Article écrit en collaboration avec Mathilde Reynier, consultante Risk Advisory.
Avec la publication, fin 2019, de 5 documents de doctrine consacrés au dispositif de LCB-FT de ses assujettis (sociétés de gestion, conseillers en investissement financier, dépositaires centraux et conseillers en investissement participatif), l’AMF place 2020 sous le signe de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.
Cette nouvelle documentation n’induit pas de changements révolutionnaires du dispositif et reprend de nombreux points évoqués dans les anciennes lignes directrices, à présent caduques. Cependant elle montre une volonté forte de clarification pour s’assurer d’une compréhension claire et commune du dispositif qui doit être mis en place. Notons que l’AMF modifie et ajoute quelques notions, pour certaines reprises directement de l’ACPR et du modèle bancaire. Ainsi, la problématique LCB-FT devient un enjeux clé et une priorité du plan d’action AMF pour 2020.
L’approche par les risques est le pilier central du dispositif. Elle repose sur une identification et une classification des risques LCB-FT portés par l’activité de l’assujetti. Cette classification, l’AMF la restructure sur le modèle bancaire en rappelant les trois grands facteurs de risques à évaluer : client/contrepartie, pays, produit/service. Ces facteurs sont ensuite à calibrer sur une échelle de risque de faible à fort, et enfin à pondérer afin de définir le risque global porté par un client, une relation d’affaire, une contrepartie ou un investissement.
Pour les sociétés de gestion, le risque global déterminera alors le niveau de diligences et les mesures de vigilance à mettre en œuvre à la fois à l’actif (investissement, contrepartie) et au passif (client ou intermédiaire inscrit sur le registre, relation d’affaires) des fonds ou des mandats. Il conviendra de réévaluer ce risque global régulièrement. Une fois ce risque évalué, libre à l’assujetti de poursuivre ou non la relation. C’est au cours de la vie de la relation, au regard d’une transaction ou d’un flux financier, que cette évaluation prend tout son sens. Ainsi les flux ou transactions atypiques ou induisant des soupçons de blanchiment devront déclencher les alertes à remonter à TRACFIN. L’assujetti doit donc être en capacité d’analyser les transactions et de générer une alerte le cas échéant, ce qui dans le cas d’une société de gestion pose d’évidentes difficultés, les flux n’étant bien souvent pas connus de cette dernière. Le régulateur nous rappelle donc ici que les diligences (dont l’identification du bénéficiaire effectif) doivent être faites sur le client ou l’intermédiaire inscrit sur le registre du centralisateur.
Bien que pareillement assujettis et responsables du dispositif LCB-FT, les sociétés de gestion ne sont pas pour autant des banques et doivent adapter le dispositif à leurs activités. L’AMF rappelle ainsi notamment, qu’au-delà des diligences à effectuer sur le passif des fonds, il est également indispensable de réaliser des diligences à l’actif des fonds, et pas uniquement sur les titres non cotés.
Pour chaque investissement, les assujettis doivent également attribuer un niveau de risque prenant en compte les facteurs de risques (client, pays, produit/service) et déterminant si des diligences allégées ou renforcées sont à effectuer.
Des allègements de diligences existent pour les titres négociés sur des marchés réglementés européens ou de pays tiers imposant des obligations équivalentes à la directive « Transparence ». Cependant, hors de la reconnaissance mutuelle des réglementations de pays tiers, il relèvera de la responsabilité de la société de gestion de justifier l’équivalence des obligations (sujet délicat cependant) ou de mettre en place des diligences renforcées sur les titres cotés hors de l’UE.
La fonction conformité porte un rôle central et l’AMF réitère la nécessité de nommer un responsable qui s’assure d’une mise à jour régulière de la classification des risques en fonction notamment des changements règlementaires, dont notamment le référencement des PPE (Personne Politiquement Exposée). Il est utile de rappeler ici combien la formalisation du dispositif et de la classification est centrale pour sa bonne application et la définition des rôles et responsabilités de chacun des acteurs de la chaine.
Les lignes directrices ne mentionnent pas directement la fonction conformité, mais celle-ci est indispensable dans la bonne organisation et la cohérence des lignes directrices entre elles, notamment dans le cadre de la gestion des alertes et des déclarations à TRACFIN.
Cela nécessite une organisation claire des rôles et responsabilités en interne à la fonction conformité, proche des méthodes déployées en banque, permettant de centraliser l’information et un contrôle efficace sur l’ensemble du dispositif (de la classification des risques à la remontée d’alertes vers une déclaration TRACFIN). Le dispositif doit aussi prendre en compte les spécificités de la gestion d’actifs, notamment les diligences sur les investissements par le biais d’information externes. La fonction conformité sera un acteur clé dans l’aménagement de ces échanges d’information afin de mettre en place un processus LCB-FT fluide et efficace.
La nouvelle documentation AMF ne change pas en profondeur les lignes directrices mises en place à ce jour, mais les densifie pour préciser les étapes à mettre en œuvre dans le dispositif des assujettis. C’est une occasion pour les acteurs de revoir et de s’assurer de la bonne conformité et de l’efficacité du dispositif.
Le rôle de la fonction conformité sera alors central dans la mise en pratique de cette documentation pour s’assurer notamment d’une communication efficace en interne, y compris avec les fonctions de gestion.
Si l’AMF a attribué au secteur financier dans son ensemble un risque global modéré, c’est notamment parce que certaines gestion (capital risque, immobilier, individuelle, actifs numériques…) portent un risque LCB-FT non négligeable. Il y a fort à parier que de prochains contrôles viseront à améliorer et renforcer encore les dispositifs de surveillance.
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