La loi Sapin II : une révolution législative française attendue
Publié le 09 septembre 2016
Article co-écrit par Karl Payeur, Associé, Deloitte Forensic et Marc Duchevet, Associé, Risk Advisory.
Adopté en première lecture par l’Assemblée Nationale le 14 juin 2016, le projet de loi Sapin II relatif à « la lutte contre la corruption et la transparence de la vie économique » a été remanié et adopté en première lecture par le Sénat le 8 juillet 2016, et sera examiné en session extraordinaire du Parlement à la fin septembre 2016. Ce projet de loi, qui s’inscrit dans une démarche de renforcement de la réglementation nationale en matière de lutte contre la corruption, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, est une véritable révolution dans la législation française.
Dans le cadre du projet de loi Sapin II, toutes les entreprises de plus de 500 salariés et les sociétés appartenant à un groupe de plus de 500 salariés dont le chiffre d’affaires est supérieur à 100 millions d’euros seront soumises à de nouvelles obligations de prévention de lutte contre la corruption. Ce dispositif se fait l’écho d’une démarche plus globale à l’échelle européenne. En effet, l’adoption de la directive européenne 2014/95/UE relative à la publication d’informations non financières prévoit que les sociétés de plus de 500 salariés rendent compte des instruments en vigueur pour lutter contre la corruption. Devant être transposée au plus tard le 6 décembre 2016, cette directive sera applicable à partir du 1er janvier 2017.
Le projet de loi Sapin II exige de la part des entreprises concernées la mise en place d’un programme de conformité interne approprié. Ces dernières devront donc établir une cartographie des risques de corruption pour déterminer le niveau de vigilance et le dispositif adéquat à mettre en œuvre. En parallèle, elles seront tenues d’élaborer un code de conduite, de concevoir un dispositif d’alerte interne et d’établir une procédure de vérification de l’intégrité des tiers (clients, fournisseurs, partenaires et autres tiers) inclue au sein d’un programme complet de gestion et de criblage des tiers. Le programme de conformité devra également être complété par un programme de formation adapté au profil des collaborateurs.
Dans ce contexte de normes juridiques surabondantes qui exigent indirectement un recueil et une gestion croissante de données diverses, l’interaction entre systèmes d’information et programmes de conformité est primordiale. Cette interaction garantit la flexibilité et la transparence des dispositifs, leur cohérence avec la cartographie des risques établie et leur auditabilité.
Le projet de loi propose également la création d’une Agence de prévention de la corruption, future remplaçante de l’actuel Service Central de Prévention de la Corruption (SCPC). Disposant de pouvoirs de prévention et de contrôle étendus, elle pourra notamment contrôler la conformité des plans de prévention et de détection de la corruption en entendant toute personne, en consultant tout document et en effectuant des contrôles sur place. Cette agence aura également pour mission de sensibiliser et diffuser des lignes directrices à destination des institutions et des acteurs économiques.
Enfin, la création d’un statut général et d’un régime de protection des lanceurs d’alerte est envisagée. L’exigence d’un dispositif d’alerte interne destiné à permettre le recueil des incidents est clairement indiquée. Ces nouvelles dispositions sont saluées par une majorité des parties prenantes comme permettant l’élaboration d’un outil efficace de lutte contre la corruption transnationale.
Inspirée des Deferred Prosecution Agreements américains proposés aux entreprises en cas de non-conformité, la loi Sapin II propose également la mise en place d’une transaction judicaire validée par le juge judiciaire, et dont le montant pourrait aller jusqu’à 30% du chiffre d’affaires annuel moyen, calculé sur les trois derniers exercices connus à la date des manquements constatés. Le projet de loi prévoit la possibilité d’insérer dans cette convention l’obligation de mettre en place un programme de conformité, sous le contrôle de l’Agence de prévention de la corruption, pour une durée maximale de trois ans. Cette obligation n’est pas sans rappeler la surveillance effectuée par les moniteurs en cas de condamnation américaine ou anglaise.
Bien que le projet de loi ne soit pas encore définitivement adopté, les entreprises soumises à la loi Sapin II doivent agir dès à présent pour garantir la mise en conformité de leur dispositif. Un programme de conformité solide, adéquat et complet est un gage de confiance pour toute entreprise. Le défi sera de développer un programme exhaustif, adapté aux entreprises concernées, répondant aux termes de la future loi française et aux obligations des autorités nationales dans lesquelles opèrent les groupes assujettis.
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