Les serious games au service de la gestion d’actifs

Natixis Global Asset Management a récemment donné l’opportunité à Deloitte de réfléchir à la conception d’un jeu dans le cadre d’un événement annuel à forte audience (plénière d’une centaine de personne). Cette initiative nous permet de revenir sur le phénomène des « serious games », sur les applications concrètes qui peuvent en être faites et sur les bénéfices que l’on peut en attendre, notamment dans le monde de l’Asset Management.

Petite histoire du jeu sérieux…

Hérodote nous raconte que les Lydiens, une civilisation indo-européenne de l’Antiquité, furent à l’origine des premiers jeux. Et l’on apprend que les dés, les osselets et les jeux de balle ont été créés, non par loisir, mais pour survivre à une terrible famine. Pour tromper la faim qui les pressait, les Lydiens jouaient alternativement un jour sur deux, afin de se distraire du besoin de manger. Le jeu leur permit de subsister ainsi durant dix-huit ans !

A la fin du XVIIIe siècle et début du XIXe, on vit apparaître les premiers de jeux de simulation et d’entraînement militaire (Kriegspiel). Mais le véritable essor du jeu sérieux est concomitant avec le développement du jeu vidéo. Cette technologie a ainsi permis de combiner les ressorts ludiques aux objectifs d’enseignement, de simulation, d’entraînement et de communication poursuivis par le serious game.

Travailler en s’amusant… pour quels bénéfices ?

Selon Julian Alvarez[1], les serious games peuvent être classifiés selon trois objectifs principaux:

  • ceux qui visent à transmettre un message (qu’il soit éducatif, marketing ou un mix des deux) ;
  • ceux qui visent l’amélioration des performances cognitives ou motrices des utilisateurs ;
  • et ceux enfin qui ont pour objectif l’entraînement ou la simulation dans un environnement virtuel reproduisant une situation potentielle.

Les études (notamment celles menées par le neurotechnicien et chercheur Idriss Aberkane[2] en matière de sciences cognitives) mettent en évidence que le jeu sollicite la mémoire à long terme d’une façon remarquable. Ainsi, par exemple, on a pu constater que dix ans après avoir joué à Super Mario 64, les utilisateurs se rappellent encore très exactement de l’organisation spatiale du jeu.

Autre élément déterminant, le jeu stimule la modularité de l’esprit en menant en parallèle de nombreuses tâches. Par ailleurs, on définit le jeu comme « dopaminergique » (la dopamine est une substance chimique associée au plaisir et à la récompense). Si dans le cadre d’un jeu vidéo classique, on regrette son caractère addictif, dans le cas d’un jeu sérieux, on mettra en avant la spirale de motivation.

Autres caractéristiques soulignées par les chercheurs : le jeu fait aussi largement appel à l’intuition, porteuse de plaisir, mais aussi repose très largement sur l’action (cf. travaux de Bergson et de Berthoz sur le fait que « notre cerveau est conçu pour l’action »).

Cas pratique : le jeu sérieux appliqué à l’Asset Management

Le jeu mis en place par Deloitte visait à appréhender le parcours client sur un nouvel investissement, jusqu’à la souscription. L’objectif pour les joueurs : collecter un maximum d’investissements auprès d’un panel de cibles disparates, tout en limitant les risques propres à l’investisseur.

Cinq étapes ont été définies visant à identifier et classifier le client, estimer le risque propre (réputation, opérationnel, fraude…), proposer une allocation d’actifs au regard des besoins de l’investisseur, et remettre les documents commerciaux en lien avec son profil. Dans ce jeu, le score déterminant le gagnant n’est pas une simple addition des souscriptions recueillies mais est calculé sur la base d’un modèle prenant en compte différents paramètres tels que :

  • le montant investi par chaque cible ;
  • le risque pris en ne récoltant pas assez d’informations sur la cible ;
  • la non-compréhension du risque client ;
  • une allocation des actifs inadéquate.

Afin de « pimenter » le jeu, des « breaking news » (mise en examen, chute de place boursière…) et des questions flash réglementaires sont lancées à l’initiative du maître du jeu.

 

 

Cette première adaptation du jeu sérieux dans le monde de l’Asset Management ouvre de nouvelles perspectives. Elle permet notamment de dégager trois grandes règles nécessaires à la réussite d’un serious game :

1/ Le fond technique (ici, connaissance du client, allocation d’actifs..) doit avoir une forte proximité avec le quotidien des joueurs.

2/ Le caractère ludique de l’apprentissage doit être accentué par la qualité du graphisme, par une compréhension aisée des mécanismes du jeu et par l’injonction de choix stratégiques et de facteurs chance.

3/ Le fait de limiter la durée du jeu contribue aux stimuli propres aux modes compétition.

 

Si ce sujet vous intéresse, n’hésitez pas à me contacter.

 

[1] Du Jeu vidéo au Serious Game, approches culturelle, pragmatique et formelle, 2007

[2] Détournement du jeu vidéo à des fins pédagogiques, 2005

 

 

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