Décollage (presque) imminent pour le e-commerce en Afrique

Le e-commerce est-il en passe de décoller en Afrique ? Les ventes en ligne sur le continent ont connu un démarrage timide ces dernières années, couvrant à peine 2 % du marché mondial avec un chiffre d’affaires de 8 milliards de dollars en 2013. Pourtant, les conditions semblent désormais réunies pour permettre au secteur de se développer de manière exponentielle ; si bien qu’on estime qu’il pourrait connaître une envolée pour culminer à 50 milliards de dollars d’ici 2018.

La 11e édition de l’Africa Telecom People, le salon international des TIC qui s’est déroulé à Abidjan, témoigne du dynamisme grandissant du secteur. Ce salon a réuni acteurs privés et publics du e-commerce dans le but de passer en revue les défis du marché africain et les opportunités à saisir. Nos experts Deloitte, évoluant sur le marché africain depuis de nombreuses années, ont également pris part au débat.

Les facteurs favorables à l’émergence du e-commerce

Le taux de croissance fulgurant qu’on prédit au e-commerce résulte d’une conjonction de facteurs favorables qui transforment peu à peu les habitudes des consommateurs africains, les rendant moins défiants aux nouvelles technologies et plus avides de marques et produits internationaux.

La percée fulgurante du mobile en est le principal moteur : avec 350 millions de téléphones portables sur le continent d’ici 2017, le marché des services mobiles est en plein essor. A ce jour, près de 12 % des consommateurs d’Afrique francophone ont déjà réalisé des achats via leur mobile. Sans parler de percée comparable, la pénétration d’Internet sur le continent a aussi préparé le terrain au e-commerce pour les 20 % d’Africains désormais connectés à la Toile.

Paradoxalement, ce terreau fertile à l’émergence du secteur est en partie le fait de manques inhérents à l’environnement africain. L’accès restreint aux moyens de paiement traditionnels est un premier frein à contourner : en cause, le taux de bancarisation très faible en Afrique (de l’ordre de 12 %), l’ouverture d’un compte bancaire étant souvent restreint à une portion congrue de la population.

Quels moyens de paiement pour l’Afrique ?

La voie de salut du e-commerce se trouve dans le secteur des télécoms. Il faut savoir que plus de 60 % des villages africains sont connectés au réseau télécom, alors que les agences bancaires ne couvrent que les grands centres urbains. Cet accès limité aux infrastructures bancaires a ouvert la voie aux télécoms : le mobile est devenu en Afrique le moyen privilégié pour effectuer des transactions et des transferts d’argent, une opportunité pour 700 millions d’abonnés mobiles en Afrique.

Parmi les acteurs télécoms ayant pris ce virage bancaire, Orange s’impose avec « Orange Money », une solution de paiement mobile qui se substitue aux comptes bancaires traditionnels pour 14 millions d’Africains. L’opérateur africain MTN, leader en Côte d’Ivoire, a aussi placé ses pions sur ce marché avec sa solution MTN Mobile Money. Géants et start-ups prennent part à la construction de ces nouveaux business models : notons la progression d’Afrimarket – et l’entrée d’Orange dans son capital – spécialisé dans le transfert d’argent cash to goods, permettant aux Africains de retirer l’argent reçu sous forme de biens réels via un réseau de commerçants partenaires. Le géant californien Uber s’est, quant à lui, imposé au Kenya. L’application de mise en relation entre particuliers et services de transports propose son propre système de transfert d’argent, le m-pesa, adopté par 20 millions de Kenyans.

L’avenir du e-commerce dépend du développement des infrastructures

Se pose dès lors la question des infrastructures clés dont l’Afrique devra se doter pour que le secteur effectue un bond en avant. Les infrastructures logistiques d’abord – réseaux routiers, adressage des rues, points relais – mériteraient d’être améliorées. La Banque africaine de Développement estime que 60 % de la population vit à plus de deux kilomètres d’une piste bitumée, rendant ces potentiels clients hors de portée des circuits de livraison. Certaines entreprises ont composé avec ces carences et apporté des solutions : Jumia a ainsi recours à une flotte de coursiers à moto et propose le paiement à la livraison en espèces, un mode de transaction adopté au Maroc dans 2/3 des ventes.

D’autre part, les solutions d’hébergement et la couverture Internet sont insuffisantes. On note que la situation évolue peu à peu avec le développement de la 3G, de la fibre optique et du projet de câble sous-marin ACE reliant la France aux pays de l’Afrique de l’Ouest et du Sud. Le cadre réglementaire, enfin, doit s’adapter à l’apparition de ces modes de consommation pour encourager les entreprises et inciter à l’investissement.

Les conditions sont réunies pour assurer le décollage prochain du e-commerce sur le continent grâce aux efforts déployés par les acteurs du secteur en vue de développer des modèles de croissance adaptés aux manques structuraux. Mais l’un des défis majeurs à adresser reste la différence de maturité des pays face à la vente en ligne : les écarts de croissance sont déjà palpables entre la Côte d’Ivoire qui entre par la grande porte quand l’Algérie reste sur le seuil.

Si ce sujet vous intéresse, n’hésitez pas à me contacter.

Commissaire aux Comptes chez Deloitte depuis plus de vingt ans, Alain accompagne depuis de nombreuses années le développement de clients internationaux ou panafricains sur le continent africain.

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