Article co-écrit avec Nicolas Demestihas, Senior Manager FSI et Mathieu Barbier, Consultant FSI.
Les banques françaises doivent aujourd’hui plus que jamais investir dans leur transformation pour maintenir leur rentabilité. Confrontées à un environnement économique qui pressurise leur marge, elles cherchent aujourd’hui à se concentrer sur des activités à forte valeur ajoutée et à trouver de nouveaux leviers pour réduire leurs coûts. L’externalisation des activités bancaires constitue un moyen d’atteindre ce double objectif.
Les banques européennes parviennent pour le moment à contenir l’impact du COVID-19 grâce à la diversité de leurs activités. Les métiers de financement des entreprises et des Etats (forte hausse des volumes) et les métiers de gestion des risques sur les marchés financiers (hausse des volumes et de la volatilité) notamment, ont réalisé un premier semestre 2020 record. La santé de ces activités de banque d’investissement permet de compenser, au niveau consolidé des groupes bancaires, la chute du PNB dans la banque de détail (à l’arrêt pendant 2 mois) et du crédit à la consommation (forte baisse des volumes).
Les banques résistent d’autant mieux que la crise économique n’est pas – pour l’instant– associée à une crise bancaire. Elles bénéficient de la confiance des investisseurs et clients grâce aux réserves constituées depuis 2008 et du soutien massif des Etats aux entreprises (prêts garantis). Cependant, à moyen terme, le COVID-19 va avoir des conséquences sur les rentabilités bancaires.
D’une part, la hausse du nombre de faillites d’entreprises devrait se poursuivre jusqu’en 2021. Une étude d’Euler-Hermes anticipe une hausse de 25% du nombre de faillites en France en 2021 par rapport à 2019. Le risque de faillites contraint les banques à provisionner des montants records sur leurs financements. Dès le premier semestre 2020, les 32 plus grandes banques européennes ont ainsi mis en réserve €56mds. Les montants provisionnés devraient continuer à croitre dans les prochains semestres. Selon une étude de la banque Citi, les provisions passées en 2020 devraient totaliser des niveaux similaires à ceux de 2010. Ces provisions impacteront les résultats tant que les difficultés des secteurs les plus touchés ne seront pas vaincues (énergie, transport aérien, commerce de détail, tourisme, restauration), ce qui devrait prendre plusieurs années.
D’autre part, les activités de crédit des banques sont depuis 2015 pénalisées par l’apparition des taux zéro en zone euro. L’environnement de taux bas réduit mécaniquement la marge nette d’intermédiation. En outre, en zone euro notamment, la crise du COVID a renforcé les anticipations de taux d’intérêts bas pour longtemps. Les réponses des Etats européens (plans de relance) et de la BCE (750mds€ d’achat de dette, refinancement à taux négatif jusqu’en 2021) face au choc ont eu pour effet de faire baisser les taux d’intérêts (pour toutes maturités). La marge nette d’intermédiation des banques européennes devrait donc rester faible pendant plusieurs années.
Amenées à investir significativement pour faire face aux exigences réglementaires, les banques doivent identifier, à moyen terme, des leviers de croissance ou de réduction de coûts pour défendre leurs niveaux de rentabilité.
En France, les banques ont lancé ces dernières années des plans d’économies et de transformation souvent axés autour du recentrage sur les métiers les plus rentables, la digitalisation des services et l’optimisation des organisations. Ces plans de transformation peuvent être accélérés grâce à un levier de plus en plus utilisé : l’externalisation.
L’externalisation, déjà utilisée à grande échelle aux Etats-Unis, consiste pour une banque à confier certaines de ses activités à un prestataire indépendant. L’objectif pour la banque est de maintenir le périmètre et la qualité des services proposés tout en se concentrant sur ses activités stratégiques et en diminuant ses coûts. Ceci est rendu possible grâce à l’effet conjoint de 3 facteurs chez le prestataire :
Une démarche similaire est également observée au sein des grands groupes bancaires : la coopération ou la mutualisation. En effet, la mutualisation attire un nombre croissant d’établissements de crédit qui, au fur et à mesure de leurs projets d’optimisation et de réduction des effectifs, notamment sur les fonctions support, se trouvent face à un véritable enjeu de taille critique : à la fois pour garder des compétences d’expertises mais aussi pour justifier les investissements nécessaires à leur amélioration (automatisation, digital).
En France, des groupes bancaires proposent des solutions d’externalisation, permettant à d’autres banques de bénéficier de leurs expertises métiers ou de leurs applicatifs en marque blanche.
Les offres peuvent porter sur une ou plusieurs activités :
En outre, au sein des groupes bancaires, les projets de mutualisation entre entités sont nombreux : projets réglementaires, harmonisation des reportings, consolidation des applicatifs, fusions d’équipes front ou back Par exemple, le groupe BNP Paribas multiplie les efforts pour fusionner les applicatifs, processus et équipes supports entre les entités (CIB, Securities Services, …) et les pays du Groupe. De même, le Crédit Agricole a été un pionnier de la démarche de mutualisation lorsqu’en 2008, les quatre Caisses régionales de Bretagne ont signé un pacte de coopération créant des pôles d’expertises métiers partagés.
En dépit de ses atouts, l’externalisation reste complexe à mettre en place et à maintenir sur le long terme. Le processus s’accompagne de risques (solidité du partenaire, sécurité des données, flexibilité du service, dépendance vis-à-vis du partenaire, perte des employés clés, continuité de l’activité, coûts non prévus, …) qu’il faut anticiper et maîtriser.
Par ailleurs, si la mutualisation permet de répondre à certains de ces risques, pour être pleinement efficace, elle implique de faire converger les pratiques, les processus et les outils. Sans effort de convergence, les synergies sont limitées et la mutualisation se cantonne de fait à une co-localisation et mise en commun de moyens (de type prestation pour compte de tiers), les seules économies réalisées résidant alors sur la couche de management et d’hébergement des ressources.
Enfin, étant une technique de plus en plus utilisée, l’externalisation est également de plus en plus encadrée par les régulateurs (cf. EBA, Guidelines on outsourcing arrangement, 25.02.2019). En France, l’ACPR doit être informée des projets d’externalisations portant sur des activités/ fonctions importantes ou critiques. L’effort de cadrage exigé lors de la mise en place des contrats est donc d’autant plus important.
Les Banques qui évoluent aujourd’hui dans un environnement économique incertain doivent continuer d’investir dans leurs programmes de transformation pour notamment automatiser et digitaliser leurs processus et ainsi rester compétitives. Face à l’ampleur des investissements nécessaires, les banques doivent pouvoir s’appuyer sur des économies d’échelle. Aussi, pour atteindre plus rapidement les objectifs de rentabilité fixés, elles peuvent mener leurs investissements seules et proposer leurs solutions à des tiers, mutualiser des ressources ou encore externaliser en utilisant des solutions existantes « as a service », reconnues sur le marché. L’externalisation est souvent déconsidérée en France en raison de son impact social. En réalité, elle n’est pas nécessairement synonyme de plan de licenciement ou de délocalisation : les emplois externalisés peuvent être repris par le prestataire de service, dans le cadre de l’article L-1224 du code du travail. Intéressante socialement, la reprise des emplois permet également de réduire les délais de mise en place du service, les salariés étant déjà formés aux processus client.
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