On ne naît pas chef d’entreprise familiale, on le devient

L’entreprise familiale, il est tombé dedans à la naissance. Elle a toujours fait partie de sa vie, s’est étroitement mêlée à son quotidien, jusque dans les repas familiaux. Les difficultés et les succès de l’entreprise ont rythmé sa vie d’enfant, puis de jeune adulte. Et un jour, il le sait, il faudra se poser la question : ai-je envie de poursuivre l’aventure ? Suis-je prêt à reprendre les rênes de l’entreprise ? Suis-je capable d’être la prochaine génération ?

Lui, c’est le descendant de l’actuel dirigeant d’entreprise familiale.

Comme lui, tous les représentants de la « next-generation » savent que le lien de filiation qui les unit au fondateur de l’entreprise les conduira peut-être un jour à prendre la relève. Mais ils savent aussi que le fait d’être le fils ou la fille d’un entrepreneur ne fait pas pour autant d’eux des leaders-nés : le rôle de chef d’entreprise se choisit, s’apprend et se construit. Alors, puisque l’on ne « naît pas » chef d’entreprise familiale, comment le devient-on ?

Un choix fondateur

Devenir chef d’entreprise familiale, c’est d’abord et avant tout faire le choix conscient et délibéré de l’être. Ce choix doit correspondre à une motivation profonde et personnelle. Certains ont toujours su qu’ils dirigeraient un jour l’entreprise. D’autres ont eu un déclic un jour. D’autres encore ont hésité pendant des années avant de décider de faire le grand saut … Le processus de maturation et de décision est propre à chacun. Les motivations de ce choix aussi. D’après notre baromètre, les jeunes qui veulent rejoindre l’entreprise familiale le font principalement pour deux raisons : contribuer à la pérennité de l’entreprise familiale en premier lieu (38 %), le désir de mener des projets à long terme au sein de l’entreprise (18 %). D’autres raisons peuvent jouer, comme l’attachement profond à l’entreprise et à ses valeurs, l’attachement à une région et la volonté de la soutenir économiquement, le désir de travailler en famille ou la possibilité d’accéder à terme à une fonction dirigeante. Raisons conscientes et inconscientes sont mêlées dans ce choix qui implique autant les considérations personnelles que professionnelles.

Certains héritiers décident au contraire de rester à l’écart de l’entreprise, ou de ne pas en assurer le leadership. Là encore, les raisons peuvent être diverses : 65 % des répondants à notre enquête estiment que travailler en famille peut être source de conflit, citent également la responsabilité trop lourde (34 %), ou encore la difficulté du management familial/non familial (30 %).

Construire sa légitimité

Si le choix de prendre la relève est un moment fondateur de la construction du statut de futur chef de l’entreprise, les expériences ultérieures sont également déterminantes. Pour 66 % des futurs dirigeants familiaux, la meilleure préparation pour intégrer l’entreprise familiale est l’expérience professionnelle acquise au sein de l’entreprise. C’est en occupant différents postes au sein de l’organisation et en assumant des responsabilités croissantes que le futur chef d’entreprise acquerra les compétences et les connaissances nécessaires à l’exercice de sa fonction. Il n’y a pourtant pas de parcours « type » : de nombreux successeurs débutent leur carrière en dehors de l’entreprise familiale et font leurs premières armes au sein d’une autre entreprise. Cette expérience hors de l’entreprise familiale est perçue comme un atout par 41 % des entreprises interrogées. Finalement, quel que soit le parcours choisi, l’important est que le successeur prenne le temps de se construire en tant que futur leader, qu’il développe sa légitimité et sa capacité à diriger une entreprise, tant sur le plan du comportement que des compétences. Pour 56 % des répondants, le fait d’avoir une personnalité de leader est en effet une qualité que doit posséder le candidat à la relève.

Apprendre des générations précédentes

Se préparer à devenir le futur dirigeant de l’entreprise, c’est enfin et surtout s’appuyer sur la génération précédente et assimiler le savoir-faire, les valeurs, les compétences ou encore la vision de cette dernière. C’est dans cet échange continu que le successeur puisera l’essentiel de sa légitimité, de son efficacité et de son leadership. Pour les dirigeants d’entreprises familiales que nous avons interrogés, les clefs d’une transmission réussie résident majoritairement dans la capacité à transmettre le management et le savoir-faire (51 %), à trouver le bon tempo avec le successeur (49%) et à transmettre un projet et des valeurs (46 %).

Il est donc essentiel que le successeur s’inscrive le plus tôt possible dans une démarche d’écoute et d’assimilation, et que les deux générations préparent ensemble la transmission, ce qui permettra au futur repreneur de mieux se projeter dans son futur rôle de dirigeant. Cette préparation commune peut se matérialiser par la rédaction d’un plan de succession ou s’inscrire dans une charte familiale, ce qui permettra d’éviter l’improvisation, les  malentendus ou les conflits et de procéder selon un processus clair et convenu à l’avance entre l’ensemble des parties prenantes.

Passer le témoin de l’entreprise familiale ne fait pourtant pas partie des priorités à moyen terme des actuels dirigeants d’entreprise familiale, qui privilégient plutôt l’augmentation du chiffre d’affaires (50 %), l’innovation ou le développement de nouveaux produits (50 %), la conquête de nouveaux marchés (47 %) ou encore l’amélioration de la rentabilité (47 %). La transmission n’arrive qu’ensuite, pour 36 % d’entre eux. Toutefois, malgré l’absence pour la majorité d’entre eux d’un plan de succession formel, 59 % ont identifié un membre de la famille comme successeur.

Les représentants de la « next-generation » ne se définissent pas comme des « héritiers » mais comme des « repreneurs ». Une nuance majeure qui dit bien la revendication d’un rôle actif dans ce passage de flambeau. Le rôle de successeur n’est pas un rôle imposé par le hasard d’une naissance mais un rôle choisi puis construit sur le long-terme. Dans ce processus, qui engage aussi bien le repreneur que le cédant, le temps est un allié précieux qui permet à chaque individu de trouver sa voie et d’affirmer sa place.

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