« Créer une culture de conformité : la question n’est plus pourquoi mais comment ? » s’interrogeait en 2017 le secrétaire général adjoint de l’ACPR lors d’une conférence organisée devant des professionnels du secteur financier [1]. Si l’objectif est louable, cette affirmation conduit à nous interroger sur la notion de « culture » appliquée au monde de l’entreprise et plus particulièrement à la gestion des risques.
La culture d’entreprise est un concept abstrait et difficile à cerner. Il est cependant possible de tirer des nombreuses définitions qui en ont déjà été données trois éléments caractéristiques :
La notion de culture trouve tout son sens dans le domaine de la gestion des risques (techniques et financiers, opérationnels et de non-conformité), car elle va déterminer la manière dont les instances dirigeantes et les collaborateurs se comportent face à une situation de risque concrète et intègrent les risques dans leurs décisions quotidiennes : sont-ils en capacité de détecter les risques ? De les évaluer ? Ont-ils les bons réflexes pour y faire face ? …
Depuis quelques années, les autorités de régulation du secteur de l’assurance ont rappelé à plusieurs reprises l’importance pour les entreprises de disposer d’une culture risque solide et insisté sur la responsabilité des dirigeants dans sa bonne diffusion [2]. Cette orientation nouvelle repose sur trois constats principaux :
L’évaluation de la culture risque est par ailleurs systématiquement intégrée aux contrôles de certaines autorités de régulation européennes, comme le Royaume Uni ou les Pays-Bas.
La culture risque ne doit pas rester un ‘buzz word’. Son déploiement repose sur l’activation progressive de plusieurs leviers concrets, dont certains correspondent à des exigences réglementaires, comme la DDA [4] :
Il n’est pas possible d’améliorer ce que l’on ne peut pas mesurer, dit l’adage. Ainsi l’atteinte de ces différents objectifs doit également pouvoir être mesurée à l’aide d’indicateurs précis et chiffrés.
La culture ne se décrète pas ! Le renforcement de la culture risque constitue un véritable projet de conduite du changement, qui repose sur plusieurs étapes et autant de questionnements à initier :
Dans un contexte marqué par une multiplication des risques et des attentes sociétales toujours plus fortes vis-à-vis des institutions financières, les assureurs doivent intégrer le renforcement de leur culture risque comme une priorité stratégique.
L’évaluation de la culture risque leur permettra à la fois de s’assurer que les lignes métiers ont bien assimilé les enjeux de gestion des risques, de cibler plus précisément les zones de vulnérabilité et les leviers d’amélioration et de disposer d’un cadre pérenne permettant un suivi dans le temps du niveau de culture risque par les instances dirigeantes, qui en portent la responsabilité finale.
Une culture des risques solide constituera un avantage concurrentiel, en réduisant les coûts de traitement a posteriori par les secondes lignes de certaines défaillances et en fédérant les collaborateurs autour des intérêts des clients. Elle permettra enfin de sécuriser et d’objectiver les actions de communications externes et de préserver la réputation de l’entreprise.
La question, en effet, n’est plus pourquoi mais comment…
[1] Intervention de Frédéric Visnovski, Club Banques, 27 avril 2017
[2] Voir notamment :
– International Association of Insurance Supervisor (IAIS), Issues Paper on Insurer Culture, 2021
– European Insurance and Occupational Pensions Authority (EIOPA), Framework for assessing the Conduct Risk through the Product Lifecycle, 2019
– Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR), Bilan sur la mise en œuvre des obligations de gouvernance dans le cadre de Solvabilité 2, 2020. Dans ce rapport, l’ACPR estime notamment que « l’efficacité de l’organe de direction dans ses composantes exécutives et de surveillance repose sur l’éthique, les valeurs, la culture et les comportements de ses membres, tant sur le plan individuel que sur le plan collectif. C’est pourquoi, l’attention, notamment celle des superviseurs, se porte de plus en plus vers ces thèmes »
[3] Au Royaume-Uni, « l’affaire » des PPI (Payment Protection Insurance, équivalent de l’assurance emprunteur) a mis en lumière des pratiques de « mauvaises ventes » généralisées qui ont coûté près de £40Mds aux banques et assureurs concernés
[4] Directive (UE) 2016/97 du Parlement européen et du Conseil du 20 janvier 2016 sur la distribution d’assurances
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