Fondée en 2004, la société de biotechnologie Genomic Vision est spécialisée dans les solutions de diagnostic moléculaire et dans le développement d’outils de détection de l’ADN utilisés pour la recherche et les diagnostics in vitro. Des levées de fonds successives – en 2005, en 2006 et en 2008 – ont permis à la société de financer le développement d’outils analysant les génomes. En 2014, Aaron Bensimon, fondateur de la société, a décidé de coter la société à la Bourse de Paris pour accélérer sa croissance. Rencontre.

Retrouvez aussi notre interview vidéo de Aaron Bensimon en bas de cet article.

Pourquoi avoir décidé d’entrer en Bourse ?

Genomic Vision a été fondé après mon invention de la technique du peignage moléculaire à la suite de quoi nous avons déployé de nombreuses applications tels les tests de diagnostics pour la détection précoce des cancers et des maladies génétiques.

L’activité de Genomic Vision nécessite d’importants financements. Les produits que nous développons ne peuvent pas être vendus immédiatement : il s’écoule entre 10 et 12 ans entre la conception et la mise sur le marché. De plus, ceux-ci réclament beaucoup de recherche, des tests cliniques sur un nombre de patients importants, des améliorations constantes…

Le marché des biotechs a connu, depuis 2010 environ, de nombreuses introductions en bourse réussies qui ont soutenu son expansion.

Après les levées de fond, l’entrée en bourse est en effet une étape naturelle pour financer son développement dans des proportions importantes.

L’objectif de notre IPO était double : le premier bien entendu, portait sur le renforcement de notre structure financière par un apport en fonds propres en le doublant d’une agilité pour lever des fonds plus rapidement en faisant appel au marché. Le second était d’augmenter la visibilité de la société pour faciliter l’ouverture à l’international.

Cela permet également de faire adhérer l’ensemble des équipes à une vision et de montrer le dynamisme des projets de l’entreprise et l’intérêt qu’ils ont vis-à-vis des marchés extérieurs.

L’IPO a eu lieu en 2014. Pourquoi ce timing ?

A cette époque, Genomic Vision avait atteint une taille et une maturité certaine. Nous avions par ailleurs noué un partenariat avec Quest Diagnostic, le leader du secteur des tests de diagnostics aux Etats-Unis et qui nous avait ouvert ce marché.

Cette période coïncidait avec une phase de croissance du marché des entreprises biotechnologiques. Les investisseurs se montraient alors particulièrement intéressés par ce secteur.

Le timing nous semblait donc idéal pour poursuivre notre développement et nous déployer à l’étranger. Après discussion avec le conseil de surveillance, nous avons pris la décision de nous lancer.

 

La période de préparation à l’IPO dure environ six mois, et demande une mobilisation totale de l’intégralité des équipes, notamment du management. Ce sont des moments d’une grande intensité, stimulants et motivants.

 

Comment l’opération s’est-elle structurée ?

Une introduction en bourse doit répondre à un processus et un calendrier très structurés.

La première phase consiste à réunir une équipe composée d’un commissaire aux comptes, d’un avocat, d’un communicant financier et d’une banque qui vous aide à la fois à structurer l’opération et à faire le placement des titres.

Nous travaillions depuis longtemps avec Deloitte et nous nous sommes naturellement tournés vers ce cabinet dans le choix du commissaire aux comptes. Nous savions qu’il serait à même de gérer une telle opération.

Pour faire simple, on peut dire qu’il y a 3 étapes dans une opération d’introduction en bourse :

– La première qui est la phase de structuration de l’opération et d’élaboration de la thèse d’investissement.

– La seconde phase est celle de recherche et de marketing : donc recherche, par les bureaux d’analyse qui vont analyser le profil de la société et sa valorisation possible en bourse. Et celle de marketing, où les dirigeants vont aller massivement rencontrer les investisseurs.

– Et enfin la dernière phase, de placement des titres, au cours de laquelle les banques vont enregistrer les ordres d’achat pour l’opération.

Comment s’est déroulée la coopération entre ces différentes parties prenantes ?

Toutes les équipes ont effectué un travail remarquable. Il est indispensable d’avoir une parfaite coordination puisqu’il faut impérativement tenir les délais. Les documents nécessaires doivent notamment être transmis à l’AMF (Autorité des Marchés Financiers) dans les temps.

Les fenêtres d’ouverture pour l’introduction sont courtes, et un décalage d’une semaine dans le calendrier peut avoir des conséquences cruciales.

La période de préparation à l’IPO dure environ six mois, et demande une mobilisation totale de l’intégralité des équipes, notamment du management. Ce sont des moments d’une grande intensité, stimulants et motivants.

 

Toute l’opération se structure autour du commissaire aux comptes. Il joue un véritable rôle de chef d’orchestre entre le management, les banques, les avocats…

 

Quel est le rôle du commissaire aux comptes ?

Il occupe une place centrale. Toute l’opération se structure autour du commissaire aux comptes. Il joue un véritable rôle de chef d’orchestre entre le management, les banques, les avocats…  Il est en outre garant de la qualité des documents permettant l’introduction en bourse. Il adresse non seulement la partie financière bien évidemment en validant toute l’information financière qui est communiquée mais c’est également lui qui va s’assurer de la cohérence d’ensemble du document. Il est donc indispensable de nouer une relation de confiance solide avec lui.

J’ai toujours été convaincu de l’importance capitale de la relation unissant l’entreprise et son commissaire aux comptes. Il en va de la crédibilité et de la fiabilité du dirigeant. Je ne suis ni financier ni avocat, et je n’ai pas droit à l’erreur. Des investisseurs m’ont fait confiance, j’ai donc le devoir de maintenir une direction financière et des comptes irréprochables. C’est pour moi primordial, tout particulièrement dans le cas d’une société cotée.

Comment avez-vous vécu la phase de « road-show » ?

J’ai beaucoup aimé cette période qui consiste à rencontrer des investisseurs intéressés par l’activité et cherchant à comprendre ce que fait l’entreprise pour déterminer s’ils sont prêts à investir. J’ai pris beaucoup de plaisir à discuter avec eux, à leur expliquer notre business et à répondre à leurs questions. Ces échanges m’ont énormément appris. Ces moments permettent également de réajuster le discours pour dissiper les zones d’ombre.

Vous êtes cotés en Europe, sur Euronext. Pourquoi ce choix ?

Nous avons envisagé la possibilité d’entrer sur le marché américain. L’histoire de Genomic Vision est américano-française, en raison du partenariat qui nous unit à Quest Diagnostic. Nous avons préféré nous introduire sur le marché français qui nous a semblé être un choix plus facile et rapide. Une IPO aux Etats-Unis aurait nécessité davantage de temps et aurait coûté plus cher. Il s’agit aussi d’un choix culturel : nous connaissons parfaitement le marché français.

 

Une IPO réussie est un succès collectif, et non personnel.

 

Durant la préparation de l’IPO, à quelle fréquence étiez-vous en contact avec les différentes parties prenantes du projet ?

Les échanges étaient quasi-quotidiens. Lorsque l’entreprise s’engage dans une IPO, le dirigeant est contraint de mettre de côté la plupart de ses activités. Il n’a plus, physiquement, de temps à consacrer à autre chose qu’à la réussite de ce projet, qui engage l’ensemble de ses ressources.

C’est une période où il faut savoir déléguer. Sans le dévouement et l’implication de mes équipes, nous aurions payé cette opération au prix fort avec des retards dans la recherche ou des opportunités de deals manquées. Une IPO réussie est un succès collectif, et non personnel. Lors de la cérémonie de la cloche, qui marque le début de la cotation de l’entreprise, mes équipes étaient présentes avec moi. Nous avons partagé, à ce moment, une intense satisfaction et fierté.

Seriez-vous prêt à tenter à nouveau cette aventure ?

Pourquoi pas, si l’occasion se présentait… J’en garde le souvenir d’un challenge intellectuel extraordinaire à tous les niveaux. Il faut trouver des solutions à une multitude de problèmes, ce qui est très excitant. C’est l’expérience d’une vie !

Quelles ont été les principales difficultés auxquelles vous avez été confronté ?

Je ne me souviens pas avoir buté sur une difficulté majeure. C’était une période difficile, mais nous avons su relever ce défi. Toute l’équipe a travaillé dur, et nous avons tenu le calendrier.

 

L’équipe dans son ensemble a été gagnée par une véritable euphorie. Nous avons levé, in fine, 26 millions d’euros pour un objectif initial de 23 millions.

 

Les objectifs de l’IPO ont-ils été remplis ?

L’opération a été un vrai succès. Nous avons assisté en direct au remplissage de ce qu’on appelle le « book ». Cette phase se déroule à la toute fin de l’introduction en bourse. Nous avons fourni les documents demandés. Les banques ont contacté des clients potentiels et nous les avons rencontrés. Ils peuvent alors choisir d’acheter des actions de la société pour entrer au capital. La demande a été extrêmement forte, puisque nous avons été sursouscrits cinq fois. L’équipe dans son ensemble a été gagnée par une véritable euphorie. Nous avons levé, in fine, 26 millions d’euros pour un objectif initial de 23 millions.

Retrouvez aussi notre interview vidéo de Aaron Bensimon.