Interview croisée entre Christophe Dolique, CEO de Lyf, et Julien Maldonato, associé Deloitte Conseil spécialisé dans les innovations au sein des institutions financières.

 

Pouvez-vous nous présenter l’activité de Lyf ?

Christophe Dolique : Lyf est une fintech française, créée en 2017 et née d’un constat : l’omniprésence du smartphone fait évoluer de façon radicale nos comportements de consommation et donc de paiement. Face à cette évolution, les grandes enseignes, professionnels indépendants et restaurateurs, doivent s’adapter rapidement. La crise sanitaire n’a fait qu’accentuer cela et renforcer la place du digital dans nos vies. Dans ce contexte, l’ambition de Lyf est d’aider les marchands à tirer parti de la digitalisation et du mobile pour offrir de nouvelles expériences d’achat innovantes et enrichir la connaissance client afin de développer une animation commerciale personnalisée.

 

Vous comptez parmi vos actionnaires de grandes banques (BNP Paribas, Crédit Mutuel Alliance Fédérale), et de grandes enseignes (Auchan, Casino). Cela constitue-t-il une force pour votre développement ?

Christophe Dolique : Notre enjeu est de créer un écosystème, à la frontière entre les services financiers et le monde marchand. Pour réussir, il est important de fédérer les différents acteurs contribuant à son développement, dans un modèle gagnant-gagnant, respectueux de chaque partie. La gouvernance de Lyf est une illustration de cette nouvelle approche, où les intérêts de l’ensemble des participants sont garantis et s’inscrivent dans le temps long.

 

Selon vous, le wallet constitue-t-il l’avenir du paiement ?

Christophe Dolique : Oui ! Les modes de consommation changent : nous allons vers une digitalisation de plus en plus forte et le développement de nouvelles expériences d’achat omnicanales devient incontournable, que ce soit en magasin, en ligne ou sur mobile. La seule façon de répondre à ces nouvelles demandes c’est de dématérialiser l’ensemble du parcours de paiement et d’encaissement afin de le rendre fluide, complet et le plus personnalisé possible. Seul un wallet, multi moyens de paiement (carte bancaire, titres restaurant, instant payment, …), multi supports (cartes de fidélité, bons de réduction, tickets dématérialisés, …) et multi services à valeur ajoutée (paiement à table, Scan & go, …) permet de répondre à ces évolutions. De plus, si ce wallet est accepté chez la majorité des enseignes et marchands, les utilisateurs bénéficient d’une expérience tout-en-un qui couvre tous leurs paiements et achats du quotient, réunis en une seule application.

Dans cette approche, le wallet permet de collecter et d’organiser un certain nombre de données afin d’enrichir la connaissance client et de créer de la valeur pour les enseignes. Il leur permet ainsi d’être encore plus pertinentes dans la personnalisation de leur relation commerciale, le tout avec l’accord explicite des utilisateurs, en conformité avec la réglementation française et européenne en matière de protection des données.

Ainsi Lyf a fait le choix d’offrir un wallet, point d’entrée vers une multitude de nouvelles expériences d’achat du quotidien, au bénéfice partagé des utilisateurs et des enseignes.

Julien Maldonato : En effet, encapsuler un ensemble de services à valeur ajoutée dans une interface unique est clef. C’est d’ailleurs le modèle de super App que les géants chinois tels qu’Alipay ont adopté, et qui se développe maintenant en Europe et en France. Cette interface unique permet de proposer aux commerçants et aux consommateurs les services répondant à leurs besoins en amont et en aval de l’acte d’achat. Le paiement ne se suffit pas à lui-même, la clef réside dans la capacité à l’inscrire dans un parcours orchestrant des services à valeur ajoutée, dans une logique d’Open Banking.

 

Pour quelle raison avez-vous décidé de développer le paiement par QR Code ?

Christophe Dolique : Notre wallet est agnostique du moyen de paiement : il permet de régler ses achats avec le sous-jacent de paiement de son choix : carte bancaire, titres restaurant, et prochainement, pourquoi pas, en instant payment ou autre. Il permet même d’associer en une seule transaction plusieurs moyens de paiement et de les combiner aux autres éléments constitutifs de l’encaissement : fidélité, bons d’achat, tickets …

Pour y parvenir, nous avons dû revoir la façon de s’intégrer avec les environnements des commerçants. Nous avons fait le choix d’utiliser le QR code, qui est une technologie générique, très efficace, qui fonctionne quels que soient les smartphones et les lecteurs utilisés et qui offre une grande flexibilité de cas d’usage. Il permet par exemple :

  • d’identifier un consommateur et de déclencher son paiement : le client présente son QR code personnel, il est scanné par l’hôte de caisse, ce qui génère la transaction.
  • d’initier l’accès à un service : le client scanne le QR code collé sur la table du restaurant, il accède à son addition et la paye en tout autonomie.

Julien Maldonato : le paiement par QR code, très utilisé en Aise pour payer via Wechat et Alipay, est encore peu développé en France même si le COVID a accéléré son adoption notamment au travers du QR Code du pass sanitaire, pour accéder sans contact aux cartes des restaurateurs et payer l’addition à table. Le développement du paiement par QR code est intéressant dans la mesure où il permet aux commerçants d’accepter les paiements sans équipement particulier (pas de terminal de paiement à mettre en place), est compatible avec la majorité des smartphones, limite le nombre d’intermédiaires nécessaires pour processer le paiement entre le payeur et le payé, et sa capacité de stockage d’informations permet de transférer des données complémentaires au paiement (par exemple transférer les données de fidélité pour appliquer directement une réduction à l’addition). Le QR Code pourrait donc constituer une alternative intéressante au paiement sans contact NFC communément utilisé en France.