Article co-rédigé par Vincent Maissin, manager FSI et Anne Vinot, consultante FSI.
L’écosystème des paiements est en pleine transformation. Porté par les évolutions digitales, l’ouverture du marché et les nouvelles attentes des utilisateurs, l’acte de paiement se redessine et tend vers l’instantanéité et l’invisibilité. Ces mutations ont entrainé ces dernières années l’émergence d’une multitude de solutions qui, de façon progressive, modifient nos habitudes. En témoigne le succès du déploiement de l’Instant Payment en France : cette solution de paiement électronique, hautement disponible1 et permettant un virement en moins de 10 secondes, est aujourd’hui déployée à l’échelle européenne. Lancée en 2016, elle représente déjà près de 7% des volumes de virements et pourrait, selon la BCE, représenter jusqu’à 23% des paiements totaux en Europe d’ici 2023.2
Désormais sur les rails d’une généralisation, le paiement instantané pourrait maintenant être complété d’un nouveau service, simplifiant le règlement de factures entre les personnes, les organisations et les entreprises : Le Request To Pay.
Déjà en place dans certains pays, la mise en œuvre de ce nouveau concept en Europe, dont le chantier est porté par l’European Payment Council et de nombreux acteurs privés, pourrait entrainer une petite révolution dans le monde des paiements européens, comme nous le confirment Laurence Félix-Makatcheff et Dominique Beauchamp, respectivement Directrice Adjointe de la Direction des Paiements chez La Banque Postale et Directeur Général Adjoint de Natixis Payments.
Le Request To Pay (RTP) est un service de messagerie qui vient s’ajouter aux infrastructures de paiement existantes et fonctionne de la manière suivante :
Originellement destinés aux acteurs du paiements désireux de gagner en flexibilité dans leur gestion de trésorerie, les cas d’usages potentiels du Request To Pay sont nombreux et concernent, finalement, la plupart des interactions de paiement :
Par la variété de ces cas d’usages, l’initiative apparaît, d’après Dominique Beauchamp (Natixis), plus intéressante et riche que les services déjà existants, à l’instar de SEPA Mail Rubis4, initialement bâti sur un échange mail banque-à-banque à vocation purement hexagonale, là où le Request To Pay s’inscrit dans une démarche européenne.
L’intérêt principal du Request To Pay est qu’il n’est pas un moyen de paiement supplémentaire mais bien un service additionnel qui, couplé, aux paiements instantanés, offre plusieurs avantages à ses utilisateurs :
Payeur | Payé | |
Expérience | Un dialogue simplifié : Grâce au service de messagerie, le dialogue direct et immédiat avec les émetteurs de factures est possible, offrant un service et une expérience utilisateur personnalisée. | Une capacité supplémentaire de proposer des expériences d’achat fluides : Une fois les informations de l’utilisateur renseignées, proposer des parcours d’achats sans friction sera plus simple pour des achats réguliers. |
Gestion | Une maîtrise des dépenses : En permettant aux utilisateurs et organisations une reprise de contrôle sur le processus de facturation, et ainsi la possibilité de payer (i) entièrement, (ii) partiellement, (iii) avec un délai. La trésorerie et les factures sont alors mieux maîtrisées. | Une diminution des coûts de process : Grâce (i) aux coûts de traitements inférieurs à d’autres moyens de paiements mais aussi (ii) plus spécifiquement sur la facturation, par une réduction du temps et de l’effort nécessaires aux réconciliations entre paiement et facture. |
Risque | Une capacité de refus : Contrairement au prélèvement automatique, le Request To Pay, par définition non intrusif, permet de reprendre le pouvoir de décision sur les finances individuelles et d’ainsi lutter contre les défauts de provisions | Une garantie de paiement : Etant certain que l’initiation de paiement et l’acception du RTP sont confirmés par le payeur, le payé peut fournir en toute sécurité le bien ou le service et lutter plus efficacement contre les impayés. |
C’est même, selon Laurence Félix-Makatcheff, « le message qu’il manque aujourd’hui pour traiter de vrais parcours clients entre un payé et un payeur, et qui permettra, par la suite, de développer de façon significative l’Instant Payment ».
Une mise en œuvre réussie dans plusieurs pays.
En Inde, la fonctionnalité Request To Pay se décline sous le nom Bharat Pay et s’inscrit plus globalement au sein d’UPI (Unified Payment Interface), dernier né d’une série d’innovations dans le paiement. Aujourd’hui le service Bharat Pay, partagé par 60 banques, démontre par sa croissance exponentielle la vitesse à laquelle un pays peut digitaliser les paiements et la capacité du Request To Pay à couvrir les besoins de millions d’utilisateurs. Ce succès fait écho au service de facturation électronique BPAY, un service similaire largement utilisé par les Australiens pour régler leurs factures ainsi qu’à celui du service eBill, adopté en Suisse par plus de 90 institutions financières et 1200 émetteurs de factures chaque mois.
Toutefois, le Request To Pay se déploie encore avec difficulté dans certains pays, en témoigne l’étude du cas du Royaume-Uni. S’inscrivant dans la stratégie de « New Payments Architecture »5 lancée par le gouvernement britannique afin de redéfinir l’infrastructure des paiements, le Request To Pay semble disposer outre-manche d’un marché significatif : c. 34 Mds de paiements sont effectués par an, dont 5 Mds en paiements récurrents. On imagine dès lors les économies qui pourraient être réalisées uniquement grâce à la facturation électronique. Pourtant, le déploiement du service est freiné par 3 facteurs : (i) la difficile adoption par les utilisateurs, due à une expérience utilisateur limitée sur le mobile et au manque de fluidité de l’authentification à 2 facteurs imposée par le régulateur, (ii) le très fort ancrage du prélèvement automatique dans les habitudes des consommateurs, à l’heure où il représente encore 72% des paiements récurrents au Royaume-Uni, et surtout (iii) la concurrence d’autres moyens de paiements, ancrés chez les marchands, à l’instar des cartes Visa et Mastercard plus rentables pour les banques.
Au regard des retours d’expériences de déploiement dans nos pays voisins et des particularités de notre système financier, la mise en œuvre du Request To Pay tient en 3 points qui en feront son succès, ou son échec :
Fort de son succès, Fintecture a par ailleurs levé 7,5 millions de dollars en mai dernier et espère ainsi accélérer son développement et atteindre l’objectif de 10 000 commerçants partenaires.
Article co-rédigé avec Cyril Chalin, Charles-Henri Carlier, Joseph Delawari et Pape Modou Mbow. La loi…
Entretien avec Jérôme de Grandmaison (VP Talent Management, Product Lines & Functions, Alstom) à l’occasion…
Article co-écrit par Ivann Le Pallec (Senior Consultant Risk Advisory) et Valentin Brohm (Manager Risk…
Five Trends Shaping the Market Hear “luxury travel,” and you’re likely to envision a swirl…
Interview réalisée par Marie-Line Ricard, Associée Blockchain & Web 3, Jérémy Stevance, Manager Blockchain &…
Article co-rédigé avec Wilfrid Biamou, Senior manager. Les évolutions réglementaires successives Alur du 26 mars…