Interview croisée entre Bilal El Alamy, Fondateur de Equisafe & Julien Maldonato, Associé FSI Deloitte, le 01 février 2022.

Equisafe est un acteur français qui propose des solutions visant à simplifier les processus d’investissements et la transparence de leurs suivis. Bilal El Alamy, Fondateur de Equisafe, et Julien Maldonato, Associé FSI & Fintech chez Deloitte en charge des sujets d’innovation, nous exposent leur vision du secteur de la gestion d’actifs, et des opportunités associées au Web 3.0 et à la finance décentralisée.

 

D’un hackathon étudiant à la gestion d’actifs de plus de 4500 investisseurs, Equisafe n’a cessé d’évoluer depuis ses débuts. Quelle est sa genèse et quel besoin adresse-t-elle aujourd’hui ?

Bilal El Alamy : Effectivement, tout a commencé lors d’un hackathon organisé par une banque d’affaire alors que j’étais encore étudiant. Lors de cet évènement, j’ai réussi à développer un outil d’automatisation du sourcing pour des deals en Private Equity. L’idée était de noter les entreprises à partir d’informations disponibles dans des bases de données fiables et disponibles sur internet. Avec l’arrivée de la réglementation RGPD et les restrictions associées sur l’accessibilité de ces bases de données, j’ai dû complètement repenser l’approche de l’outil en partant des registres des titres financiers. Ces derniers étant au format papier, la seule solution était d’utiliser la blockchain pour digitaliser ces registres et certifier les informations renseignées.

Aujourd’hui Equisafe est une société B2B qui propose la mise sous gestion des investissements sur des véhicules d’investissements. Cette solution SaaS clé en main facilite la mise en relation entre investisseurs et s’occupe des formalités juridiques, du reporting et de la comptabilité de ses clients. La société respecte l’ensemble des normes RGPD et est conforme à la réglementation DSP2 en vigueur.

 

Votre produit et votre modèle de rémunération évoluent constamment, pouvez-vous nous en dire plus ?

Bilal El Alamy : Au lancement d’Equisafe, nous facturions 0,003% des actifs sous Administration (AUA) en échange de la solution technique. Pour autant, nous avons rencontré une réelle difficulté à trouver le bon business model et le pricing qui convient, celui-ci n’accompagne pas vraiment la croissance. Nous avons donc pris la décision de pivoter notre business model en proposant un pricing en deux étapes. Un abonnement de 50€ par an et par investisseurs ; à cela s’ajoute une facturation sur chaque flux financier de 0,1%. Ce dernier est permis grâce à l’agrément de Prestataire de Service de Paiement (PSP) en partenariat avec LewonWay.

Nous avons par la suite obtenu un nouvel agrément, celui de conseil en investissement participatif (CIP), qui nous a permis de passer de 0,1% à 1% par flux financier tout en gardant la facturation de notre abonnement.

Nous travaillons aujourd’hui sur une nouvelle filiale détenant l’agrément de société de gestion. Ce statut nous permettrait de maintenir le prélèvement de 1% sur chaque flux financier et de passer à une facturation de 1% par an des actifs sous gestion (AUM), et non des actifs sous administration, chose que nous pourrions faire sans cette nouvelle licence.

En associant notre technologie avec les licences traditionnelles, nous ne cessons d’améliorer nos services toutes en donnant plus de sens à notre modèle économique.

Pour 2023, Equisafe va mettre en place une stratégie d’intégration des actifs numériques puisque ces derniers sont dans la lignée des investissements opérés jusqu’à présent. Cela permettra d’élargir la palette de titres financiers mais également de permettre le nantissement (le nantissement consiste à collatéraliser des actifs financiers en échange de liquidité) ou l’épargne en crypto-actifs. La collatéralisation de Security token (jetons d’investissement assimilable à une action ou une obligation) est à mon sens la nouvelle vague de la finance décentralisée (DeFi).

Il n’est pas exclu que nous en ayons besoin du PSAN également à moyen terme.

Julien Maldonato : L’industrie des actifs numériques et plus largement celle du Web 3.0 connait actuellement une forte croissance du nombre de nouveaux projets mais également une courbe exponentielle d’adoption par le grand public et les acteurs financiers plus traditionnels. La diversité des cas d’usage liés aux actifs numérique permettra au secteur financier de se réinventer et ainsi de rester le secteur générant les plus grosses levées de fonds en 2022 (plus de 2 milliards d’euros en France sur l’année 2021).

D’autre part, l’année 2021 a été marquée par l’explosion de nouveaux projets liés à l’ouverture des données bancaires qui ont facilité la personnalisation des services financiers des utilisateurs finaux comme la micro-épargne ou encore l’agrégation de comptes. 2022 sera l’année de la diversification de l’épargne et des investissements grâce aux actifs numériques. Leur intégration au sein de la stratégie d’Equisafe en 2022 n’a rien d’anodin. Cette dernière confirme une tendance que nous évoquions en octobre dernier dans notre quatrième rapport « Deloitte’s Global Blockchain Survey 2021 » où nous relevions que 41% des acteurs de l’industrie financière identifiaient les actifs numériques comme une opportunité de diversification des investissements.

 

Equisafe est membre de l’ADAN (Association pour le Développement des Actifs Numériques) depuis 2021. Quel est votre regard sur l’accompagnement des entreprises du Web 3.0 France ?

Bilal El Alamy : L’accompagnement des startups liées aux actifs numériques existe au travers d’organismes comme l’ADAN ou encore d’initiatives d’institutionnels comme l’AMF. Ils participent à la pérennité du secteur. La brique qu’il manque c’est un lieu physique dédiée au Web 3.0, avec les expertises techniques, opérationnels et collaboratives de ses projets. C’est tout l’objet de mon nouveau projet PyratzLabs, un startup studio dédié au Web 3.0 avec l’ambition d’animer et de catalyser l’écosystème Français. L’idée est surtout de permettre aux entrepreneurs de partager leurs expériences aux mieux, comme la mienne avec DOGAMì.

Julien Maldonato : Selon notre rapport « Deloitte’s Global Blockchain Survey 2021 », 70% des acteurs de l’industrie financière identifient la réglementation et la sécurité des données comme nécessitant de grands changements. La finance décentralisée en est aujourd’hui à ses balbutiements et nécessite la création d’un cadre juridique afin de favoriser son développement et ainsi d’éviter que les contraintes réglementaires constituent le principal obstacle à l’acceptation des actifs numériques comme l’identifie 60% des acteurs de l’industrie financière.