Véhicule autonome : l’ère du soupçon ?
Publié le 18 octobre 2016
Le Mondial de l’Automobile 2016 vient de fermer ses portes. Qu’en retient-on ? Que le véhicule autonome est décidément sur toutes les lèvres et dans tous les esprits. Que son arrivée sur les routes est vraiment imminente, à en croire les déclarations successives des constructeurs ayant fait le déplacement à Paris. Chez Renault, Carlos Ghosn a promis de premiers modèles « à délégation de conduite » pour 2018. Mêmes ambitions du côté de PSA, qui prévoit un système de conduite en partie autonome dans les embouteillages pour 2018 environ. Si certains, tel Hyundai, sont prudents et tablent plutôt sur 2030, la majorité des constructeurs estiment que la voiture sans conducteur sera dans nos rues d’ici 2020-2022. Tout cela fait beaucoup rêver. Mais dans ce brouhaha d’annonces, d’expérimentations et de prophéties incantatoires, on oublie cependant de se poser une question essentielle : s’il ne fait aucun doute que les constructeurs et équipementiers seront bientôt prêts pour la voiture autonome, les conducteurs français, eux, le sont-ils ?
Pas si sûr… une étude récente menée par Deloitte [1] révèle même un intérêt assez limité des Français pour les voitures autonomes. S’ils sont bien informés de la mise au point de voitures autonomes, 72% d’entre eux pensent que celles-ci ne seront pas une réalité commerciale en France d’ici les 20 prochaines années. Plus inquiétant, plus le degré d’autonomie envisagé est fort et plus leur intérêt pour ce type de véhicule décroit. Le niveau d’automatisation dit « standard » (le conducteur a la maitrise totale de son véhicule, qui accomplit quelques taches de manière autonome) remporte 61% des suffrages, quand le niveau « avancé » (le véhicule combine deux fonctions autonomes tels que contrôle de la vitesse et maintien au centre de la route) séduit lui 52% des Français et qu’enfin une conduite autonome étendue à certaines conditions de trafic (le véhicule devient totalement autonome en fonction du trafic et de l’environnement) serait l’option retenue par seulement 36% des conducteurs français. La conduite autonome totale, quant à elle, ne retient l’intérêt que de 30% des interrogés ; ils représentaient 36% en 2014.
Côté porte-monnaie, la tendance se confirme : les Français ne souhaitent pas augmenter leur budget « technologies », qui est d’ailleurs 3 fois moins important en 2016 qu’en 2014. Ils ne souhaitent ni payer pour des motorisations alternatives (52%), ni pour des technologies permettant l’autonomie partielle ou totale du véhicule (58%), et encore moins pour améliorer la connectivité (60%), ou pour des technologies dans l’habitacle (70 %). Le grand soir du véhicule connecté tant annoncé devra trouver d’autres sources de financement.
Alors, face à ces réticences, la « révolution » autonome aura-t-elle lieu aussi rapidement qu’on ne le dit ? Comment constructeurs et équipementiers automobile peuvent-ils sécuriser ce marché encore hésitant et assurer un retour sur investissement suffisant, à la hauteur des dépenses importantes engagées en R&D ? Le grand chantier à venir se situera certainement sur le terrain de la communication : il est essentiel d’expliquer les bénéfices apportés par ces technologies auprès des consommateurs. Il y a encore aujourd’hui un important travail d’éducation et d’illustration des nouveaux services à réaliser, pour que les conducteurs perçoivent bien ce que sera la mobilité de demain. Cette communication doit en particulier mettre l’accent sur le thème de la sécurité, qui reste l’une des préoccupations premières de l’ensemble des conducteurs français. D’après notre enquête, les technologies jugées les plus utiles sont en effet celles qui renforcent la sécurité et remplissent notamment les fonctions suivantes : informer de situations dangereuses (n°1 des technologies jugées les plus utiles), reconnaitre la présence d’objets sur la route et éviter les collisions (n°2), empêcher automatiquement le conducteur de conduite dangereuse (n°3), et prendre des dispositions immédiates en cas d’urgence médicale ou accident (n°4).
Oubliés les babyboomers et les quinquas : pour conquérir le marché français, les constructeurs automobile devront d’abord se concentrer sur les générations Y et Z qui sont, elles, prêtes à dépenser plus que leurs aînés dans les technologies autonomes. Leur panier moyen s’élèverait en effet à 532 euros – soit presque 5 fois plus que ce que dépenserait l’ensemble des répondants – pour des technologies permettant l’autonomie partielle ou totale du véhicule. Des chiffres qui nuancent quelque peu le tableau d’un marché français frileux et peu réceptif. Les jeunes conducteurs, s’ils sont bien sensibilisés aux avantages du véhicule autonome, utiliseront sans aucun doute les technologies et solutions de mobilité adaptées à leurs besoins. C’est probablement la jeunesse qui ouvrira la voie aux autres générations dans l’adoption de la mobilité de demain.
[1] Etude à paraître début 2017
Si ce sujet vous intéresse, n’hésitez pas à me contacter.
Seb le 11 Nov 2016
Sauf que les jeunes sont moins intéressées par la voiture que les babyboomers.