IA : quel impact sur l’emploi ?

Nous connaissons tous le jeu de go, ce jeu qui présente plus de coups possibles que d’atomes dans l’univers, au niveau de complexité très largement supérieur à celui du jeu d’échec… Après la victoire d’une machine en 1997 face à Garry Kasparov, les meilleurs experts prédisaient qu’une machine ne serait pas en mesure de battre un champion du monde de Go avant 2035 ou 2050 au mieux. Et bien… cela a eu lieu en mars 2016 ! Les robots arrivent ! Vont-ils remplacer l’homme comme certains chiffres catastrophiques qui circulent semblent l’indiquer ? Quelle proportion d’emplois vont-ils réellement détruire ? Près de 50% comme annoncé par une étude d’Oxford ? Ou moins de 9% selon l’OCDE ?

Les « 3 P » de l’intelligence artificielle

Avant d’aborder la question de l’impact de l’IA sur les métiers, définissons d’abord les champs que recouvre, concrètement, l’intelligence artificielle.

Nous avons analysé plusieurs centaines d’applicatifs d’intelligence artificielle dans toutes les industries. Ces applicatifs peuvent être répartis en 3 catégories : produits, process, prédictifs.

Les applicatifs Produit ont pour objectif de rendre l’expérience utilisateur plus plaisante et facile, à travers l’utilisation du langage naturel et d’un « comportement » proche de celui des humains.

Les applicatifs Process utilisent la technologie pour faciliter, gagner en économie d’échelle ou automatiser des processus existants, ce qui permet de réaliser des tâches plus rapidement voire tout simplement de les effectuer. Ce qui n’aurait pas été possible sans l’IA.

Les applicatifs Prédictifs ont pour objet d’analyser des données, d’identifier des cycles afin d’anticiper ce qui pourrait arriver et de prendre les mesures adéquates. Tâches qui ne seraient pas réalisables sans l’intervention de la machine.

Quel impact sur l’emploi ?

Impossible aujourd’hui de nier les faits : oui, la prise en charge de certaines tâches par les machines, et par l’intelligence artificielle en particulier, a et aura un impact irréfutable sur l’emploi.  Oui, l’on pourrait se séparer de l’ensemble des hôtes et hôtesses de caisse grâce aux puces RFID. Oui, un groupe comme Amazon a constitué des entrepôts ne nécessitant quasiment pas d’intervention humaine. Oui, un groupe comme Foxconn a prévu de remplacer  des dizaines de milliers de collaborateurs par des robots.

Mais nous ne pouvons pas nous arrêter à ces constats car, comme toujours, la réalité est plus complexe.

Personne, en réalité, ne sait avec précision quel pourra être l’impact de ces nouvelles technologies sur l’emploi. Si nous sommes en capacité d’imaginer les impacts de la robotisation sur les emplois actuels (et encore), nous n’arrivons pas à imaginer quels emplois ces derniers vont créer. Par exemple, qui aurait parié il y a quelques années sur l’apparition ou le développement de métiers comme webmaster, data analyst ou expert en cyber sécurité ? Ainsi, au Royaume-Uni entre 2001 et 2015, la technologie a contribué à créer 3,5 millions d’emplois et n’en a détruit « que » 800 000. La dernière étude du World Economic Forum estime que 75 millions d’emplois seront détruits d’ici 2022 mais surtout 133 millions créés – soit une création nette de 58 millions.

Si l’on analyse réellement ce que robotisation et intelligence artificielle signifient pour l’évolution du travail, ce sont moins les emplois qui sont à risque que les tâches. D’après l’OCDE, 15% des collaborateurs verront 50% de leurs tâches fortement modifiées par l’automatisation. Prenons l’exemple de l’arrivée des Distributeurs Automatiques de Banque (DAB). Lorsqu’ils sont apparus, beaucoup s’inquiétaient pour les emplois puisqu’il était possible de faire fonctionner une agence avec 30% de personnel en moins ! En pratique, l’arrivée des DAB a permis de redéployer les collaborateurs vers davantage de missions en proximité de leurs clients (ouverture de comptes, opération et conseil…) et en ouvrant davantage d’agences. Les DAB ont ainsi contribué à une création nette de près de cent mille emplois, rien qu’aux Etats-Unis.

Une révolution qui est celle de l’homme, et de ses capacités intrinsèques

Finalement, même sans boule de cristal, voici ce que l’on peut affirmer avec certitude pour l’instant : le développement des intelligences artificielles va conduire à une diminution des tâches routinières ainsi que des tâches nécessitant une capacité d’analyse ou de calcul poussée, laissant davantage de place aux capacités intrinsèquement humaines.

L’économiste Robert Gordon a calculé qu’entre 1970 et 2009, le travail non routinier faisant appel à des compétences cognitives a augmenté de 60%, tandis que la part des tâches répétitives a diminué de 12%. Une évolution qui va s’accélérer et va provoquer un recentrement du travail sur les capacités « pures » de l’homme, à savoir :

  • Porter un regard critique sur l’information
  • Avoir le sens du contact
  • Faire preuve d’empathie, d’intelligence sociale et émotionnelle
  • Etre capable de créativité et d’innovation
  • Savoir s’adapter (capacité d’apprentissage, résolution de problème, visualisation, conceptualisation)

Cette mutation des compétences est à prendre en considération dans les entreprises mais également dans le système éducatif. Les compétences techniques évoluent trop vite pour que l’on s’y attarde : actuellement, en moyenne, une compétence a une « demi-vie » (période au cours de laquelle une substance perd 50% de son impact) de 5 ans versus plus de 30 ans dans les années 80. Il est ainsi plus important d’apprendre à apprendre et de développer les émotions et le ressenti.

Toutes ces transformations se feront avec et pour les hommes. « Avec » car l’intelligence collective sera un facteur de différenciation. Et « pour » car les collaborateurs sont à la recherche de sens, de développement… et c’est ce qui déterminera leur engagement. La technologie apporte un potentiel analytique exponentiel qui, pour qu’elle serve efficacement le progrès, demande de valoriser le meilleur de l’homme : sa capacité à faire des liens, intellectuels, humains et pratiques, pour redonner du sens, créer la confiance, et engager dans l’action.

Philippe a près de 20 ans d’expérience en matière de gestion des ressources humaines. Associé en charge des activités Capital Humain, il dirige les différents domaines de conseil RH du cabinet : rétribution globale, transformation RH, organisation & change. Disposant d'une expertise forte, Philippe accompagne les directions générales sur les implications humaines des grandes opérations de transformation stratégique, réorganisation, fusion, acquisition... Il est également expert dans la conception et la mise en œuvre de programmes de rémunération (variables, fixes, LTI) et d'avantages sociaux (retraite, prévoyance).

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