Alors que l’Industrie 4.0 continue de transformer le monde dans lequel nous vivons et travaillons, les dirigeants d’entreprises cherchent à s’adapter aux changements qui s’opèrent. Deloitte a publié en janvier 2019 sa dernière étude sur l’Industrie 4.0, menée auprès de plus de 2 000 dirigeants dans le monde. Que nous enseigne cette étude ? Que depuis l’année dernière, les enjeux et les impacts liés à l’Industrie 4.0 sont mieux appréhendés, que l’accélération des changements de l’environnement technologique et concurrentiel est mieux prise en compte, ou encore que la façon de définir la stratégie et l’organisation a évolué. En gros : plus de flexibilité et moins de silos.
Mais l’enseignement le plus marquant à mes yeux est le suivant : pour la première fois, les dirigeants citent très largement en premier l’impact sociétal en matière d’évaluation de performance globale de leur organisation, bien avant la satisfaction client, la rétention des employés, la rentabilité financière et la conformité. Désormais, près de 50% des dirigeants estiment que les initiatives permettant de diminuer les impacts négatifs de leurs produits et services ne constituent plus un coût mais un levier pour accroître la rentabilité et générer de nouveaux revenus. Conséquence : chaque transformation engagée, chaque innovation lancée a désormais pour but à la fois l’amélioration de la performance financière et un meilleur impact sociétal. Concrètement, les entreprises ont intégré de fait que les nouvelles technologies (big data, intelligence artificielle, IoT…) doivent permettre d’utiliser de manière bien plus efficace les moyens à disposition.
Ceci implique le plus souvent une remise à plat profonde des processus de conception des produits et services, ainsi que des modèles opérationnels (supply chain notamment). A l’arrivée, ce sont moins de ressources consommées (matières, énergie, emballages, déchets) ou une meilleure traçabilité (qui profite à la fois à l’entreprise mais aussi aux autres parties prenantes, en premier lieu les consommateurs).
Cette dimension sociétale remodèle également les contours de l’entreprise étendue. Les nouvelles technologies peuvent renforcer la transparence sur les produits et services (composition, traçabilité, impact), avec une information qui n’est plus détenue et maîtrisée seulement par l’entreprise ; des démarches collaboratives se mettent ainsi en place avec les associations de consommateurs ou ONG, qui ne sont plus perçues comme des opposants mais plutôt comme des partenaires.
Mais si le risque sociétal est de mieux en mieux pris en considération par les entreprises, un certain retard subsiste sur le plan de la dimension éthique des nouvelles technologies (intrusion dans la vie privée, contrôle de l’intelligence artificielle…). Moins de la moitié (46%) des répondants à l’enquête indiquent que leur organisation appréhende correctement les implications éthiques liées à ces technologies, et 38% d’entre eux trouvent même qu’il s’agit d’un frein pour investir. Pour seulement 29%, les sujets éthiques liés aux nouvelles technologies sont réellement discutés en interne, et 12% ont mis en place des politiques claires à ce sujet. Ils sont toutefois 68% à estimer que les réglementations ne sont pas la solution et qu’il vaut mieux laisser les entreprises s’organiser… Cette ambiguïté, qui n’est pas nouvelle, est toutefois de moins en moins tenable : d’une part parce que les régulateurs se saisissent en pratique du sujet sous la pression de la société civile et au regard des dysfonctionnements observés qui montrent que le marché n’est pas capable de s’autoréguler (cas de la GDPR), et d’autre part du fait de l’accélération et de la montée en puissance durable des nouvelles technologies.
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