Il était une fois, il y a fort longtemps… 7 chaînes historiques françaises qui se partageaient nos écrans de télévision. Elles s’appuyaient sur des programmes phares pour fidéliser leurs téléspectateurs et atteindre des records historiques d’audience. La finale de Star Academy 1 en 2002 rassemblait 11,9 millions de téléspectateurs tandis que la première chaîne de télévision française enregistrait une part d’audience moyenne de 37% en 1995…
Ces chaines vécurent heureuses… jusqu’à maintenant. Aujourd’hui, les chiffres des audiences ne cessent de décliner et la télévision française cherche de nouvelles sources de revenus. L’arrivée de la TNT et la digitalisation des jeunes téléspectateurs bouleversent les anciens modèles. Alors quel destin pour les chaines de télévision historiques ? La fin d’une ère ou le début d’une nouvelle histoire ?
Nous assistons aujourd’hui à un mouvement de bascule dans les usages. Ces changements, qui ont affecté un grand nombre de secteurs (hôtellerie, mobilité…), ont été particulièrement rapides dans celui de la télévision.
L’arrivée de plateformes telles que Youtube, Facebook, Instagram, Twitter ou encore Netflix, ont poussé de plus en plus de téléspectateurs à consommer les différents contenus media sur leurs smartphones, tablettes, ordinateurs ou encore télés connectées et cela avec de la télévision de rattrapage, du streaming ou encore de la VOD. Ce changement dans les usages concerne surtout les jeunes : un sondage effectué par Deloitte et l’ESCP en 2016 a montré que 39% des 18 à 29 ans ne regardent jamais la télévision. L’âge moyen des téléspectateurs français est ainsi passé de 46,9 ans en 2005 à 50,7 ans en 2015.
Par ailleurs, l’arrivée de la TNT en 2005 a fait passer le nombre de chaînes TV de 7 à 27, entrainant une fragmentation de l’audience : certaines chaines ont perdu entre 10 et 16 points d’audience moyenne en 10 ans.
Si la TNT et l’arrivée du digital ont un impact, direct, sur les chiffres d’audience, elles ont aussi un effet, indirect, sur les revenus liés à la publicité. Alors que dans les années 90, les chaînes de télévision pouvaient assurer à elles seules une bonne couverture à la campagne publicitaire d’un annonceur, elles doivent aujourd’hui proposer un ciblage beaucoup plus étendu grâce à la mise en place de campagnes publicitaires pluri-media.
Les chaines de télévision historiques ont déjà commencé à réagir à ces transformations.
Pour absorber la fragmentation de l’audience et la fuite des téléspectateurs vers d’autres chaînes TV, TF1 a par exemple fait le choix d’acquérir deux chaînes de la TNT (TMC et NT1) et d’en créer une nouvelle en 2012 (HD1). La stratégie des principaux groupes audiovisuels français est d’associer à une chaine généraliste, destinée à un large public, des sous-chaines thématiques ciblant des publics plus spécifiques.
Tous les groupes audiovisuels ont par ailleurs étendu le visionnage de leurs programmes aux nouveaux supports – ordinateurs, smartphones et tablettes – via des plateformes telles que France.tv, MyTF1 ou encore 6replay.
Mais est-ce suffisant pour empêcher l’affaiblissement de leurs empires ? Non ! Ce n’est que le tout début d’une stratégie de reconquête de l’audience perdue.
En analysant nos données et celles de notre entourage (likes, pages que nous consultons le plus, vidéos que nous regardons, discussions…), la télévision de demain sera bientôt capable de définir notre profil et de nous proposer un contenu personnalisé et adapté.
Un modèle que tente déjà d’approcher Facebook avec sa nouvelle plateforme « Facebook Watch ». Ce nouveau media social a un atout majeur à faire valoir auprès de ses partenaires et annonceurs : un gigantesque potentiel de ciblage avec une communauté de plus de 2 milliards d’utilisateurs. Plusieurs créateurs de contenus comme Buzzfeed, National Geographic ou encore la NBA ont déjà signé des partenariats avec Facebook pour diffuser leurs contenus sur la plateforme. Le but : analyser le profil des internautes, le nombre de vues et de « like » ainsi que les mots clés des commentaires pour mieux connaître l’audience, améliorer les contenus proposés et proposer des recommandations en termes de contenus à visionner.
Contrairement à la télévision hertzienne, la télévision diffusée sur nos box, smartphones et ordinateurs permet aux chaînes TV de récupérer d’importantes données sur la consommation de leurs programmes. Les groupes TV français prennent de plus en plus conscience que cette Data, déjà très utilisée par Netflix ou Facebook, peut leur permettre de développer leur audience et de proposer un meilleur ciblage publicitaire aux annonceurs.
Prenons l’exemple de cet homme de 28 ans : les données qu’il communique permettent, une fois analysées, un adressage plus précis des contenus et de la publicité qu’on lui propose.
Pour prendre ce virage de la Data, les chaînes TV devront investir dans des technologies poussées de collecte et de traitement de données. La technologie DMP (Data Management Platform) permet de centraliser toutes les informations connues sur un téléspectateur multi-plateformes afin d’en dresser un profil unique qui pourra être ciblé avec précision. Cet investissement technologique devra s’accompagner du recrutement de personnes capables d’extraire et d’exploiter des données, les Data Analysts. Il faudra enfin que les groupes media nouent des partenariats avec les différents opérateurs français pour avoir accès aux données issues des box. Tout ceci ne sera bien sûr pas possible sans la mise en place d’un cadre légal clair qui approuve l’utilisation des différentes données récoltées sur la télévision non linéaire. Il est par exemple pour le moment interdit de faire de l’adressage publicitaire sur la TV diffusée sur nos box.
Le contenu exclusif et de qualité est devenu une arme de gain et de fidélisation de nouveaux téléspectateurs pour des plateformes telles que Netflix ou encore Amazon Prime. House of cards (produite par Netflix) ou The Man in the High Castle (produite par Amazon Prime) sont des séries à succès planétaire qui ont su très rapidement trouver leur public et pousser des internautes à payer des abonnements mensuels de S-VOD (formule d’abonnement à des plateformes de diffusion de contenu vidéo en ligne). La marque à la pomme, Apple, investira d’ailleurs 1 milliard de dollars l’an prochain dans la production de séries originales selon le Wall Street Journal.
Des groupes TV français ont compris qu’il devenait urgent de riposter en lançant leurs propres plateformes de S-VOD pour partir à la conquête du public français. FranceTv prévoit ainsi de lancer très prochainement son propre « Netflix Français », face à une concurrence déjà bien présente (Netflix, Amazon Prime, CanalPlay, OCS ou encore SFR Play). Investir dans des productions originales et proposer du contenu exclusif serait alors la véritable clé du succès.
Tandis que les diffuseurs deviennent producteurs, une autre tendance émerge : celle du producteur qui devient diffuseur. Disney a récemment annoncé sa volonté de retirer son catalogue de programmes de la plateforme américaine Netflix. L’objectif est clair : lancer à horizon 2019 sa propre plateforme de S-VOD afin d’y proposer tous ses programmes en exclusivité. L’actualité financière de Disney est l’une des principales raisons de cette annonce, avec notamment une chute des audiences des programmes qu’elle propose également sur Netflix. Cette nouvelle stratégie des producteurs sera-t-elle efficace ou une uniformisation des différentes offres est-t-elle déjà prévisible?
La télévision de demain sera un mélange de Data, de personnalisation beaucoup plus poussée du contenu proposé et d’une bataille entre les différentes plateformes pour mettre en ligne du contenu exclusif et de qualité. Pour tirer leur épingle du jeu, les acteurs français de l’audiovisuel devront donner un coup d’accélérateur à cette digitalisation de la télévision en investissant davantage dans des technologies de pointe et dans des productions exclusives capables de concurrencer le contenu des plateformes américaines.
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