Le bon fonctionnement d’une entreprise familiale repose avant tout sur la cohésion et la solidité des liens qui unissent les différents membres de la famille dirigeante. Cette cohésion peut être mise à mal, notamment en période de succession. Lorsque les générations se succèdent et se multiplient, la famille a besoin d’un document qui pose un cadre aux relations intrafamiliales et aux relations de la famille avec l’entreprise. Ce document – la charte familiale – est actuellement utilisé par 35% des entreprises familiales. En quoi consiste-t-elle ? Pourquoi l’utiliser ? Que contient-elle ?

Une charte familiale : pour quoi faire ?

La 30ème réunion du Club Jeune Génération, consacrée au thème de la transmission, a montré que le passage d’une génération à une autre pouvait être un moment d’intenses changements et d’instabilité, au cours de laquelle les membres de la famille peuvent éprouver le besoin de se référer aux règles qui régissent leurs relations. De nombreuses questions peuvent se poser : quel rôle pour les descendants dans la gestion de l’entreprise ? Quels droits et devoirs pour chacun ? Quelles rémunérations ? Quelle intégration des conjoints au sein de l’entreprise ? Quelle politique de recrutement ?…

La charte familiale est l’un des outils les mieux adaptés pour accompagner et formaliser cette réflexion, qui vise à clarifier et organiser. Son élaboration a principalement pour objectifs :

– Anticiper ou traiter d’éventuels conflits. Points de vue divergents sur la stratégie d’entreprise, rivalités, mauvaise communication, projets différents, rôles mal définis… Les motifs de discorde entre les membres de la famille peuvent être nombreux et porter préjudice à la bonne santé de l’entreprise. La charte familiale est un excellent moyen de prévenir ces conflits en posant les règles du jeu au préalable, dans un cadre serein. Les règles qui y sont énoncées, et validées par l’ensemble de la famille, font autorité en cas de conflit. Lorsque les désaccords sont présents au moment de sa rédaction, la charte peut-être le révélateur des tensions existantes. Elle permet l’expression de non-dits et jouer un rôle d’exutoire. La médiation d’un tiers neutre, indépendant et tenu au secret professionnel est un atout pour les familles qui souhaitent mener un processus rigoureux et « dépassionné ». Ce tiers peut organiser des séances de travail individuelles et collectives, proposer un calendrier adapté aux enjeux familiaux, rédiger une base de travail et apporter des éclairages et des exemples issus de l’histoire d’autres familles.

– Mieux se connaître, se rapprocher et renforcer les liens. L’élaboration de la charte est un processus participatif qui doit impliquer tous les membres de la famille (y compris ceux de l’ancienne génération) pour que les engagements pris soient durables. Les négociations et les discussions qu’elle génère sont une occasion privilégiée de dialogue et d’échange, au cours desquelles les membres de la famille apprennent à travailler ensemble. Au-delà de la simple définition de nouvelles règles, la charte permet de souder le groupe familial et de créer un sentiment d’appartenance. Cette cohésion est indispensable au bon fonctionnement et à la pérennité de l’entreprise.

Poser des directions claires pour la nouvelle génération. Pour les enfants qui reprennent les rênes de l’entreprise, l’élaboration d’une charte familiale est l’occasion de mettre les choses à plat, de s’interroger sur des pratiques inadaptées ou des conflits latents et de repartir sur des bases saines. La charte représente symboliquement le passage à une nouvelle ère de l’histoire familiale.

Se mettre d’accord…oui, mais sur quoi ?

Le contenu de la charte varie d’une entreprise à l’autre. On y retrouve généralement quatre grands thèmes, qui sont autant d’engagements pour la famille :

– L’ADN de la famille. La philosophie de la famille, ses valeurs, ses objectifs, son histoire et sa vision du futur peuvent être consignés dans une charte.

– Les règles de gouvernance. La charte peut avoir pour vocation de préciser la composition et l’organisation de l’assemblée familiale, du conseil de famille et/ou du conseil d’administration : quels pouvoirs pour ces différentes institutions ? Qui peut y avoir accès ? Quelle fréquence et quels lieux de réunion ?

– Le rôle de chacun au sein de l’entreprise familiale. Lors d’une succession, et surtout lorsque les descendants sont nombreux, il est indispensable de bien répartir les rôles au sein de l’entreprise et de préciser le contenu de chaque poste ou de chaque situation dans l’organisation (dirigeant de l’entreprise familiale, membre du conseil d’administration, actionnaire simple…). La charte permet de déterminer formellement les rôles et les missions de chacun et de donner aux différents membres une légitimité et une place définie au sein de l’entreprise.

– Les règles d’intégration de nouveaux membres. Quelle est la politique de recrutement familiale ? Quelle grille de rémunération retenir ? Quelles sont les modalités d’intégration des conjoints au sein de l’entreprise familiale ? Comment former et accompagner les nouvelles générations ? La charte définit les conditions requises pour qu’un membre de la famille puisse entrer dans l’entreprise ou accéder à une fonction de direction, ainsi que le calendrier de retrait des dirigeants en poste.

La charte familiale ne se limite pas à ces thématiques. La charte doit être adaptée aux préoccupations et à l’histoire de chaque famille. Son contenu est amené à évoluer : la charte est un document vivant, en perpétuel mouvement et les engagements qui y sont pris doivent évoluer avec les étapes de la vie de la famille et de l’entreprise.