Collaborateurs, oui ! Mais avant tout frères et sœurs, parents et enfants, cousins… Les membres d’une entreprise familiale doivent apprendre à gérer au quotidien la dualité de leur relation, à la fois professionnelle et personnelle. Dans un contexte où l’affectif s’immisce dans la gestion des affaires, comment réagir lorsque des désaccords émergent et que le conflit menace ? Il est difficile de définir et d’appliquer des « méthodes » connues car chaque individu est différent. Cependant, quelques principes peuvent aider à dépasser un conflit. Et même à en faire une force pour l’avenir.
Le conflit : un mal nécessaire ?
Un conflit est toujours une épreuve difficile que l’on souhaite éviter. Pourtant, il s’agit souvent d’une étape indispensable pour remettre en cause un système ancien, dysfonctionnel et se doter d’une nouvelle organisation plus efficace. Le conflit peut constituer un « mal pour un bien » car il est vecteur de transformations et de remises en question essentielles. Un membre de la famille peut s’opposer aux choix stratégiques et au style de management d’un patriarche autoritaire. Cette opposition, qui rejoint souvent des problématiques générationnelles, est d’autant plus mal vécue qu’il existe un lien affectif et personnel entre les individus. Mais elle peut conduire, in fine, à repenser la stratégie de l’entreprise, à renouveler des équipes, à revoir les structures existantes et finalement à redonner un nouveau souffle à l’entreprise familiale. La résolution d’un conflit peut prendre du temps et demander du courage mais les chemins, collectif et individuel, qu’il exige de suivre peuvent conduire à des bénéfices insoupçonnés.
Dépersonnaliser le conflit
Les dimensions émotionnelle et affective qui caractérisent les liens entre les membres d’une même famille rendent le conflit plus douloureux, plus intense et plus complexe à résoudre. En effet, le désaccord ne reste pas limité à la sphère professionnelle mais s’étend également à la sphère privée. Par ailleurs, il est plus difficile à traiter dans la mesure où les individus sont impliqués personnellement et manquent de recul sur la situation.
Lorsque chacun défend son intérêt et qu’aucun compromis ne semble possible, comment sortir de l’impasse ? La solution est d’échapper au huit-clos et à l’affrontement personnel. D’abord, en impliquant des parties-prenantes : alliés, amis, supports… pour élaborer conjointement des solutions et effectuer des choix de manière collégiale. Attention, cependant, à ne pas impliquer des collaborateurs et à ne pas les mettre en position d’arbitre. En revanche, il convient d’avoir recours à un tiers externe (médiateur, consultant…) qui possède l’objectivité nécessaire pour jouer un rôle d’intermédiaire, pour considérer la situation de manière distanciée et apporter un regard neuf sur les raisons du conflit. Egalement, il convient de se poser la question de ce qui est souhaitable pour l’entreprise : les choix ne doivent pas être faits en fonction des individus et de leurs aspirations personnelles, mais en fonction de l’intérêt d’une organisation et d’un patrimoine communs.
Mémoire et transmission
Gérer l’ « après-conflit » est aussi important que de savoir gérer le conflit. Il faut s’assurer que les engagements pris soient respectés par l’ensemble des acteurs concernés, pour éviter un réveil des tensions. La rédaction d’une charte familiale peut être un bon exercice pour acter et sécuriser certaines décisions et pérenniser les grands principes qui ont mené à la résolution du conflit. La charte joue un rôle de garde-fou et garantit l’harmonie familiale sur le long terme.
Il est également important de laisser une trace pour les générations suivantes : pour transmettre les enseignements que l’on a pu tirer du conflit et éviter ainsi que les mêmes erreurs ne se reproduisent. Mais aussi pour exposer le process qui a fondé la légitimité de la décision. Par exemple, un livret peut retracer l’histoire de manière objective et permettre aux successeurs de mieux comprendre et d’adhérer aux choix faits à un moment donné de l’histoire de leur entreprise.
Le conflit est une problématique centrale et récurrente pour les entreprises familiales : la coexistence de plusieurs générations à la tête de l’entreprise, la forte dimension émotionnelle qui caractérise les liens de certains membres et les conflits d’intérêts contribuent souvent à exacerber les tensions. Susceptible de déstabiliser l’entreprise et de nuire à son bon fonctionnement, le conflit peut en même temps ouvrir la voie à des relations plus saines et renouveler un modèle de manière positive.
Ce sujet a fait l’objet d’une table ronde lors de la dernière édition du séminaire des 24 Heures des Nouvelles Générations.
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