Interview croisée entre Bruno Van Haetsdaele, Fondateur et CEO de Linxo & Julien Maldonato, Associé FSI Deloitte le 17 février 2021.
En 2010, Linxo se lance sur le marché du BtoC en proposant aux français un assistant financier intelligent pour la gestion de leur budget, et devient ainsi une des fintechs pionnières de l’Open Banking en France. En 2017, le partenaire du Groupe Crédit Agricole filialise ses activités, pour créer Linxo Group :
Ces deux activités, distribuées par API ou en marque blanche en BtoB, BtoC, ou encore BtoBtoC, bénéficient de la certification de sécurité ISO 27001. Aujourd’hui, Linxo Group continue de capitaliser sur son expérience DSP2 pour détecter de nouveaux cas d’usage Open Banking, entre APIsation des banques, monétisation des données et arrivée des BigTechs Américaines au sein de l’UE.
Bruno Van Haetsdaele : La mise en place des API reste un nouveau sujet pour les banques, complexe à mettre en œuvre, mais l’écosystème va dans la bonne direction. Aujourd’hui les comptes de paiements sont principalement concernés par les API, mais la question se pose également pour les comptes d’épargne et de crédit pour pouvoir justement adresser plus de cas d’usages. Les banques qui mettront la création de valeur et le client au centre de leur réflexion, feront évoluer plus rapidement leur portail d’API et sortiront gagnantes. Cela signifie, en termes de méthodologies de recherche et de travail, être dans une dynamique de « test & learn » pour travailler en cycle court, identifier de nouveaux business modèles et nouveaux services, avec l’agilité nécessaire pour en tirer tous les bénéfices.
D’ailleurs, la DSP2 et son obligation d’ouvrir les données bancaires est une réglementation européenne qui n’a pas son pendant aux Etats-Unis. Pour autant, les américains ont mis en place des API bien avant les européens, parce qu’ils ont compris que cela leur permettrait de répondre à une demande. Mettre le client au centre de leur réflexion stratégique a ainsi permis une transition plus fluide vers un écosystème entièrement APIsé.
Julien Maldonato : Les API dites DSP2 (agrégation de comptes, initiation de paiement et couverture de solde) ne suffisent pas pour répondre aux multiples cas d’usages de l’Open Banking. Les API de services extra financier ou encore d’exploitation des données bancaires sont clés pour identifier des opportunités client ou des leads commerciaux : analyser les données à des fins statistiques ou marketing, ou encore au service de la vérification d’identité, etc…. Et si 78% des banques ont commencé leur stratégie d’Open Banking, et proposent des API allant au-delà des API réglementaires DSP2, la majorité d’entre-elle ont encore une diversité, une profondeur et une sophistication de micro-services encore trop limitées. A l’inverse, en Asie certaines banques ont décomposé leur SI monolithique en un grand ensemble de micro-services et les ont exposés via des API pour faire par exemple du Back-office-as-a-service, du KYC-as-a-service, du Scoring-as-a-service etc… Le champ des possibles reste donc ouvert pour les banques traditionnelles, pour s’assurer de prendre une place dans cet écosystème client centric.
Bruno Van Haetsdaele : Il existe une multitude de cas d’usage Open Banking à adresser … et encore plus à découvrir ! Un exemple très important est celui de la fluidification du parcours d’octroi de crédit, ou plus largement, la vérification de la solvabilité en temps réel. En permettant à un emprunteur de donner une visibilité directe sur ses comptes bancaires plutôt que de devoir fournir des relevés de compte, son score de crédit peut être établi en temps réel. Le taux de transformation en est significativement amélioré. Mais les cas d’usages vont même au-delà du BtoC. Les entreprises peuvent bénéficier de l’Open Banking : les API permettent de connecter leur compte bancaire à leur système comptable pour ensuite payer plus facilement factures, salaires, etc…. Nous continuons de mener nos réflexions pour trouver les cas d’usage de demain qui répondent aux attentes du client final, qu’il s’agisse des particuliers ou des entreprises, en vue de simplifier et optimiser leur expérience utilisateur. Parmi les périmètres au potentiel intéressant : l’adoption des cryptomonnaies par les particuliers et les entreprises se développe massivement. Nous pourrions imaginer favoriser l’agrégation de cette nouvelle classe d’actifs, dont l’écosystème expose nativement des API.
Julien Maldonato : La logique d’Open Banking permet même aux acteurs d’aller au-delà du domaine purement financier. Par exemple, pour le score de crédit, on pourrait imaginer ajouter au classique score socio-démographique, un nouveau critère : le score comportementaliste financier. L’objectif est de donner un score plus représentatif de la situation financière du demandeur de crédit.
Bruno Van Haetsdaele : Oxlin souhaite se positionner comme un véritable facilitateur pour permettre à ses partenaires de simplifier et fluidifier le parcours client. Notre objectif est de fournir la donnée la plus qualitative et la plus enrichie possible, pour offrir un service sans couture et avec une expérience client simplifiée et personnalisée. Il y a beaucoup de cas d’usages où la monétisation de la donnée bénéficie au client final, comme par exemple l’octroi de crédit avec la collecte de documents KYC, la catégorisation des dépenses avec l’identification du marchand associé à la transaction, etc…
Julien Maldonato : Les institutions financières commencent à développer différentes stratégies data pour s’engager sur la voie de la monétisation des données, ouverte par les entreprises technologiques. L’enjeu est de rendre l’expérience numérique plus attrayante pour les clients, en collectant plus de données au cours du processus, ou bien en faisant équipe avec des partenaires offrant aux clients une valeur supplémentaire en échange de leurs données. Dans ce processus, cependant, l’appropriation et le contrôle des données devient une question clé pour toutes les parties prenantes.
Bruno Van Haetsdaele : Nous pensons que cette progression des Big Techs sur le marché européen est de plus en plus marquée et que leur conquête de part de marché n’est plus qu’une question de temps. Toutefois, les spécificités locales des API européennes jouent en notre faveur : par exemple, en France les standards STET sont largement adoptés alors qu’en Allemagne ceux du « Berlin Group » prévalent. Par ailleurs, au sein d’un même pays, les API sont implantées différemment en fonction des banques. Ainsi, pour que les Big Techs s’installent durablement sur le marché européen, une logique de partenariat avec un acteur local est, nous semble-t-il, nécessaire. La notion de « test & learn » que nous mentionnions précédemment est une nouvelle fois importante dans ce cadre, pour assurer notre agilité à développer de nouvelles technologies, garantir notre réactivité et ainsi que notre capacité à collaborer avec ces Big Techs.
En parallèle, l’enjeux de la souveraineté Européenne se pose : l’Union Européenne doit maîtriser son infrastructure et garder la main sur ses API. Se positionner comme partenaire en ouvrant les plateformes d’API à des acteurs étrangers est une des manières de le faire. Fort de cette conviction, Linxo Group participe donc aux groupes de travail de la Commission européenne sur l’Open Finance.
Julien Maldonato : La Commission Européenne planche effectivement sur les enjeux de « l’Open Finance », avec la ferme volonté que les sociétés financières, entre autres, partagent davantage de données sur leurs clients pour créer un écosystème au-delà du bancaire, permettant de nouveaux services financiers et extra-financiers pour les citoyens. Le développement de cet écosystème favorable à l’innovation passera par la création d’un « espace européen unique des données financières ».
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