Nous sommes tellement habitués à avancer dans ce monde d’assurances et de réassurances, qu’il nous semble « naturel ». Ce n’est que dans les cas extrêmes, face aux catastrophes dites, elles aussi, « naturelles », que nous nous inquiétons. Combien tout ceci va-t-il coûter ? Qui va payer ? Avec quelles conséquences ? En plus, les ouragans et tsunamis sont aujourd’hui plus fréquents et surtout plus violents, comme le sont aussi les incendies et les sécheresses, avec leurs risques en cascades, humains, économiques, nucléaires, financiers et politiques. Alors, nous nous mettons à faire des calculs sur les coûts des sinistres et à attendre les virements publics et privés des assureurs et des services publics, l’état dit « de catastrophe naturelle » ayant été déclaré.
Mais tout ceci ne pourra pas durer, si nous ne changeons pas nos comportements. La croissance économique crée en effet de plus en plus de richesses et plus encore les polarise autour de centres urbains, voies et nœuds de communication, de centres critiques (usines nucléaires, usines classées SEVESO, centres de communication, gares et centre logistiques…) ou encore de ports. La croissance crée ainsi de plus en plus de risques, géographiquement délimités, qu’elle veut en même temps « assurer ». Et ces nouveaux lieux névralgiques sont souvent, légitimement aussi, plus agréables sinon paradisiaques pour y travailler. Paradisiaques, jusqu’à ce que les éléments se déchaînent.
Bien sûr, ceci ne veut pas dire qu’il ne faudra plus avancer, innover, risquer, investir ou construire. Ceci veut dire qu’il faut mieux combiner prise de risque et comportements de protection, dans une vraie culture du risque économiquement efficace. Après ces drames, les assureurs vont en effet revoir leurs tarifs et peuvent même décider de ne plus assurer tel ou tel bien, dans les zones aujourd’hui sinistrées. Assurer plus cher, poser des conditions nouvelles pour le faire, voire ne plus assurer du tout : c’est en effet la gamme, montante, des conséquences de ces drames.
Surtout, ces drames ne doivent pas nous faire oublier la double fonction de l’assurance : répartir certes le coût du sinistre quand il est advenu, et plus encore le réduire auparavant. Pay as you drive : le prix de la police automobile sera non seulement fonction de votre kilométrage, de votre passé (le bonus), mais de plus en plus de votre comportement, tendance à accélérer puis à freiner par exemple. Il faudra, pour cela, mettre un boitier dans votre automobile. Et les jeunes seront ainsi assurés bien moins chers et diminueront leur dangerosité moyenne, effective ou crainte. De la même manière, il faudra gérer au mieux les nouveaux risques que nous créons. Ceci implique d’analyser des risques croissants, tels les cyberattaques, et des risques extrêmes, en fonction de l’activité de la société, de son emplacement, de ses clients ou fournisseurs. Il ne s’agit pas de refuser la croissance, les villes, les ports… mais de renforcer la résilience des entreprises, à partir de leur examen interne. Puis des comportements qu’elle va renforcer, former, changer.
Notre croissance qui implique en effet plus de risques ne peut se poursuivre qu’avec des risques assurables dans les meilleures conditions. Partout, les demandes et les normes vont donc monter, en même temps que les tarifs, mais ils tiendront évidemment compte, en sens inverse, du respect des normes (incendie, vol, dégâts des eaux, hacking…) et plus encore des comportements, davantage prudentiels dans la durée, de chacun. L’entreprise, avant même l’assurance, doit se livrer à cet « examen de conscience ». Pay as you drive sera partout : pay as you behave.
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