FMI, OCDE : pourquoi sont-ils si noirs ?

L’optimisme semble interdit au FMI et à l’OCDE, évidemment plus encore à la Banque des Règlements Internationaux (BRI). Ces instances internationales doivent toujours nous inquiéter, nous avertir des risques. Le conseiller économique du FMI, Maurice Obstfeld, dans son introduction au rapport sur les Perspectives de l’économie mondiale d’octobre 2016, rappelle ses soucis d’il y a un an. C’étaient la Chine, la baisse du prix du pétrole et les effets de la montée des taux aux Etats-Unis. Puis, il est quand même obligé de reconnaître : « Aujourd’hui, une croissance stable a réduit les préoccupations à court terme en ce qui concerne la Chine, les prix des produits de base se sont redressés en partie et le premier relèvement des taux d’intérêt par la Réserve fédérale est derrière nous ». Donc tout va bien.

Mais non ! Car il ajoute immédiatement après : « Cependant, un examen plus approfondi donne des raisons de s’inquiéter ». Et il cite encore la Chine, dont la croissance est tributaire d’un financement bancaire trop important et pas vraiment surveillé. Viennent ensuite les pays émergents : même si les prix des matières premières remontent, des surinvestissements demeurent et des réformes restent à faire. Enfin, la Fed devra bien monter ses taux cette année-ci, et aussi l’année qui vient, alors que sa croissance pourrait ralentir. Au fond, il y a un risque de bulle en Chine, d’ajustement difficile dans les pays émergents et de remontée forte des taux longs aux Etats-Unis, puis ailleurs. On comprend donc que Maurice Obstfeld modère son enthousiasme. Si le pire a été évité, c’est qu’un autre se prépare.

Cette approche se retrouve à l’OCDE, qui s’inquiète de la croissance trop faible et de la trappe qui s’ouvre sous les pays à revenus intermédiaires. La BRI met l’accent sur la montée des endettements des pays émergents, sur le développement des produits dérivés et sur la faiblesse des fonds propres des banques systémiques. N’oublions pas, d’ailleurs, que le FMI a mis nommément en garde la Deutsche Bank.

Pourquoi ce pessimisme endémique ? Evidemment, c’est toujours fait pour freiner les ardeurs, les « esprits animaux » de la finance et des entrepreneurs. En même temps, il s’agit de renforcer les banques et le shadow banking en demandant aux premières plus de fonds propres encore et au second de suivre plus de règles.

Pour autant, on pourra remarquer que ni le FMI ni l’OCDE n’avertissent d’une récession. Les mauvais esprits diront qu’ils la ratent. Mais on sait bien qu’en ce domaine, la prophétie serait terriblement auto-réalisatrice. Récession annoncée par le FMI, récession amplement réalisée par les marchés ! Nous comprenons donc pourquoi le FMI n’a pas le choix : calmer toujours le jeu, contrôler en permanence la finance et s’inquiéter aujourd’hui des effets déstabilisateurs des migrations.

Les difficultés peuvent en effet augmenter, dans la mesure où les échanges commerciaux et les libertés financières permettent certes des avancées, mais créent aussi des inégalités et des perturbations. Le FMI en est donc conduit parfois à s’inquiéter des excès liés à la liberté des capitaux et à recommander des contrôles, évidemment temporaires, ce qui est contraire à sa philosophie de fond. Aujourd’hui, il change de concept et prône partout une croissance plus « inclusive ». Ce mot générique n’est plus la philanthropie des Rockefeller, mais l’emploi qui viendra de l’innovation et des entreprises en expansion, soucieuses de formation. Comme l’écrit Christine Lagarde, il s’agit d’échapper à « la nouvelle médiocrité ». On peut considérer que c’est un message optimiste, si l’on veut…

 

Chaque semaine, au travers du Weekly Briefing, je vous livre un regard économique et financier sur la conjoncture et l’actualité. Si vous êtes intéressé, cliquez pour vous abonner.

Fondateur de Betbeze Conseil SAS, Professeur de Faculté en Sciences économiques, Jean-Paul Betbeze a été Chef Economiste du Crédit Lyonnais en 1989 puis du Crédit Agricole (et membre de son Comité exécutif) jusqu’en 2013. Ancien membre du Conseil d’analyse économique auprès du Premier ministre et de la Commission Economique de la Nation, il est membre du Cercle des économistes et Président du Comité scientifique de la Fondation Robert Schumann. Auteur de nombreux ouvrages et rapports, il a rejoint le cabinet en avril 2013 en tant qu’Economic Advisor pour apporter son regard d’expert en analyse économique, conjoncturelle et financière.

Published by

Recent Posts

Cas d’usage des captives de réassurance, entre gestion du risque corporate et opportunité financière

Article co-rédigé avec Cyril Chalin, Charles-Henri Carlier, Joseph Delawari et Pape Modou Mbow. La loi…

9 mois ago

Talent Acquisition et compétences face au changement organisationnel

Entretien avec Jérôme de Grandmaison (VP Talent Management, Product Lines & Functions, Alstom) à l’occasion…

10 mois ago

Refonte du questionnaire lutte anti-blanchiment : une approche qui évolue avec des impacts forts pour les entités assujetties

Article co-écrit par Ivann Le Pallec (Senior Consultant Risk Advisory) et Valentin Brohm (Manager Risk…

10 mois ago

Future of luxury travel

Five Trends Shaping the Market Hear “luxury travel,” and you’re likely to envision a swirl…

11 mois ago

E-Euro : l’interview de Frédéric Faure, Head of Blockchain chez Banque de France

Interview réalisée par Marie-Line Ricard, Associée Blockchain & Web 3, Jérémy Stevance, Manager Blockchain &…

11 mois ago

La prise en compte de sujets fonctionnels résultant de la réforme de la demande et des attributions, une opportunité pour les acteurs de la réforme

Article co-rédigé avec Wilfrid Biamou, Senior manager. Les évolutions réglementaires successives Alur du 26 mars…

12 mois ago