Les « Core Banking » au cœur de la stratégie des transformations digitales

Article co-rédigé par Imen Ayadi – Senior Manager, Financial Services Industry et Fintech
Comprendre les choix d’une banque en matière de modernisation de son système legacy

Les activités de dépôts et de prêts constituent depuis toujours le cœur de métier des banques universelles. Or, dans la majorité des établissements de crédit, ces activités continuent d’être gérées au travers de plateformes traditionnelles aussi appelés les systèmes « legacy ». S’ils permettent d’assurer de manière satisfaisante le traitement des activités historiques, ces systèmes, peu agiles, peuvent toutefois s’avérer inadaptés au contexte actuel. En effet, les clients exigent des expériences de plus en plus fluides et personnalisées ; les régulateurs demandent aux établissements financiers de suivre et produire des informations en temps réel ; les acteurs fintechs attisent la concurrence et viennent insuffler de nouveaux standards en matière de modèles économiques.

Mais la transformation digitale des anciennes plateformes bancaires pourrait bien être en train de se lancer. Après avoir passé la dernière décennie à répondre aux exigences réglementaires, les Banques se recentrent sur la génération de PNB et investissent dans des produits et des systèmes de tarification innovants offrant agilité et flexibilité dans leur utilisation. Cette transformation digitale, surtout concentrée sur le front-office et les canaux clients pour l’instant, devrait s’élargir à l’ensemble de l’offre de produits et de services rendant ainsi nécessaire la transformation digitale des Core Banking System.

Cette modernisation des Core Banking System génère, par sa portée au sein des établissements, un grand nombre de questions. Les banques doivent effectivement réfléchir au rythme auquel elles veulent opérer le changement et anticiper les conséquences de leur trajectoire de modernisation. L’enjeu est de maintenir les opérations quotidiennes à un bon niveau de qualité de service tout en menant en parallèle une transition vers une transformation digitale.

 

Le  dilemme du‘’legacy’’

À quelques exceptions près, la plupart des grandes banques exécutent leurs opérations de core banking sur des plateformes vieillissantes qui ont été déployées dans les années 1980 et 1990. Ces plateformes sont soit développées par les banques elles-mêmes, soit tellement personnalisées qu’elles ne ressemblent plus au produit original acheté, ce qui rend la maintenance encore plus complexe.

Si les établissements sont conscients de la nécessité de moderniser leur plateforme, un certain nombre de facteurs peuvent les empêcher de « sauter le pas ». Historiquement, le remplacement d’un core banking était un projet coûteux qui ne pouvait souvent pas permettre un retour sur investissement à court terme. En outre, le risque d’exécution de tels projets était considérable compte tenu de leur complexité et du périmètre impacté (l’ensemble des opérations quotidiennes de la banque). Par ailleurs, il convient de noter que la plupart des plateformes « legacy » peuvent encore être suffisantes pour exécuter les opérations du quotidien. Dans ce contexte, les établissements peuvent préférer se résigner aux contraintes de leurs anciens systèmes de core banking et tenter de mettre en place des processus manuels pour essayer de répondre, au moins partiellement, aux attentes des utilisateurs.

 

Toutefois, 3 éléments devraient venir rebattre les cartes :

  • Les coûts de run de ces plateformes core banking sont de plus en plus significatifs (parfois presque équivalent à celui de la mise en œuvre d’une plateforme entièrement nouvelle). En effet, les banques sont confrontées à de multiples contrats de maintenance et d’assistance liés à un nombre important de personnalisations et d’intégrations non forcément toujours documentées. Par ailleurs, les anciennes plateformes, qui repose sur des anciennes technologies telles que COBOL et des systèmes mainframe, nécessite l’intervention de ressources expertes de plus en plus rares – et donc coûteuses.
  • Après avoir consacré pendant une décennie un budget et des ressources considérables sur des thématiques réglementaires et de conformité, les banques commencent à disposer de fonds qu’elles peuvent désormais consacrer à la transformation et à l’amélioration des capacités numériques.
  • La refonte des plateformes de core banking devient de plus en plus simple, surtout avec l’arrivée de nouvelles plateformes innovantes et modulables comme Mambu.

 

Remplacer son core banking : de plus en plus facile ?

Le positionnement central des systèmes de core banking en fait l’un des composants les plus critiques de l’architecture bancaire globale. Toute modification de ces systèmes aura un impact sur l’ensemble des canaux et des opérations. C’est pourquoi, historiquement, la modernisation de la plateforme de core banking passait forcément par son remplacement complet.

Grâce aux progrès massifs de la technologie ce n’est plus le cas aujourd’hui. De nouveaux acteurs proposent des solutions cloud-based, agile et flexible, qui permettent aux banques d’innover en s’appuyant sur des stratégies applicatives best of breed et de répondre rapidement aux nouveaux besoins des utilisateurs tout en continuant à opérer sur leur plateforme traditionnelle la majorité des fonctionnalités bancaires. En outre, les fournisseurs traditionnels proposent désormais aux banques des options supplémentaires pour compléter leurs plateformes existantes avec des nouvelles fonctionnalités cloud-based.

De manière générale, les plateformes de core banking se répartissent en trois grandes catégories :

  • Les plateformes « legacy » souvent monolitiques : Il s’agit de solutions « tout-en-un » où les différents modules ne peuvent pas être dissociés et qui fonctionnent sur une plateforme souvent privée (système mainframe par exemple). Elles ont tendance à être complexes à mettre en œuvre et ont généralement un modèle de licence pluriannuel. La plupart des banques universelles françaises sont gérées historiquement par ce type de plateforme.

 

  • Les plateformes orientées services : Ces plateformes offrent une architecture orientée services et permettent le traitement en temps réel. Généralement proposées sous forme de solutions logicielles hébergées en tant que service (SaaS), ces plateformes utilisent généralement un modèle de licence et d’abonnement. La plupart des banques tiers 2 sont dotées de ces plateformes

 

  • Les plateformes ‘’cloud-native’’ : Il s’agit de plateformes se basant sur une architecture de micro-services avec des API permettant d’accéder à d’autres services internes et externes. Elles prennent en charge le traitement en temps réel et, du fait qu’elles sont ‘’cloud-native’’, ont généralement un modèle d’abonnement à l’utilisation.

Pour déterminer l’option qui leur convient le mieux, les banques doivent établir leur stratégie de modernisation en fonction de plusieurs critères :

  • La durabilité de leur plateforme existante,
  • Leur appétence au risque
  • L’urgence qu’elles ont à innover leur offre de produits et de services
  • La maturité de leur gestion de données (qui englobe l’impact potentiel sur la stratégie existante en matière de sécurité, de confidentialité, de contrôles, de continuité des activités et de gestion des risques, l’infrastructure, la capacité à monétiser les données, etc.).

Nous examinerons ici cinq choix que peuvent faire les banques :

  1. « Wait and See » : Conserver le système existant avec les fonctionnalités actuelles à court terme, tout en surveillant les leaders du marché pour déterminer la prochaine étape de mise à niveau. Cette option peut fonctionner pour les banques disposant d’une plateforme durable, mais dont le profil de risque ou l’analyse de rentabilité ne justifie pas une transformation fondamentale.
  2. « Re-plateform » : Migrer le code avec des mises à niveau mineures de la plateforme existante (par exemple, mise à niveau de la version), avec un changement minimal des fonctionnalités ou des technologies de l’application. Cette option permet une perturbation minimale et ouvre la voie à des changements plus importants à l’avenir, mais elle ne répond pas en soi à la demande du marché et des métiers.
  3. « Re-factor » : Moderniser la base de code de la plateforme de core banking en l’adaptant aux technologies actuelles – de COBOL à Java, par exemple – sans modifier le comportement de base. Cela améliore la lisibilité, la maintenabilité et l’extensibilité, et permet potentiellement de rendre la plateforme de core banking existante compatible avec le cloud computing. Cette stratégie a été adoptée par exemple par une banque-assurance en ligne sur son outil CRM.
  4. « Augment » : Mettre en œuvre un core parallèle qui répond à des besoins avancés non offerts par le core existant. Le nouveau core peut fonctionner pour un ensemble d’offres différenciées et/ou être une cible pour la migration du core existant. Cette option offre des solutions innovantes aux banques qui cherchent à se transformer rapidement tout en conservant les produits et services existants. C’est le cas d’une banque universelle Néerlandaise qui a déployé une nouvelle plateforme bancaire dans le cadre du lancement d’une offre sur le crédit aux professionnels. 
  5. « Replace » : Remplacer la plateforme de core existante par des solutions nouvelles et modernes. Cette option permet d’accélérer le lancement de nouveaux produits pour les banques prêtes à payer un investissement initial plus élevé et capables de justifier le risque de remplacement. Une banque universelle de droits français et à capitaux tunisiens a entrepris cette démarche , pour avoir une plus grande flexibilité et une meilleure capacité d’adaptation  à une  clientèle diversifiée.

 

De nouvelles options permettant aux banques de choisir leur stratégie de modernisation des systèmes legacy en fonction de leur profil

 

Aujourd’hui, avec l’apparition de nouvelles plateformes modulables et flexibles, le panel des scénarios de modernisation du Core Banking s’élargie. Les banques ne sont plus forcées de choisir entre ne rien faire ou entreprendre une transformation massive pour remplacer la totalité de leur Core Banking.   Toutefois, choisir la meilleure stratégie de modernisation de son legacy reste un exercice complexe et engageant. Plusieurs critères doivent être pris en compte pour faire ce choix : l’obsolescence de la plateforme, les ambitions de développement des nouveaux offres et services, l’appétence au risque et l’esprit d’innovation.

Julien Maldonato est Associé Conseil Industrie Financière, expert des sujets d’innovation et de transformation digitale. Il accompagne les Banques, Assurances et Fintech dans le pilotage de projets complexes : création d’activités, lancement d’offres, refonte de modèles de distribution, digitalisation et socialisation de processus. Il est spécialisé dans le digital et technologies de ruptures appliqués aux services financiers : Intelligence Artificielle, Blockchain, objets connectés.

Published by

Recent Posts

Cas d’usage des captives de réassurance, entre gestion du risque corporate et opportunité financière

Article co-rédigé avec Cyril Chalin, Charles-Henri Carlier, Joseph Delawari et Pape Modou Mbow. La loi…

1 an ago

Talent Acquisition et compétences face au changement organisationnel

Entretien avec Jérôme de Grandmaison (VP Talent Management, Product Lines & Functions, Alstom) à l’occasion…

1 an ago

Refonte du questionnaire lutte anti-blanchiment : une approche qui évolue avec des impacts forts pour les entités assujetties

Article co-écrit par Ivann Le Pallec (Senior Consultant Risk Advisory) et Valentin Brohm (Manager Risk…

1 an ago

Future of luxury travel

Five Trends Shaping the Market Hear “luxury travel,” and you’re likely to envision a swirl…

2 ans ago

E-Euro : l’interview de Frédéric Faure, Head of Blockchain chez Banque de France

Interview réalisée par Marie-Line Ricard, Associée Blockchain & Web 3, Jérémy Stevance, Manager Blockchain &…

2 ans ago

La prise en compte de sujets fonctionnels résultant de la réforme de la demande et des attributions, une opportunité pour les acteurs de la réforme

Article co-rédigé avec Wilfrid Biamou, Senior manager. Les évolutions réglementaires successives Alur du 26 mars…

2 ans ago