Le Brexit : un divorce de quel velours ?

L’histoire du Brexit sera écrite un jour. On nous dira par le menu comment David Cameron, pour consolider sa majorité parlementaire et écarter les quelques eurosceptiques qui l’embêtaient, a lancé un engrenage qui a mis en risque son pays et l’Europe, au moins. On nous expliquera alors qu’il faut toujours proportionner les moyens aux fins, et ne jamais vouloir un marteau pour écraser une mouche.

Mais aujourd’hui, nous sommes devant les premiers effets de ce divorce annoncé. On nous assure qu’il sera compliqué en diable (diable dans les détails, bien sûr), avec des centaines d’experts mobilisés pour défaire, en deux ans, le fruit de quarante années de discussions, d’accords et de traités. Il s’agira surtout de défaire quarante années d’amitiés et de relations, avec l’idée de ne pas casser plus encore, le Royaume-Uni d’abord, la zone euro ensuite. Pas facile.

Alors, pour éviter le pire, on annonce que les discussions auront lieu de manière amicale, avec l’idée de construire pour la suite une « coopération loyale ». Un peu comme, pour qu’un divorce se passe au mieux entre époux, on met au-dessus de tout le bonheur des enfants. Ceci fait sens : il faut viser une solution qui soit « gérable » dans la durée. Le mieux est toujours une union de pays heureuse et féconde. En pratique, c’est toujours un accord avec des mécanismes qui incitent à s’impliquer plus et surtout à corriger les crises. Il faut que le groupe avance aussi vite que possible, avec les écarts les plus réduits possibles. Vitesse et cohésion.

Mais, quand le divorce se discute, les raisons pour que « les choses se passent mal » abondent. Pour les Brexit, les enjeux sont considérables, les parties prenantes nombreuses, les sujets multiples et interdépendants. Le risque de la crise est permanent, par erreur, cascade de mauvais choix, sans oublier les intervenants qui peuvent y avoir intérêt.

Les risques du Royaume-Uni paraissent les plus importants, celui de se défaire, celui de voir s’affaiblir son centre financier, celui de discuter avec des partenaires qui peuvent lui demander d’être plus flexibles encore, avec des lois sociales, environnementales, fiscales… plus légères. Celui donc de peser de moins en moins, dans un monde de grandes puissances.

Les risques de l’Union et de la zone euro sont importants, celui où les écarts de situation grandissent encore, où la situation de l’Allemagne devient impossible à force d’être la meilleure élève de la classe, une meilleure qui doit payer pour les autres…

Bref le chemin est compliqué, avec des risques de se renverser, de se battre de plus en plus violemment entre « divorçants » et aussi entre partenaires, de chaque côté.

Le point de réglage pourrait être l’économie du Royaume-Uni et les risques qu’elle pourrait subir avec le Brexit, même doux. Il s’agira d’éviter les risques et les excès. Les données actuelles ne montrent pas une explosion, crainte un temps, mais un risque de glissade. Les derniers chiffres de croissance du Royaume-Uni pointent vers 0,3% au premier trimestre, la moitié de l’avant-Brexit. Derrière ce ralentissement, la consommation est faible, mais l’exportation tonique. Cette exportation est soutenue par la dévaluation de 15% de la livre, dévaluation qui fait monter les prix vers 2,3% tandis que les salaires ne suivent pas, ce qui entretient certes la compétitivité coût mais aussi la morosité de la consommation. Magique !

Pour le moment, la Banque centrale est un modèle de flegme et de succès. Elle a promis d’attendre encore 2017 pour augmenter ses taux courts, actuellement à 0,25% pour un objectif d’inflation à 2% ! Elle attend aussi que la Fed augmente encore les siens, au moins deux fois en 2017, ce qui affaiblira d’autant la livre. Elle voit enfin que les taux longs anglais restent à 1,1%, la moitié des taux américains, et pour la même inflation !

Mais tout a ses limites. Chacun bande ses muscles, mais doit apprendre à se modérer. En politique, la Première ministre Theresa May renforce son pouvoir en appelant à des élections le 8 juin. L’Union attend ce qui se passera dans quelques jours en France et espère des consolidations. Surtout, les lois financières ne défient pas longtemps les lois de la gravité. En cas d’excès anglais de « souplesse de régulation », la finance serait vite attirée par des marchés plus sûrs et importants de la zone euro. Alors, le velours du divorce pourrait se faire plus râpeux.

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Fondateur de Betbeze Conseil SAS, Professeur de Faculté en Sciences économiques, Jean-Paul Betbeze a été Chef Economiste du Crédit Lyonnais en 1989 puis du Crédit Agricole (et membre de son Comité exécutif) jusqu’en 2013. Ancien membre du Conseil d’analyse économique auprès du Premier ministre et de la Commission Economique de la Nation, il est membre du Cercle des économistes et Président du Comité scientifique de la Fondation Robert Schumann. Auteur de nombreux ouvrages et rapports, il a rejoint le cabinet en avril 2013 en tant qu’Economic Advisor pour apporter son regard d’expert en analyse économique, conjoncturelle et financière.

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