Les évolutions du digital et des technologies mobiles ont profondément modifié le rapport des salariés à leur lieu de travail : le salarié du 21è siècle peut désormais travailler de n’importe où et n’importe quand. Domicile, cafés, cafétéria, bibliothèque, hall d’entreprise, transports, tiers-lieux… deviennent ainsi des espaces potentiels de travail, au même titre que le bureau traditionnel.

Ces pratiques dites « nomades » sont une réalité : on estime aujourd’hui que 16,7% des Français travaillent au moins une fois par semaine en dehors du bureau. Elles correspondent également à une vraie attente, à la fois des salariés et du management : 67% des salariés français souhaitent faire du télétravail[1], et 100% des collaborateurs et des managers que nous avons accompagnés dans l’expérimentation de ce nouveau mode de travail s’en déclarent très satisfaits. Un plébiscite peu étonnant, si l’on pense à tous les bénéfices qu’offre le nomadisme, à la fois en termes de productivité de l’entreprise et d’épanouissement des collaborateurs : flexibilité accrue, meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle, diminution du temps de transport dans le cas du télétravail, fluidité des échanges, bien-être général, responsabilisation et autonomie des collaborateurs, amélioration de la marque employeur… le nomadisme est loin d’être un simple concept à la mode, et représente un vrai levier de développement pour les entreprises.

Pourtant au-delà des organisations, peu nombreuses, qui ont réellement pensé et organisé le nomadisme, beaucoup le constatent sans être proactives. La mise en place du nomadisme demande en effet quelques aménagements des espaces mais reflète surtout un projet d’entreprise et résulte d’une étude en profondeur des pratiques de l’entreprise, de sa culture et de ses objectifs. Une telle réflexion n’est pas toujours la priorité du Comité Exécutif dans la conjoncture économique actuelle.

Il convient donc de se demander comment accompagner activement ces nouvelles pratiques qui, lorsqu’elles sont encadrées par une culture managériale adaptée, mises en œuvre avec les bons outils et dans les bons espaces, constitue une opportunité précieuse dont les entreprises auraient tort de se priver. Trois problématiques doivent être étudiées en priorité : les espaces, les outils et les pratiques.

Repenser les lieux de travail

Travailler en nomade, c’est pouvoir travailler depuis n’importe quel lieu géographique aussi efficacement – voire plus efficacement – qu’à son bureau. L’entreprise doit donc réfléchir aux besoins de ses collaborateurs (silence et calme, échanges, créativité…) et leur proposer des espaces adaptés, éventuellement évolutifs en fonction des horaires de la journée (comme le traditionnel restaurant d’entreprise par exemple). Le siège d’un groupe immobilier a ainsi créé un lieu reprenant tous les codes d’une bibliothèque universitaire, afin d’offrir un lieu calme, silencieux et favorisant la concentration. Dans le cadre de notre déménagement dans la tour Majunga, nous proposons à nos collaborateurs des espaces de travail flexibles, sans bureaux attitrés. Chaque collaborateur, via l’application Jooxter, visualise les places disponibles dès son entrée dans la tour et peut réserver son bureau pour 1h ou pour la journée. Autre exemple : WeWork, le géant américain du co-working, qui arrive en France et propose des espaces de bureaux flexibles, des espaces communs de détente (ping-pong, billards…) et des services quotidiens (cours de yoga, coiffeur…). Une société immobilière d’investissement a pour sa part mis en place 5 espaces flexibles et connectés en région parisienne, dédiés aux salariés de ses entreprises locataires. Ces lieux sont composés de bureaux fermés, de bureaux ouverts, de salles de réunion connectées et d’espaces de ressourcement et d’échanges.

L’objectif est de proposer une palette d’espaces, adaptés aux besoins des salariés et de l’activité de l’entreprise.

Se doter des bons outils

Pour travailler efficacement ailleurs qu’à son bureau, la mise à disposition d’outils mobiles s’impose : les tours de PC deviennent des ordinateurs portables, les bâtiments s’équipent de WIFI et le catalogue d’applications se dote de solutions de coopération, permettant par exemple de partager ou de travailler sur un même document. Une banque espagnole a ainsi mis Google Apps for Business (GoogleDocs, GoogleChat, Google Video, GoogleCalendar…) à disposition de ses 110 000 collaborateurs, à travers 26 pays, afin de leur permettre d’accéder à l’information à n’importe quel moment, de n’importe quel endroit et de n’importe quel outil connecté à Internet. L’objectif visé est de faciliter le partage en temps réel de l’information et de la communication entre les collaborateurs.

Faire évoluer les pratiques et le management

Mettre à disposition des espaces et des outils adaptés est bien sûr nécessaire, mais pas suffisant : le premier levier est avant tout d’ordre managérial et culturel.

Dans une société très pilotée par les horaires et la présence, le développement du nomadisme suppose un changement de regard et de culture : le management doit davantage faire confiance aux collaborateurs, les responsabiliser et redéfinir le niveau d’autonomie qu’il leur laisse. Le lien avec l’entreprise doit être repensé : à partir du moment où les salariés cessent, à des degrés divers, de partager le même espace de travail, comment préserver le sentiment d’appartenance à l’entreprise ? Comment maintenir les liens entre les membres d’une même équipe et conserver une certaine cohésion ? Il est également nécessaire d’accompagner les salariés dans leurs appropriation des pratiques nomades, qui bouleversent à la fois la notion de « bureau », mais aussi celle de « journée de travail », et peuvent parfois menacer l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Le nomadisme impose par ailleurs des ajustements en termes d’organisation du travail : les objectifs du collaborateur doivent parfois être définis à la semaine ou au mois afin de condenser sur certaines journées les tâches ne nécessitant pas sa présence dans tel ou tel lieu, que ce soit pour des raisons pratiques ou de sécurité. Les collaborateurs doivent  être davantage en mesure d’adapter ces objectifs à la réalité de leur travail.

Finalement, le nomadisme ne peut fonctionner qu’à la condition d’être encadré, accompagné, pensé et intégré dans le projet de l’entreprise. L’élaboration d’une charte de télétravail peut dans ce sens être un exercice extrêmement utile.

Sans aucun doute, un modèle de nomadisme unique n’existe pas. L’enjeu est de définir le niveau de souplesse adapté aux besoins et aux activités, de trouver le bon espace et les bons outils pour la bonne tâche, mais surtout d’orchestrer les usages. Il n’y a pas de vérité absolue, mais les 3 leviers de la transformation existent, et ils sont à activer simultanément selon un curseur qui est propre à chaque entreprise.

[1] Source : Foncières des Régions 2015

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