Interview croisée entre Didier Lallemand, CEO de Treezor & Julien Maldonato, Associé FSI Deloitte le 24 mai 2022.

 

Pouvez-vous nous présenter les services proposés par Treezor ?

Didier Lallemand : La demande d’un agrément d’Établissement de Paiement (EP) ou d’Établissement de Monnaie Électronique (EME) auprès de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) peut s’avérer longue et coûteuse, particulièrement pour des sociétés qui débutent leur activité commerciale. C’est en partant de ce constat que les fondateurs de Treezor (Eric Lassus et Xavier Labouret) ont décidé en 2016 de fonder Treezor, une plateforme de Banking-as-a-Service (BaaS) qui met à disposition des Fintechs des services de paiement disponibles par API, encadrés par l’agrément obtenu auprès de l’ACPR par Treezor (ou par eux-mêmes). C’est un accélérateur pour les startups ou projets intrapreneuriaux qui souhaitent se lancer sur le marché sans attendre et bénéficier néanmoins d’un socle réglementaire et technologique éprouvé.

Treezor a été acquise en 2019 par le groupe Société Générale, ce qui lui a permis d’étendre son offre aux grandes entreprises. Les services proposés par Treezor couvrent l’ensemble de la chaîne de paiements, en acquisition et en émission. Treezor intervient chez ses clients en tant que BaaS (Banking-as-a-Service), en fournissant une solution technique et réglementaire ou, seulement en tant que Prestataire de Services de Paiement (PSP) en proposant la brique technique, à l’instar des Core Banking Systems (CBS).

Treezor est agréée par l’ACPR en tant qu’Établissement de Monnaie Électronique et est membre principal des réseaux Mastercard et Visa. À la suite d’une récente extension de ses activités auprès de l’ACPR, Treezor devient le premier établissement agréé à disposer de l’intégralité des licences de services de paiements (de 1 à 8).

 

Comment le partenariat avec Société Générale renforce-t-il votre proposition de valeur sur le marché français ?

Didier Lallemand : Le rapprochement avec Société Générale nous a apporté davantage de visibilité auprès des grandes entreprises, notamment en répondant à leurs exigences de conformité – niveau de risque, processus, gouvernance – qui sont élevées chez de tels acteurs. Treezor a adapté son offre pour répondre aux attentes de ces sociétés, qui sont davantage en recherche de briques de services très modulaires. Treezor a également étendu son offre en intégrant un ensemble de services portées par d’autres entités du groupe Société Générale et disponibles sous forme d’API, tel que le crédit avec Franfinance.

 

Quelle sont vos ambitions de développement en termes d’offre ?

Didier Lallemand : Notre premier enjeu est de répondre à l’ensemble des besoins de paiement de nos clients, qu’il s’agisse de startups 100% digitales, de grandes entreprises, de commerçants … Pour répondre à ces besoins, nous souhaitons couvrir l’ensemble des services de paiement, de la gestion des chèques aux facilités de paiement de type Buy Now Pay Later (BNPL), en passant par l’émission et l’acquisition de cartes bancaires, les virements, les prélèvements et bientôt l’initiation de paiements via les API DSP2 dédiées.

Julien Maldonato : Parmi les moyens de paiement qui se développeront fortement ces prochaines années, on compte les solutions de BNPL. Cette facilité de paiement est un moyen efficace d’apporter de la valeur aussi bien pour les clients que les commerçants : les clients peuvent amortir leurs achats plaisir et les commerçants disposent quant à eux d’un outil facilitateur de vente. D’autant plus que la croissance des modes de consommation digitaux (la crise sanitaire du COVID-19 a engendré une accélération de la dématérialisation des paiements en 2020[1]) laisse à penser que ces solutions de paiement se développeront fortement ces prochaines années.

 

Comptez-vous développer des services en crypto monnaies ?

Didier Lallemand : Treezor compte déjà dans ses clients des acteurs du marché des crypto-monnaies. En effet, certaines plateformes d’échange (qui permettent de convertir les monnaies FIAT – par exemple l’euro – en crypto monnaies) utilisent les wallets de Treezor pour héberger les montants en euros reçus de leurs clients. Au-delà de ce cas d’usage, Treezor ne propose pas aujourd’hui de services de paiement en crypto-monnaies. Cependant, cela pourrait être une piste de réflexion pour l’avenir, notamment avec le développement de stablecoins (crypto monnaies dont la valeur est stable et garantie par des dépôts) qui possèdent beaucoup de similitudes avec la monnaie électronique.

Julien Maldonato : Le développement des crypto monnaies et plus généralement des technologies du Web 3.0 constitue la prochaine révolution du secteur financier. Aujourd’hui les acteurs financiers sont déjà confrontés au développement des crypto monnaies : leurs clients peuvent rapatrier des fonds euro dont les plus-values ont été réalisées en crypto monnaies. Ils doivent alors pouvoir justifier de l’origine des fonds à des fins de lutte contre le blanchiment et financement du terrorisme. Comme évoqué par Treezor, un second cas d’usage consiste à ouvrir des comptes en euro pour héberger les fonds des clients des plateformes d’échange. Dans ce cas également, un devoir de surveillance de la provenance des fonds de la plateforme d’échange est à exercer. On observe également une augmentation des acteurs du marché qui proposent leurs propres services en crypto monnaie : Revolut propose d’acheter et vendre des crypto monnaies, Lydia propose d’investir dans des actions en actifs numériques, Banque Casino a lancé un stable coin adossé à l’euro, le Lugh avec l’aide de Société Générale

 

Quel a été l’impact de la DSP2 sur votre activité ?

Didier Lallemand : Chez Treezor, la DSP2 a été une source d’opportunités car elle a permis d’élargir l’offre de service en intégrant la finance dans des parcours extra-financiers. L’API d’agrégation de comptes (AISP) permet, par exemple, de calculer automatiquement le score de crédit d’un client et ainsi fournir un avis immédiat quant à sa solvabilité et l’API d’initiation de paiement (PISP) permet de vérifier lors du KYC (Know Your Customer) l’existence d’un compte bancaire.

Sur le marché français, on remarque un vrai appétit pour les API d’initiation de paiement. L’initiation de virement peut en effet être utilisée pour le règlement de factures, le virement présentant l’avantage d’être plus sûr que le prélèvement, par son irrévocabilité. Il peut également être exécuté en temps réel dans le cas du virement instantané (SCT Instant Payment).

A noter que même si des standards de place relatifs aux API DSP2 ont été créés, les API restent hétérogènes d’une banque l’autre.

Julien Maldonato : en effet, l’initiation de paiement permet de cas d’usage très intéressants. Il permettra de faciliter le paiement des factures en remplaçant le prélèvement ou le paiement récurrent par carte bancaire. Le client recevra un lien (via SMS, email, WhatsApp…) décrivant la facture à payer, et lui demandant de cliquer sur un bouton ou de flasher un QR code pour procéder au paiement. Le virement sera ensuite initié, avec le libellé choisi par le commerçant, ce qui facilitera la réconciliation. Le protocole Request-to-Pay (RTP) qui sera disponible à compter de 2023 permettra d’accélérer le développement et l’adoption de ce cas d’usage.

 

Quelle est votre ambition de développement à l’international ?

Didier Lallemand : L’expansion à l’international représente un enjeu important pour Treezor. L’objectif est de répliquer les services proposés en France dans d’autres pays d’Europe, afin de se positionner comme un acteur européen de la finance embarquée (ou Embedded Finance). Treezor accompagne ses clients français qui s’implantent en Europe mais aussi ses clients Européens qui veulent s’installer en France. Treezor peut opérer dans l’espace européen grâce à son passeport, et nous avons des succursales en Allemagne, en Espagne et en Italie pour développer notre présence commerciale ainsi que les relations avec les régulateurs de ces différents pays.

Cette interview est disponible sur le site officiel de Treezor en version anglaise.

 

[1] Rapport annuel de l’Observatoire de la Sécurité des Moyens de Paiement, 2020