10 milliards : c’est le nombre d’habitants qui peupleront notre planète à horizon 2050. Bientôt, nos mégalopoles concentreront 50% de la population mondiale, alors qu’elles n’en accueillent que 8% aujourd’hui ! A ce rythme le milliard de véhicules qui constitue le parc mondial en service sera multiplié par quatre. L’évidence s’impose: ce modèle de mobilité que nous connaissons aujourd’hui et qui trouve ses fondements dans la propriété privée du véhicule et l’utilisation de carburants non renouvelables n’est simplement pas soutenable à moyen terme. L’automobile se retrouve confrontée à un immense défi : inventer la mobilité de demain – celle qui saura répondre à la croissance démographique et tirer parti de toutes les possibilités offertes par les progrès galopants de la technologie.

Certaines évolutions sont déjà à l’œuvre et ont commencé à modifier les contours du modèle traditionnel. Aujourd’hui, l’essentiel des mutations se produisent autour de deux axes : l’autonomisation et le partage. Cela fait quelques années maintenant que covoiturage et auto partage progressent. Le succès des BlaBlaCar, Zipccar et autres Uber ne se dément pas, et confirme le passage, au moins partiel, d’un modèle basé sur la propriété privée des véhicules à un modèle davantage axé sur l’accès partagé. L’autonomisation est également en marche et de nombreux acteurs expérimentent aujourd’hui des solutions dans le champ des technologies sans conducteur qu’ils soient constructeurs automobiles bien sûr, mais aussi GAFA (véhicules autonomes de Google) ou encore sociétés de covoiturage (Uber et son Centre de technologies avancées à Pittsburgh, chargé entre autres de travailler sur un projet de voiture sans conducteur).

Imaginer la mobilité du futur, c’est s’interroger sur la manière dont ces tendances vont continuer à se développer et surtout à quel rythme et avec quelle intensité les changements vont avoir lieu. Les pratiques d’auto partage vont-elles se généraliser ou bien la plupart des conducteurs vont-ils préférer conserver leurs propres véhicules ? L’autonomisation totale va-t-elle réussir à vaincre tous les obstacles qui sont encore sur sa route ? En fonction des réponses que l’on apporte à ces questions nous avons identifié quatre évolutions possibles de nos modes de mobilité.

 

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« Future of Mobility », Deloitte University Press 2015
 

Certains imaginent des évolutions lentes et progressives, et voient l’avenir par étapes : d’abord des systèmes d’aide à la conduite, donc une voiture autonome avec chauffeur ; puis passage à l’automatisation totale. L’avancée vers l’automatisation totale se ferait alors progressivement et de manière contrôlée. Les mêmes insistent sur les freins qui appuient aujourd’hui cette thèse : rigueur et pesanteur de l’environnement règlementaire, difficulté à introduire des technologies sophistiquées au sein de la structure d’un véhicule, résistances comportementales, complexité actuelle propre au développement d’un véhicule…

Pour d’autres, les changements interviendront à un rythme beaucoup plus rapide et de manière très perturbatrice en modifiant les structures industrielles actuelles. La prochaine étape ne serait pas une automatisation progressive en 5 étapes, mais très rapidement, l’automatisation totale. C’est par exemple le point de vue communément partagé dans la Silicon Valley : l’option la plus sûre consisterait à se passer de conducteur. Dans ce nouveau paradigme le « saut de puce » se transforme en « pas de géant » et l’on constate que sur ce thème les opinions évoluent aussi vite que les éléments de langage. Vision futuriste il y a deux ans, l’automatisation totale de la conduite est désormais considérée comme l’évolution normale de la mobilité à court terme. Toute la question est de savoir comment et dans combien de temps cela se produira, et s’il s’agira d’une évolution d’un système centenaire ou d’une disruption totale. La rapidité à laquelle la conduite autonome sera adoptée dépend en fait de l’évolution d’une grande variété de facteurs : réglementation, évolutions technologiques, comportements sociaux, cyber sécurité, impact sur les principales parties prenantes…

Le débat ne s’arrête pas là. Notre système traditionnellement basé sur la propriété privée des véhicules demeurera-t-il relativement inchangé ou migrerons-nous inexorablement vers un système sans conducteur essentiellement fondé sur la mobilité partagée ? Il est possible que les consommateurs privilégient encore pour un temps l’intimité, la sécurité et la commodité que procure la possession de son propre véhicule, et que la propriété privée reste la norme pour de nombreuses années. Evidemment, même s’ils sont de plus en plus conscients que le rapport à la voiture est en train de changer, les acteurs historiques de l’industrie automobiles voient plutôt d’un bon œil le maintien de la propriété, qui perpétue un business modèle centré sur le produit, et qui crée de la demande. A l’opposé, l’auto partage évoluant dans un univers devenu purement serviciel entrainera logiquement une diminution de la demande en véhicules.

D’hypothèses en conjectures, des futurs pluriels s’entremêlent. Voiture autonome partagée ; voiture autonome privée ; voiture semi-autonome partagée ; voiture semi-autonome privée l’ensemble de ces modèles s’affirmeront tour à tour comme les modes de mobilité privilégiés. Nous faisons l’hypothèse que toutes ces options cohabiteront un jour. Selon différents facteurs – démographiques, technologiques, économiques, sociaux, politiques – ce sera plutôt l’un ou l’autre de ces modèles qui sera majoritairement adopté par les consommateurs, parfois temporairement.

La mobilité moderne, telle que nous la connaissons a mis un siècle à se construire et pourtant il semblerait bien que cet édifice soit amené à effectuer une des transitions les plus radicales que l’histoire économique ait connue. Demain, que nous soyons possesseurs de véhicules, consommateurs de mobilité, conducteurs ou bien véhiculés ; une chose est certaine : nous aurons le choix de la mobilité du futur. Et cela, c’est une excellente nouvelle.

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