Interview de Marie-Line Ricard – Deloitte, Cédric Roche – Tezos et Jérémy Le Bourgocq – Collège Victor Hugo dans le cadre d’un événement organisé par la Fondation Deloitte

Dans cette interview, Marie-Line Ricard (Associée Blockchain & Web 3 chez Deloitte), Cédric Roche (Adoption Manager – France chez Nomadic Labs) et Jérémy Leberdoc (Professeur au Collège Victor Hugo de Sarcelles) ont pu échanger sur les enjeux de l’acculturation technologique avec un focus sur la Blockchain.

 

Comment le sujet de la technologie, ou plus largement de la Blockchain, s’est-il présenté dans votre parcours professionnel ?

Cédric Roche (Nomadic Labs) : Actuellement je travaille en tant que Responsable de l’adoption chez Nomadic Labs, un laboratoire de recherche et développement dédié à la Blockchain Tezos. Dès l’école de commerce, je me suis passionné pour l’entreprenariat et l’innovation, ce qui m’a conduit à travailler en tant que consultant en stratégie digitale. Puis la période Covid m’a laissé du temps que j’ai utilisé pour me former sur la Blockchain. Dans un premier temps de manière autodidacte à travers des lectures et des expérimentations (utilisation des plateformes et wallets), puis en suivant une formation à l’école Alyra avec des spécialistes Blockchain.

Jérémy Le Bourgocq (Collège Victor Hugo) : Je suis professeur d’Histoire-Géographie au collège Victor Hugo de Sarcelles, mais le numérique et les nouvelles technologies m’ont toujours intéressées. J’ai toujours souhaité concilier ces deux domaines qui pour moi ne sont pas forcément opposés. En tant que référent numérique, j’ai l’opportunité de travailler sur un parcours numérique sur plusieurs années à destination des élèves qui a notamment pour but de leur partager les bonnes pratiques et de leur faire découvrir les débouchées possibles.

Marie-Line Ricard (Deloitte) : Je suis Associée chez Deloitte, où j’occupe notamment un rôle de coordination internationale sur les sujets Blockchain, Crypto et Web3 pour le métier Audit & Assurance. Après des études d’ingénieur, où je passais mon temps entre les mathématiques, la physique et le coding, j’ai débuté ma carrière chez BNP Paribas dans les mathématiques appliquées à la finance qui étaient une véritable forme d’innovation à l’époque. Et il y a 7 ans, j’ai découvert la blockchain lors d’un MBA interne que je réalisais dans un Big 4. J’ai été à la fois intriguée et interpellée par ce terme « Blockchain », j’ai donc approfondi le sujet pour en savoir plus, et depuis je n’ai jamais quitté ce domaine.

 

La technologie, et plus largement technologie Blockchain, est-elle présente dans l’enseignement aujourd’hui ?

Marie-Line Ricard (Deloitte) : En France elle est déjà présente mais insuffisamment, et encore plus si l’on se compare à d’autres pays. Dans les établissements scolaires comme dans les entreprises, il y a besoin d’avoir un(e) véritable ambassadeur(drice) Blockchain pour développer ce sujet. Ce qui est positif c’est que dans certaines écoles la demande vient directement des étudiants qui poussent les directions à mettre en place ce type de cursus.

Je pense que les Big 4 ont un véritable rôle à jouer en termes d’acculturation sur les technologies émergentes et qu’ils doivent accompagner l’éducation française afin que la France ne rate pas ce virage technologique. C’est pour cela que j’ai toujours mis un point d’honneur à intervenir dans les écoles, que ce soit pour un cours d’introduction de deux heures ou pour des semaines entières de formation.

Eduquer c’est répéter ! Et à mon sens il faut commencer au plus tôt, j’ai même réalisé cet exercice dans la classe de mes filles pour une école  primaire !

Cédric Roche (Nomadic Labs) : Chez Nomadic Labs, justement nous avons développé ce rôle d’ambassadeur qui est à deux niveaux. Dans un premier temps avec la promotion de la Blockchain, en expliquant son utilité et ses atouts à travers des cas d’usage. Puis avec un focus sur ce qu’apporte notre technologie Tezos et ses axes de différenciation par rapport aux autres blockchains.

On essaye de faire intervenir des personnes de l’écosystème auprès des institutions publiques et privés, au sein de gros corporates mais aussi de petites structures, et dans l’enseignement qu’il soit privé ou public. Etant donné le manque de personnes compétentes sur ces sujets, on note une forte demande à ce propos.

 

Y a-t-il un mouvement en faveur de la technologie dans l’enseignement ?

Jérémy Le Bourgocq (Collège Victor Hugo) : Alors la technologie est présente dans l’enseignement depuis longtemps et beaucoup plus depuis trois ans, mais aujourd’hui cela se ressent également dans les centres d’intérêts des élèves. Par exemple, chaque année je demande à mes élèves le futur métier qu’ils souhaitent faire ; et alors qu’avant ils me donnaient des métiers plutôt classiques, aujourd’hui ils commencent à me donner des métiers issus du numérique. Je ne peux pas forcément l’expliquer, mais l’intérêt pour la technologie est manifeste et il prend de l’ampleur, ce qui est à mon sens une bonne chose.

En tant qu’usagers de technologies très complexes ils savent que ça existe et même s’ils ne connaissent pas leur fonctionnement, on voit qu’ils aimeraient en savoir plus. Au collège on reste très théorique, mais lorsque ça les intéresse on fait parfois intervenir des associations spécialisées. Elles sont assez à l’aise avec la pédagogie et permettent de vulgariser le fonctionnement des technologies. Enfin si l’intérêt est bien présent on peut les orienter vers des formations ou des écoles qui leur permettront de travailler dans ce domaine.

Pour le moment ça reste une minorité qui s’intéressent aux technologies et surtout des garçons. Mais si on leur montre qu’il y a tout un univers autour qui génère des emplois avec des projets innovants et de nouvelles technologies ; dans ce cas ils seront plus nombreux et il y aura plus de mixité. Une des premières barrières est le manque d’estime de soi, mais si on leur dit qu’ils ont des compétences et qu’ils sont doués, cela en motivera à s’accrocher, à faire des études et à y parvenir.

 

Y a-t-il eu un engouement pour cet événement NFT de la part des élèves ?

Jérémy Le Bourgocq (Collège Victor Hugo) : Lorsque j’ai présenté les thèmes de l’événement, la grande majorité des élèves se sont questionnés : Qu’est-ce que la Blockchain ? Qu’est-ce que les NFTs ? Seul trois ou quatre connaissaient déjà les NFTs car ils jouent à certains jeux vidéo de cartes à collectionner et à échanger. En revanche ils ont tous entendu parler de Bitcoin, mais sans jamais se pencher sur son fonctionnement ou son expansion.

Ce type d’événement est l’occasion de mettre des noms sur des situations évoluent très vites et de leur faire découvrir autre chose. Le côté immersif permet de leur présenter des experts de leur domaine dans leur environnement qui leur inculquent des compétences et des valeurs qui leur serviront plus tard. Cela permet d’apprendre en dehors de la classe, et à mon sens il n’y a pas plus belle pédagogie que ça.

 

Face au développement des nouvelles technologies, y a-t-il des formations destinées aux jeunes sur leurs risques ?

Jérémy Le Bourgocq (Collège Victor Hugo) : Effectivement ces sujets sont pour les collégiens au programme de l’enseignement moral et civique. Lorsqu’on aborde le bon usage des technologies, on va notamment parler des fakes news, du cyber harcèlement ou encore de l’addiction aux écrans. C’est très important car ils ne se rendent pas compte qu’ils ont parfois un usage non légal, comme des élèves de 6e qui utilisent TikTok ou Snapchat alors que l’âge légal pour avoir un compte est de 13 ans. C’est important de leur expliquer qu’à partir de 13 ans, ils sont responsables de leurs actes et paroles sur ces réseaux et ce n’est plus la responsabilité légale de leurs parents. La prévention est la clé !

Marie-Line Ricard (Deloitte) : Et pour répondre à ce besoin de prévention, ne faudrait-il pas justement former les parents à ces nouveaux usages ?

Jérémy Le Bourgocq (Collège Victor Hugo) : Effectivement, c’est important que les parents aussi soient informés. Certains établissements mettent en place des ateliers numériques à destination des parents pour les former aux nouveaux usages comme l’ordinateur, le smartphone ou les réseaux sociaux.

 

Avec le développement parfois précoce de ces usages des technologies, les enfants ne deviennent-ils pas une cible pour les entreprises ?

Marie-Line Ricard (Deloitte) : En effet, l’enfant ou adulte en devenir est une nouvelle source de business que les entreprises ont bien identifiée. En revanche, ils n’ont pas toujours conscience qu’à cet âge l’enfant est en cours de développement qu’il ne faut pas faire n’importe quoi. Il est indispensable aujourd’hui pour les entreprises de superposer les notions d’éthique et de business, nous n’y sommes pas encore.

L’éthique est justement l’une des valeurs fondamentales que l’on porte chez Deloitte, de ce fait nous sensibilisons, conseillons et alertons nos clients à ce sujet. En tant que cabinet d’audit et de conseil, nous avons ce rôle d’instaurer la confiance dans la société. Et nous nous imposons la même rigueur, car chacune de nos missions avant d’être acceptée est analysée par notre Direction Qualité et Risque, qui évalue notamment les risques d’exécution,de réputation et d’éthique.

 

L’acculturation est-il également un enjeu pour l’ensemble des acteurs de l’écosystème Blockchain ?

Cédric Roche (Nomadic Labs) : Totalement car déjà dans la tech il manque des profils, que ce soit des hommes ou des femmes, et dans l’écosystème Blockchain il en manque davantage. Et si je vais plus loin, dans la technologie Blockchain Tezos il en manque encore plus.

Pour la Blockchain cela s’explique par le manque de formation, mais cela concerne l’ensemble des sujets pointus. La compréhension de chaque technologie émergente impose de passer du temps et de comprendre ces nouvelles approches qui sont parfois très différentes du monde d’avant. Par exemple, la Blockchain permet de construire des applications sur des infrastructures open source qui sont publiques, cela change les anciens modes de fonctionnement et modifie complètement les business model. On peut le voir avec les jeux vidéo en « play to earn » où les joueurs peuvent se rémunérer en jouant.
C’est important de favoriser la formation et l’apprentissage des technologies au plus tôt, pour la Blockchain cela impliquerait de commencer dès la fin du secondaire comme dans les écoles d’ingénieur, de commerce, et dans les universités. Il faudrait à la fois que toutes ces formations soient capables d’inculquer les enjeux liés à la Blockchain et en parallèle former des profils techniques sur ces technologies.

Pour le moment, les profils présents dans l’univers de la Blockchain sont surtout des passionnés de techno issues de formation dans le web ou d’autodidactes.

Marie-Line Ricard (Deloitte) : Le rôle de Deloitte est de faire le pont entre le monde tel qu’il est aujourd’hui et le monde tel qu’il est en train de se construire avec beaucoup de digital, tout en apportant la confiance et en anticipant les risques … afin qu’ils ne se réalisent pas. Et nous avons également la responsabilité de faire lien entre les différents acteurs. Nous accompagnons en effet à la fois les startups qui font évoluer rapidement la société et le monde financier, et nos clients traditionnels les grandes entreprises afin qu’elles ne se fassent pas disrupter et qu’elles contribuent par leur savoir-faire à ces évolutions majeures.

 

La Fondation Deloitte avait invité quelques élèves du collège Victor Hugo de Sarcelles pour créer, avec l’aide des experts Deloitte et Nomadic Labs, un NFT qui a du sens en faveur du développement durable et social.

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