Industrie du paiement : les 5 tendances que la crise a confirmées (et accélérées)

Article co-rédigé avec David Parera, Directeur FSI, Vincent Maissin, Manager FSI,  Julie Choteau, Pierre-Ly Pinault et Anne Vinot, consultants FSI.

Comment l’industrie des paiements a-t-elle traversé la crise ? Quelles sont les tendances qui se dessinent pour l’écosystème des services financiers suite à ce bouleversement ? Si aucune révolution n’est à prévoir, le COVID-19 a néanmoins souligné la nécessité d’une accélération : les acteurs du paiement doivent en effet accélérer les transformations déjà engagées pour relever les défis de leur industrie et renforcer sa robustesse. Ce changement de rythme ne pourra se faire qu’à la condition de maintenir les investissements dans un environnement contraint et se donner les moyens d’impacter durablement les nouvelles façons de consommer. Nous avons identifié 5 tendances que la crise est venue confirmer et renforcer, et qui dessinent résolument les contours du paiement de demain.

La réduction de l’utilisation du cash

Avant l’apparition du COVID-19, près d’un paiement sur deux était encore réalisé en cash, essentiellement dans les commerces de proximité les plus touchés par la crise. Dès les premiers jours suivants l’annonce du confinement, le GIE Carte Bancaire a constaté une baisse significative des opérations en espèces : -60% de retraits en France la première semaine et malgré un montant moyen en hausse, passant de 85€ à 120€, les volumes ont diminué de près de 40%.

La réduction de l’usage du cash est bien un processus engagé depuis de nombreuses années. Si cette période difficile n’aura, à long terme, qu’un impact limité sur cette tendance, elle doit inciter les banques à accélérer les refontes organisationnelles de leurs filières fiduciaires. L’objectif : mutualiser et optimiser les moyens mis en œuvre afin de préserver l’accès à l’argent liquide pour tous les français.

L’explosion du sans-contact pour les paiements de proximité

Entre 2012 et 2017, le nombre de transactions sans contact avait déjà été multiplié par 1000. Le relèvement médiatisé du plafond de 30 à 50€ est venu achever un déploiement généralisé et harmonisé du paiement sans-contact dans toute l’Europe. La crainte de la contamination par la monnaie renforce également l’attrait des français pour le paiement mobile comme l’atteste ce chiffre publié par Orange Bank : après le début du confinement, les montants unitaires des achats en paiement mobile ont bondi de 60 %.

Si le sans contact par carte est maintenant largement installé dans le paysage, le paiement sans contact via smartphone en France accuse toujours un retard par rapport à d’autres pays européens avec un taux de pénétration de cette technologie de seulement 2,2%1. Les efforts engagés par les banques et les nouveaux acteurs depuis plusieurs années ne se montrent pas suffisant et ceux-ci devront accélérer leurs actions pour proposer des expériences utilisateurs aux meilleurs standards du marché ainsi qu’une distribution plus efficace de ces produits.

La montée en puissance de l’omnicanal

La fermeture d’un grand nombre de points de vente physiques a incité de nombreux commerces et indépendants à se poser la question de l’acceptation des paiements en ligne et de la mise en œuvre de nouveaux parcours d’achats. Le click & collect a ainsi largement été adopté par de nombreux commerces, qui ont dû s’équiper en urgence de terminaux de paiement ou de systèmes d’encaissement en pour mettre en place ces nouveaux parcours d’achats.

La crise du Coronavirus souligne -aux acteurs qui ne l’avaient pas encore compris- le caractère désormais incontournable du paiement en ligne et de la mise en œuvre des parcours omnicanaux. Là encore, il convient pour chaque marchand d’accélérer et généraliser à plus grande échelle la définition de stratégies d’acceptation de paiement et de mettre en place les bonnes organisations afin de s’adapter aux nouveaux standards du commerce.

La dynamique concurrentielle entre les acteurs du paiement

Dès le mois d’avril, certains fournisseurs de solutions de paiement ont affiché des réductions sur leurs commissions pendant la période du confinement, voire ont complètement supprimé leurs frais d’encaissement auprès de certaines catégories professionnelles. D’autres ont mis en avant leur service de financement ou d’accompagnement individualisé afin de soutenir leurs clients et les fidéliser. Ces exemples illustrent la forte concurrence qui existe entre les acteurs sur le marché du paiement, qui doivent travailler sur deux aspects pour se différentier et préserver leur rentabilité : la diminution des coûts par opération et le développement des services additionnels à valeur ajoutée.

L’ambition européenne de souveraineté et d’harmonisation des institutions

La pandémie actuelle a mis en lumière une dépendance excessive à l’égard de certains acteurs étrangers et la nécessité d’un retour à une souveraineté européenne. Appliquée aux paiements, la crise que nous traversons renforce l’idée que l’Europe des paiements a besoin d’être unie et harmonisée afin de faciliter l’adoption des paiements digitaux et l’émergence d’acteurs européens capable de rivaliser avec les leaders internationaux. La Commission Européenne a d’ailleurs confirmé en avril le calendrier de son programme d’innovation dans les services financiers en soulignant l’importance du rôle que jouent les paiements numériques dans nos vies et la dépendance de notre société à leur égard. Encore une fois, tout est une question d’accélération car les initiatives existent : le projet EPI (European Payment Initiative) par exemple, vise à créer un système de paiement purement européen, tandis que l’European Payment Council travaille à la mise en œuvre d’un standard européen pour le concept du Request-to-Pay.

Développement de nouveaux canaux de vente, paiement mobile, paiement en ligne, interopérabilité des paiements en Europe… le monde du paiement avait déjà bien engagé sa mutation. Ces transformations sont connues et elles ne sont pas nouvelles. Mais le COVID-19 en sera l’accélérateur. La violence avec laquelle cette crise impacte certains secteurs d’activité met en avant les enjeux de ces changements et doit inciter le monde des services financiers à accélérer la mise en place de certains chantiers clés dans l’industrie des paiements.

1.Source : Statista pour Le Journal du Net, Juin 2019

Julien Maldonato est Associé Conseil Industrie Financière, expert des sujets d’innovation et de transformation digitale. Il accompagne les Banques, Assurances et Fintech dans le pilotage de projets complexes : création d’activités, lancement d’offres, refonte de modèles de distribution, digitalisation et socialisation de processus. Il est spécialisé dans le digital et technologies de ruptures appliqués aux services financiers : Intelligence Artificielle, Blockchain, objets connectés.

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