L’Open Banking au secours de l’agence bancaire

Article écrit en collaboration avec Ghislain Boulnois, senior manager FSI, Marine Bauchère, consultante senior FSI, et Elsa Mallein-Gerin, consultante FSI.

L’agence bancaire est en crise, c’est un fait désormais peu contestable. En dix ans, les banques françaises ont fermé 5% de leurs agences et en 2019, 7% des français se déclarent clients d’une néobanque 100% mobile, soit une augmentation de 3 points par rapport à l’année dernière.

Pourtant, paradoxalement, les français restent attachés aux agences physiques : en moyenne 62% des français privilégient l’agence pour les opérations complexes comme l’ouverture de compte, la réalisation d’investissements, des placements, la souscription de crédits ou d’assurances, contre seulement 22% sur internet. De plus, les français préfèrent converser avec un conseiller humain plutôt que digital : 47% des Français sont réfractaires au conseil digitalisé.

Pour continuer à attirer des clients, les banques devront donc renforcer la proximité relationnelle qu’elles entretiennent avec eux et repenser le rôle de leurs agences, notamment grâce aux opportunités offertes par l’Open Banking.

Un réseau de distribution « open » : s’appuyer sur des partenaires pour développer son réseau de distribution physique

Les banques qui n’ont pas de réseau de distribution physique, comme les banques entièrement digitales, pourront créer des partenariats avec des tiers pour utiliser leurs réseaux de distribution. La néo banque britannique 100% mobile Starling Bank a ainsi établi un partenariat avec la Poste britannique, qui dispose d’un fort maillage territorial. Les clients de Starling Bank peuvent donc désormais effectuer des retraits et des dépôts d’argent dans tous les bureaux de poste du territoire.

Demain, nous pourrions même aller plus loin et imaginer que les banques mettent en place des accords de franchise avec des tiers indépendants pour que ces derniers distribuent leurs produits.

Les banques peuvent aussi créer des synergies entre elles et mutualiser leurs réseaux d’agence. Certaines banques en France ayant un maillage territorial faible et les banques exclusivement digitales pourraient en effet nouer un partenariat avec des banques ayant un maillage territorial dense. Se mettraient alors en place des agences multi bancaires.

L’avantage pour les banques est de pouvoir mutualiser leurs coûts. D’une part les banques dépourvues d’agences physiques pourront disposer d’un réseau d’agence à moindre coûts car elles n’auront pas à engager les coûts liés à la construction et la mise en service des locaux de l’agence. D’autre part, les banques mettant à disposition leurs agences physiques n’auront pas à supporter seules les charges externes liées au fonctionnement (eau, électricité, internet, …) et à la maintenance des locaux de l’agence.

Une agence « open » : réinventer l’expérience client en s’inspirant d’autres pratiques

Alors que les banques 100 % numériques fleurissent, Metro Bank créée en 2010 a décidé de miser sur son réseau bancaire pour séduire ses clients. La banque, qui veut « surprendre et ravir », parie sur un service aux clients à l’américaine centré sur le consommateur, sur le modèle d’une marque de grande consommation et désigne même ses agences par le terme de « magasins ». Ainsi, en entrant dans une agence Metro Bank, le client sera accueilli par des employés souriants qui l’attendent derrière un grand comptoir ou qui se précipiteront vers lui pour le renseigner. Des confiseries sont distribuées aux enfants et des gamelles d’eau sont même prévues pour ceux qui viennent avec leur chien. Les agences sont ouvertes sept jours sur sept, de 8 heures à 20 heures en semaine pour se calquer aux horaires de travail des clients. Metro Bank révolutionne ainsi le concept d’agence bancaire en s’inspirant des bonnes pratiques d’expérience client proposées par les leaders du commerce tels qu’Apple. Par ailleurs, la banque favorise le recrutement de collaborateurs qui partagent les valeurs de l’entreprise et sont dotés d’un fort sens du service. Une connaissance bancaire n’est uniquement requise que pour les postes managériaux.

Les banques peuvent également s’inspirer du monde des start-ups du marché pour réinventer l’expérience en agence. Le Crédit Agricole teste ainsi dans une de ses agences à Toulouse, Leenby, un robot capable d’accueillir les clients, de les aiguiller et de répondre à un ensemble de questions simples.

La banque Santander a quant à elle transformé certaines de ses agences en lieu de coworking. La banque compte actuellement une cinquantaine de « Work Café » dans le monde. Au lieu de fermer ses agences en perte de fréquentation, Santander a décidé de les transformer en espace de coworking proposant à la fois des services bancaires, des espaces de coworking gratuits, des salles de réunion réservables et du café. Cet espace est ouvert à tous, clients ou non de Santander. Les clients de Santander ne sont pas laissés en reste : des employés présents au sein des agences fournissent à ceux qui le désirent les services bancaires traditionnels de proximité.

Le concept d’open Banking ne se restreint plus à la notion de plateforme digitale et d’API : il englobe désormais la notion de réseau humain et de partenariats physiques. Les agences de demain deviendront ainsi des « open agences » qui orchestreront des services financiers et extra financiers via des partenariats « physiques ». La prise en compte des sujets de qualité de service / de SLAs (Service Level Agreement) lors de la création de partenariats constituera un enjeu majeur pour les banques. En effet, il s’agira pour ces dernières de s’assurer que la qualité de service de ces nouveaux partenaires ne nuise pas à leur image. Par ailleurs, les banques devront accompagner leurs collaborateurs dans leur transition vers un écosystème ouvert. Cela leur permettra de renforcer la relation de proximité que les banques entretiennent avec leurs clients et de se réinventer.

Julien Maldonato est Associé Conseil Industrie Financière, expert des sujets d’innovation et de transformation digitale. Il accompagne les Banques, Assurances et Fintech dans le pilotage de projets complexes : création d’activités, lancement d’offres, refonte de modèles de distribution, digitalisation et socialisation de processus. Il est spécialisé dans le digital et technologies de ruptures appliqués aux services financiers : Intelligence Artificielle, Blockchain, objets connectés.

Published by

Recent Posts

Cas d’usage des captives de réassurance, entre gestion du risque corporate et opportunité financière

Article co-rédigé avec Cyril Chalin, Charles-Henri Carlier, Joseph Delawari et Pape Modou Mbow. La loi…

1 an ago

Talent Acquisition et compétences face au changement organisationnel

Entretien avec Jérôme de Grandmaison (VP Talent Management, Product Lines & Functions, Alstom) à l’occasion…

1 an ago

Refonte du questionnaire lutte anti-blanchiment : une approche qui évolue avec des impacts forts pour les entités assujetties

Article co-écrit par Ivann Le Pallec (Senior Consultant Risk Advisory) et Valentin Brohm (Manager Risk…

1 an ago

Future of luxury travel

Five Trends Shaping the Market Hear “luxury travel,” and you’re likely to envision a swirl…

2 ans ago

E-Euro : l’interview de Frédéric Faure, Head of Blockchain chez Banque de France

Interview réalisée par Marie-Line Ricard, Associée Blockchain & Web 3, Jérémy Stevance, Manager Blockchain &…

2 ans ago

La prise en compte de sujets fonctionnels résultant de la réforme de la demande et des attributions, une opportunité pour les acteurs de la réforme

Article co-rédigé avec Wilfrid Biamou, Senior manager. Les évolutions réglementaires successives Alur du 26 mars…

2 ans ago