Le phénomène des Fintech a fait beaucoup parler de lui ces deux dernières années, et particulièrement ces derniers mois. 2015 a été l’année du buzz et de la découverte, avec une forte accélération des investissements réalisés dans le domaine des technologies financières. Mais tout laisse à penser qu’un premier seuil de maturité est sur le point d’être atteint. Les institutions financières commencent à poser clairement de premières stratégies d’alliance avec les nouveaux acteurs de la Fintech : la compétition est en passe d’évoluer vers une nouvelle forme de relation, la coopétition. Après l’ « euphorie Fintech », cinq grands scenarios d’intégration de l’innovation commencent ainsi à se dessiner : partenariats, incubations, investissements, acquisitions et développements internes. En quoi consistent ces différents scenarios ? Sur quels modèles d’alliance reposent-ils ? Comment peuvent-ils se compléter ?
AXA Banque a créé son offre 100% mobile Soon en mode « lean startup » avec une équipe dédiée à temps plein. A son image, de plus en plus d’institutions financières vont être amenées à revoir la manière dont elles travaillent, et vont notamment devoir être suffisamment agiles pour développer elles-mêmes, en interne, de nouvelles solutions technologiques. Pour cela, elles pourront s’inspirer des modèles organisationnels des startups et adopter des cycles de travail plus itératifs et plus souples, encourageant les échanges tout au long du développement de leurs projets innovants.
Aujourd’hui, un client est en relation avec différentes entités en fonction des services financiers qu’il consomme. Banques et assurances doivent faire leur deuil de la relation « monogame » qu’elles pouvaient autrefois entretenir avec leurs clients. Nouer des partenariats est donc une manière d’accepter cette évolution et de conserver des clients aux comportements de plus en plus fragmentés. Yomoni distribue ainsi des contrats d’assurance vie en partenariat avec Suravenir, la filiale d’assurance vie de Crédit Mutuel Arkéa. Le Crédit Coopératif, lui, s’est rapproché de Wiseed. La Banque Postale a instauré un partenariat fort avec KissKissBankBank et récemment SmartAngels a annoncé le lancement d’un fonds d’investissement spécialement dédié au crowdfunding, avec le soutien d’Allianz France et d’Idinvest Partners.
Le partenariat est un scenario intéressant dans la mesure où il est réversible à tout moment, et constitue donc un investissement peu risqué.
Barclays, Visa et Standard Bank ont ouvert des incubateurs pour accompagner le démarrage de startups, en leur donnant l’accès à des moyens logistiques, un réseau de partenaires, des données, du coaching… En juin, Barclays a signé un accord de « Proof of Concepts » avec une Fintech de son programme d’accélération : Safello. La startup suédoise est spécialiste de l’échange de bitcoin : elle permet aux associations de recevoir les dons en bitcoin via des transferts plus rapides et moins coûteux. La banque compte aujourd’hui 45 projets à l’étude dans ses deux « labs » dédiés au bitcoin et à sa technologie blockchain.
L’incubation permet d’être au plus près des nouvelles idées et d’être présent dès les premières étapes d’un projet innovant. Le ROI des incubateurs peut être très élevé si l’on incube la bonne startup ; dans les faits, il est souvent assez modéré car il faut incuber un grand nombre de sociétés avant d’identifier celle qui va réellement rencontrer un marché et être rentable.
Le vrai point fort de l’incubation est sa complémentarité avec les autres scenarios. Les idées développées par l’incubateur peuvent en effet venir nourrir les développements internes ; la startup incubée peut aussi devenir un partenaire ou une filiale que l’on va acquérir. L’incubation permet enfin de détecter des talents susceptibles d’insuffler de l’innovation au sein de l’entreprise.
Un autre scénario voisin de l’incubation – l’ « excubation » – consiste à soutenir le développement d’une startup sans l’intégrer au sein de sa structure. Ainsi, Deloitte a accompagné deux collaborateurs de la Bourse allemande passionnés de jeux vidéo dans la création d’une plateforme d’échanges d’objets virtuels, Swapster.
Investir dans une startup à forte croissance, surtout lorsque les taux sont bas, peut être une excellente manière d’intégrer l’innovation. Crédit Mutuel Arkéa a ainsi investi en juin dernier dans Yomoni, une Fintech spécialisée dans la gestion privée. Crédit Agricole, via sa filiale de gestion Amundi, est rentré au capital d’Anatec, startup de gestion d’épargne en ligne.
En septembre 2015, Crédit Mutuel Arkéa a investi 50 millions d’euros pour racheter 86% de Leetchi, spécialiste du paiement en ligne. Pour ne pas amoindrir son potentiel d’innovation, Leetechi a conservé son équipe dirigeante, qui fonctionne de façon autonome. Quelques mois plus tard, Banque Populaire Caisse d’Épargne a lancé la même opération sur son rival de taille comparable, LePotCommun.fr. BPCE a pris une participation de 85 % dans le capital, tout en prévoyant de monter à 100 % à d’ici 3 ans. L’acquisition permet d’intégrer rapidement une innovation qui pourrait être lente à reproduire en interne et de s’offrir un différenciateur fort, surtout lorsqu’il s’agit d’une innovation unique sur le marché.
Tous ces scenarios ont leurs avantages et leurs inconvénients. La clé réside avant tout dans la manière dont ils sont articulés entre eux et dans la complémentarité avec laquelle ils sont pensés. Les institutions financières doivent s’organiser pour mener leurs différents scenarios d’intégration de front et de manière coordonnée : incubateurs, fonds d’investissement, directions et directions générales devront travailler en bonne intelligence et accentuer les synergies pour que les différents modèles se nourrissent les uns des autres.
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