Les directions achats, par leur fonction d’interface entre l’entreprise et son écosystème direct, ont un rôle majeur à jouer dans la transformation des filières vers des pratiques durables et dans la préservation de nos ressources. De nombreuses entreprises ont ouvert la voie, en allant au-delà de la simple gestion des risques pour élaborer de véritables plans de progrès. Un rôle de plus en plus clé qui révolutionne le monde des achats et … change le monde.

Une règlementation et des normes de plus en plus fortes

Depuis quelques années, la pression s’accroit en matière de gestion des risques environnementaux, ce qui se traduit de plus en plus dans la règlementation et les normes.

Ainsi, en juin 2016, les institutions européennes ont trouvé un accord sur une future règlementation encadrant l’importation de certaines ressources minérales, parfois associées au financement de groupes armés ou à des violations graves des droits humains. Ce règlement contraindra les entreprises de l’Union Européenne qui importent de l’étain, du tantale, du tungstène et de l’or, à procéder à un contrôle de leur chaine d’approvisionnement. Suite à cet accord politique, des discussions techniques doivent désormais être menées afin de finaliser le dispositif, qui devra alors être approuvé par le Parlement Européen.

En 2017, le devoir de vigilance pose le cadre d’une meilleure supervision des fournisseurs et fait porter au donneur d’ordre final la responsabilité des pratiques peu vertueuses de ses sous-traitants.

La France a par ailleurs défini un plan national d’action pour les achats publics durables. Dans le cadre de ce plan, à l’horizon 2020, 25% des marchés passés chaque année devront comprendre au moins une disposition sociale et 30% de ces mêmes marchés comprendront au moins une disposition environnementale.

Enfin, en continuité avec les recommandations de la norme ISO 26000, la norme ISO 20400 sur les achats responsables a été publiée en 2017. Cette nouvelle norme a le mérite de donner un cadre commun international sur les bonnes pratiques d’achats responsables.

D’une approche par la gestion des risques à une vision plus créative de valeur

Une étude menée par l’ADEME a mis en évidence les bénéfices d’une politique d’achats responsables.

Les bénéfices sont économiques, d’abord, grâce au coût du cycle de vie des produits et à l’optimisation des besoins en matières premières. En moyenne, les entreprises participantes estiment que leur retour sur investissement en matière d’achats responsables intervient dans les 24 mois. Retenons quelques chiffres : 280 k€ économisés grâce à l’investissement dans une chaudière biomasse, 10% à 20% de gain en productivité grâce à une innovation fournisseur ou encore des millions d’euros économisés en réduisant les appels d’offres publics grâce à la mise en place d’une filière « propre ». La méthode « Total Cost of Ownership » prenant en compte les coûts indirects (l’entretien et la maintenance, les retards de livraison…) et les externalités (les émissions de CO2 par exemple) permet de se rendre compte qu’acheter au prix le plus bas n’est pas toujours la solution la plus économique… Cette méthode révèle en effet les coûts cachés, qui existent bel et bien pour l’entreprise mais ne sont pas pris en compte dans le prix d’achat.

Les bénéfices d’une politique d’achats responsables sont également environnementaux, sociaux – grâce à des actions créatrices d’emplois – et opérationnels – grâce à l’optimisation de processus existants et à l’innovation. Lesieur a ainsi diminué de 48% ses émissions de gaz à effet de serre grâce à une innovation packaging.

Ils permettent enfin à une organisation de soigner son image, grâce à la communication des résultats, et d’entretenir des relations pérennes avec ses fournisseurs.

La concertation, au cœur des plans de progrès mis en œuvre par les directions achat des entreprises

Ces nouveaux enjeux transforment en profondeur la fonction achat et requiert de développer des modes de fonctionnement nouveaux. Ainsi, certaines directions achat sont entrée dans un processus de démarche de progrès concertée. Lancé à travers un travail d’écoute et d’échanges avec les fournisseurs, mais aussi avec d’autres partenaires comme les ONG ou les acteurs publics, ce processus de co-construction permet de construire des plans d’amélioration nourris, exigeants et pragmatiques. L’ONG Bloom et le groupement des Mousquetaires se sont ainsi associés en 2016 pour mettre un terme à la pêche en eaux profondes, pratiquée par les fournisseurs du groupe. Résultat : un plan « pêche durable 2025 », destiné à abandonner le chalutage en eau profonde et la construction d’une filière pêche exemplaire à l’horizon 2025.

C’est ce même esprit de concertation qui a conduit l’entreprise Nespresso à s’associer avec des acteurs du tri et les collectivités publiques, pour financer l’achat des machines nécessaires au recyclage de ses célèbres capsules. De son côté, le groupe McDonald’s s’est appuyé sur des coopératives, des industriels, des représentants des produits phytosanitaires ou encore l’INRA pour définir les bonnes pratiques appliquées par l’ensemble de ses fournisseurs.

Face à la pression des ONG et au risque de réputation qui en découle, les entreprises sont passées d’une simple logique de conformité à une logique de progrès, co-construite avec les fournisseurs. Avec, à la clé, innovations, bénéfices économiques et réels impacts positifs sur l’environnement et la société… La révolution de la supply chain est en marche !