le réchauffement climatique devrait être limité à 2,4°C (1,8°C-3,3°C[5]). Si en plus de ces engagements à l’horizon 2030, les pays parviennent à atteindre leurs objectifs de neutralité carbone d’ici 2050, le réchauffement pourrait être limité à 1,8°C (1,4°C-2,6°C). Le niveau d’ambition n’est pas anodin car chaque dixième de degré aura son importance. Limiter le réchauffement climatique à 1,5°C plutôt que 2°C permettrait en effet de réduire de 10 millions le nombre de personnes directement impactées par la montée du niveau de la mer, de limiter le nombre d’étés arctiques sans glace à 1 par siècle contre 10 par siècle ou encore de ne pas exposer des centaines de millions de personnes supplémentaires aux risques climatiques et aux instabilités inhérentes à ces changements. Un scénario à 1,8°C est donc une première étape, certes non satisfaisante par rapport à l’objectif de 1,5°C, mais qui présente néanmoins des conséquences climatiques bien moindres qu’un réchauffement à 2°C ou 3°C.

Du fait de l’urgence climatique, on ne peut qualifier cette COP 26 de succès absolu mais elle offre certains succès et avancées majeures. Pour autant, au-delà des ambitions, les regards se tournent de plus en plus vers la concrétisation des engagements. En effet, l’histoire nous montre que les écarts entre les promesses faites et les actions menées peuvent diverger fortement. L’estimation de 1,8°C parait ainsi inatteignable en l’état actuel, le consensus portant plutôt sur une fourchette entre 2,4°C et 2,6°C.

Si les COP demeurent nécessaires et représentent le seul lieu de concertation globale, elles doivent aller de pair avec une mobilisation générale des parties prenantes : collectivités, entreprises, société civile, ONG… Seule cette mobilisation est à même de permettre d’aboutir à une ambition suffisante, mais surtout au niveau d’action et de mise en œuvre nécessaire.

Pour les entreprises en particulier, la capacité à faire évoluer les activités et les business models constitue un enjeu de résilience essentiel. Dans un monde au budget carbone limité et soumis à des aléas climatiques de plus en plus forts, les activités considérées comme « essentielles » (en référence au terme largement utilisé pendant la crise de la Covid) et les moins impactantes pourront tirer leur épingle du jeu. Celles qui n’arriveront pas à s’adapter s’exposeront au risque de faillite, comme le soulignait Mark Carney, ancien Gouverneur de la Banque d’Angleterre.

 

[1] Contributions déterminées au niveau national (CDN) en français
[2] GFANZ est une coalition mondiale d’institutions financières de premier plan qui s’engagent à accélérer la décarbonisation de l’économie.
[3] Le Santiago Network vise à mettre en relation les pays vulnérables avec des fournisseurs de solutions techniques, des experts et des ressources pour faire face aux risques climatiques en agissant sur : la prévention, la minimisation et la prise en charge des pertes et des dommages.
[4] Les Shared Socioeconomic Pathways (SSP) sont des trajectoires socio-économiques de référence qui visent à créer un cadre commun de réflexion sur les enjeux liés au changement climatique. Le GIEC se base sur 5 scénarios SSP afin d’intégrer les évolutions sociales, politiques, technologiques dans ses modélisations économiques et énergétiques.
[5]  Incertitude allant de 1,8°C à 3,3°C

Associé de Deloitte Développement Durable depuis 2014, Olivier a débuté sa carrière dans un bureau d’étude spécialiste des analyses de cycle de vie, avant d’œuvrer pendant neuf ans au sein d’un cabinet de conseil leader de l’optimisation des achats et de la Supply Chain, et de rejoindre BIO Intelligence Service en 2008. Olivier supervise les activités de conseil et d’accompagnement des entreprises dans la définition de leur stratégie et l’amélioration de leur performance environnementale.

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