Article co-écrit avec Morgane Gabrion, manager Risk Advisory et Inès Tribot Laspiere, senior consultante Risk Advisory.
Considéré comme un secteur à risque en matière de blanchiment de capitaux, l’immobilier est aujourd’hui strictement encadré par la réglementation. Dans le cadre de son dernier rapport Tendances et analyse des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme publié en décembre 2019, le service de renseignement financier Tracfin confirmait « la vulnérabilité du secteur immobilier comme vecteur privilégié de blanchiment du produit d’actes de corruption et de détournement commises par des personnes politiquement exposées étrangères ».
La dimension LCB-FT(1) en matière immobilière est un sujet complexe à appréhender compte tenu du volume des transactions, de la multiplicité des modes de financement, de la diversité des activités immobilières et des profils variés des clients. La compréhension par les professionnels de l’immobilier des risques auxquels ils sont confrontés est donc essentielle.
Ce sont principalement les activités d’acquisition et de vente immobilières qui sont fortement exposées aux risques de blanchiment de capitaux, en provenance d’infractions telles que la corruption, le travail dissimulé, la fraude fiscale et le trafic de stupéfiants.
Le blanchiment peut s’opérer par le biais de transactions de montants élevés, mais aussi faibles ; c’est le cas par exemple du blanchiment issu du trafic de stupéfiants à petite échelle par le biais d’achats immobiliers de faible montant, en périphérie de grandes villes.
Dans une vaste affaire de blanchiment lié à un trafic de drogue à Marseille, l’un des moyens utilisés afin de blanchir l’argent était d’acquérir plusieurs biens immobiliers, dont les montants variaient entre 10 000€ et 300 000€, en fournissant d’importants pots de vins et en effectuant des travaux payés en cash afin de réaliser, in fine, d’importantes plus-values. Le patrimoine immobilier établi était estimé à plus de 2 000 000€ et générait environ 13 000€ de loyers par mois.
L’exposition aux risques de financement du terrorisme est considérée comme moindre, compte tenu du caractère peu liquide des investissements immobiliers et de l’absence d’anonymat. Toutefois, dans le cadre de la location, il ne faut pas écarter l’éventualité qu’une personne à risque ou sur une liste de sanctions soit hébergée, tant au niveau du locataire que du sous-locataire.
Les professionnels de l’immobilier – personnes physiques ou morales – sont assujettis aux obligations relatives à la LCB-FT depuis 2009 pour leur activité d’achat et de vente (dont la promotion immobilière) et depuis 2016(3) pour leur activité locative(4). Ils sont assujettis à ces obligations, qu’ils agissent pour le compte de clients personnes physiques ou personnes morales.
La Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) et Tracfin ont publié des lignes directrices spécifiques sur le sujet, qui ont fait l’objet d’une actualisation en novembre 2018.
Les professionnels de l’immobilier doivent :
– identifier les situations présentant des risques des LCB-FT – c’est ce qu’on appelle la cartographie des risques ;
– établir des critères de risques, selon la nature des produits ou services, les conditions de transaction proposées, les canaux de distribution utilisés, les caractéristiques des clients, ou encore les pays ou le territoire d’origine ou de destination des fonds(5)(ex : le client est une personne politiquement exposée, le montant de la transaction est extrêmement élevé…). Ces critères permettront d’évaluer le niveau de risques relatif à chaque relation d’affaire en matière de LCB-FT.
Ce système de gestion des risques constitue le fondement de tout dispositif LCB-FT. Il permet en effet d’adopter une approche par les risques, consistant à moduler les mesures de vigilance mises en œuvre en fonction du niveau de risque.
Il s’agit de connaître la personne avec qui une relation d’affaire est créée et de comprendre l’opération qu’elle souhaite réaliser, et ce dès l’entrée en relation et tout au long de la relation d’affaires. C’est ce qu’on appelle plus communément « KYC » (Know Your Customer). Cela se traduit par l’obtention d’un certain nombre d’informations et de documents concernant :
– le client et son bénéficiaire effectif(6) si c’est une personne morale (nom et prénom, date et lieu de naissance, nationalité, adresse, profession…) ;
– l’opération (montant, objet de l’achat, mode de financement…).
S’il est impossible de réaliser le KYC vis-à-vis des normes en vigueur, il est alors interdit d’exécuter une opération, d’établir une relation ou de poursuivre la relation d’affaires.
Le professionnel doit déclarer auprès de Tracfin les opérations portant sur des sommes dont il sait ou soupçonne qu’elles sont en lien avec le blanchiment de capitaux ou le financement du terrorisme. La détection du soupçon peut être complexe. En effet, le soupçon naît généralement du recoupement de plusieurs informations et documents recueillis et analysés et d’une connaissance des schémas et tendances du blanchiment d’argent (qui évoluent sans cesse). Un dispositif ad hoc permettant le recueil et l’analyse des situations à risques doit être mis en place.
Des formations relatives à ces obligations et aux procédures mises en place pour y répondre doivent être dispensées à l’ensemble du personnel concerné, et adaptées en fonction des métiers et des niveaux hiérarchiques et ce, périodiquement.
L’autorité de contrôle est la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF). Elle peut ainsi effectuer des contrôles afin de s’assurer du respect et de la mise en place par les professionnels de l’immobilier de leurs obligations de vigilance et déclaratives. Si, à l’issue de ce contrôle, la DGCCRF considère que le dispositif LCB-FT en place est insuffisant, elle peut transmettre un rapport de contrôle auprès de la Commission Nationale des Sanctions (CNS). Des sanctions administratives (par exemple : interdiction temporaire d’activité, retrait de l’agrément ou de la carte professionnelle) ou pécuniaires peuvent alors être prononcées(7).
Le manque d’implication suffisante du secteur immobilier a été plusieurs fois mis en évidence par Tracfin, et des contrôles plus nombreux sont attendus. De nombreux assujettis peuvent décider de se faire accompagner pour la mise en œuvre de leurs obligations, qui nécessite du temps et de la réactivité, parfois difficilement compatible avec l’activité sur le terrain.
La mise en œuvre d’un dispositif de LCB-FT ne doit pas être considérée comme une perte de temps mais doit constituer un véritable argument commercial au-delà des obligations réglementaires. Certains professionnels dans les institutions financières en ont d’ores-et-déjà fait un argument de différenciation.
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