I/ Qu’est-ce qu’une personne « vulnérable » ou « en situation de vulnérabilité » ?
La notion de vulnérabilité n’est pas définie en droit français, même si on retrouve dans le code pénal des critères permettant d’identifier un « état d’ignorance » ou une « situation de faiblesse »[1]. Les travaux menés par plusieurs régulateurs[2] permettent cependant d’identifier une série de facteurs pouvant causer la vulnérabilité d’une personne, qu’il est possible de regrouper en quatre catégories :
La vulnérabilité peut être temporaire ou permanente, et une même personne est susceptible de cumuler plusieurs de ces facteurs. Une personne en situation de vulnérabilité n’est parfois pas en mesure d’évaluer correctement les conséquences de certaines décisions ou situations, et peut avoir besoin d’une aide spécifique pour l’aider à en prendre conscience ou à s’en protéger. Elle est également plus exposée à certains abus dans le cadre d’une démarche commerciale.
II/ Pourquoi la vulnérabilité est un enjeu majeur – et d’actualité – dans le secteur de l’assurance ?
Dans le contexte de la distribution de produits d’assurance, qui engagent les clients sur des durées longues et génèrent pour eux des coûts importants, les risques ne sont pas anodins : un client vulnérable peut être amené à prendre des décisions contraires à ses intérêts, besoins ou objectifs. Il est également une cible facile pour des distributeurs peu scrupuleux profitant de son état de faiblesse (pratiques commerciales trompeuses, agressives), ou n’ayant tout simplement pas su déceler la situation de vulnérabilité.
La proportion de clients potentiellement vulnérables est souvent sous-évaluée par les acteurs du secteur financier : la FCA estimait ainsi en 2017 que 27 millions d’adultes britanniques (soit près de la moitié de la population adulte !) pourraient se trouver dans une telle situation, comme l’illustre le schéma ci-dessous[3]. La crise sanitaire, qui a renforcé des situations d’isolement social et de précarité financière de nombreux individus et ménages, a également mis en lumière des risques spécifiques dans le domaine de l’assurance (voir notamment les débats sur les « pertes d’exploitation »).
III/ Une attention croissante portée par les superviseurs et la société civile au ‘Conduct Risk’
Cette situation a conduit les autorités de supervision à exiger des assureurs une meilleure protection des clients vulnérables :
Au-delà du cadre réglementaire, la protection des personnes vulnérables est également un enjeu de responsabilité sociétale des entreprises, dans un contexte où le comportement des acteurs financiers est scruté par la société civile et peut rapidement dégrader leur image et leur réputation.
III/ Des actions concrètes à initier afin de mieux protéger les clients vulnérables
Former les collaborateurs en contact avec la clientèle
La bonne sensibilisation des équipes commerciales et des services clients est le premier levier à activer afin de mieux protéger les personnes vulnérables. Celle-ci peut passer par des campagnes dédiées et régulières (formations, podcasts, affiches dans les locaux, …), ou encore par le partage de cas pratiques ou de méthodologies dédiées, afin que les collaborateurs soient en mesure d’identifier une situation de vulnérabilité[7].
Evaluer les risques liés aux personnes vulnérables
En complément du travail de sensibilisation, un travail de cartographie des risques liés à la vulnérabilité – propre à chaque assureur – doit être engagé, à travers l’identification de critères de risque et une analyse des données du portefeuille (âge, contrats, tarifs/frais, ancienneté, …).
Détecter les situations à risques
La détection des risques liés à la vulnérabilité s’appuie avant tout sur une bonne connaissance des clients tout au long de la relation d’affaires et la mise en place de mécanismes de signalement en cas de doute raisonnable sur une personne. Mais elle peut également, dans certains cas, s’appuyer sur des technologies : alerte automatique en cas de situation atypique, recours à des outils d’analyse de la voix et du comportement du distributeur et du client lors d’une vente à distance, …
Définir des procédures et des contrôles spécifiques
Plusieurs leviers peuvent être activés afin de mieux protéger les clients potentiellement vulnérables : règles de souscription différentes en fonction de l’âge, octroi systématique d’un temps de réflexion, entretien physique obligatoire, supports pédagogiques dédiés, … En complément, des règles de vigilance renforcée peuvent être appliquées lors de certaines opérations jugées sensibles (par exemple, une modification de la clause bénéficiaire par une personne âgée). Ces procédures et contrôles viennent compléter les règles applicables en matière de prévention des abus de faiblesse.
Adapter la gouvernance
Cela peut se traduire par la nomination d’un « référent vulnérabilité », comme préconisé par l’ACPR et l’AMF[8], ou par la création de comités dédiés à ces sujets au sein des entreprises.
Dans un contexte économique, social et sanitaire qui a renforcé les risques de vulnérabilité, il devient urgent pour les assureurs de se saisir de ce sujet sensible, afin de préserver leur réputation, mais surtout de mieux prendre en compte les intérêts de leurs clients.
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