Société

La « silver opportunity » des groupes de protection sociale et des mutuelles

La concentration du marché et la maîtrise des coûts ne sauraient être les seules réponses au défi de l’ultra-concurrence entre les organismes de protection sociale. Une autre voie, celle de la différenciation par les services, mériterait d’être explorée plus avant. Un segment de clientèle s’y prête tout particulièrement : celui des baby boomers, futurs seniors, très en demande de solutions pour prévenir et accompagner les effets du vieillissement. Les groupes de protection sociale et les mutuelles sont idéalement positionnés pour s’engager dans la « silver economy » avec des offres innovantes.

La démographie sera au cœur des enjeux de santé des Français.

Le vieillissement de la population française est l’une des tendances de fond qui va redessiner le secteur de la santé dans les décennies à venir. Un seul chiffre suffit à en prendre la mesure : entre 2017 et 2030, la population des +65 ans va croître de 3,7 millions d’individus[1], soit davantage que la population française dans son ensemble. C’est un peu comme si on ajoutait une quatorzième région, peuplée uniquement de seniors !

Selon le point de vue duquel on considère cette évolution, les implications sont bien sûr très différentes. Pour les individus, qui profitent d’une longévité accrue, dont l’essentiel en bonne santé, c’est une excellente nouvelle. Pour ceux qui gèrent notre système de soins, c’est un casse-tête : les personnes âgées consomment trois fois plus de soins que la moyenne[2]. Difficulté subsidiaire : avec un grand nombre de départs en retraite, le nombre de médecins par habitant va chuter[3]. Les grands équilibres opérationnels et financiers de la santé auront du mal à être préservés.

Et pour les organismes de protection sociale ? Pour eux, le point de vue est plus nuancé. Il leur faudra évidemment réfléchir aux mécanismes de mutualisation et à la structure des cotisations, sachant que les remboursements de leur clientèle âgée vont croître en décalage avec leur pouvoir d’achat de retraités. Mais, à l’inverse, ils auront aussi des opportunités à saisir, s’ils s’attachent à répondre aux besoins spécifiques de cette clientèle.

Les baby boomers expriment deux attentes fortes : bien vivre, bien vieillir.

Deloitte a récemment interrogé les Français sur leurs attentes en matière de santé. L’un des enseignements de cette étude est le souhait exprimé par une majorité de la population d’axer davantage les soins sur la prévention et l’accompagnement au bien vieillir. L’enquête étant menée depuis plusieurs années, on peut observer que cette tendance ne cesse de se renforcer au fil du temps. Et cette tendance est tout particulièrement marquée chez les baby boomers et les seniors.

Ainsi, les plus de 50 ans sont 96 % à se déclarer favorables à la médecine préventive, ce qui en fait la catégorie de population la plus ouverte à cette forme de soins. Ils lui attribuent les mérites d’améliorer la qualité de vie, d’allonger l’espérance de vie et de retarder l’âge d’entrée en dépendance – davantage que la moyenne des Français.

Au-delà des perceptions, les baby boomers sont également ceux qui associent le plus la parole aux actes. Ils sont les plus assidus dans presque toutes les pratiques préventives : sport, contrôle du poids, hygiène alimentaire, dépistage, etc.

Enfin, quand les effets de l’âge ne peuvent plus être retardés, ils expriment le souhait qu’on les aide à rester au domicile. Et sont, pour cela, prêts à adopter des solutions technologiques de pointe. Ainsi, 59% des +50 ans jugent qu’il faudrait favoriser la prise en charge des patients par le biais de solutions de santé connectée et de la télémédecine. Ils sont d’ailleurs 6 % à déjà bénéficier d’un suivi via des appareils électroniques connectés à Internet.

Les complémentaires santé peuvent se différencier par une offre adaptée.

Parmi les différents acteurs qui pourraient répondre aux besoins latents des baby boomers, les organismes de protection sociale disposent de nombreux atouts à faire valoir, à commencer par une légitimité certaine aux yeux de leurs clients.

Certains ont d’ailleurs commencé à le faire, puisqu’ils ont élaboré des offres ciblées à destination des seniors ou futurs seniors. Mais pour l’heure, c’est surtout sur la tarification et les ratios sinistres sur primes qu’ils se sont concentrées, permettant parfois de premières avancées en abandonnant parfois les limites d’âge à la souscription, ou bien en renforçant les garanties sur l’optique, les prothèses dentaires et auditives, qui constituent des postes de coûts importants pour les patients âgés.

Il faut désormais aller au-delà et prendre conscience que les attentes des assurés vont au-delà, et concernent aussi les services et les opportunités offertes grâce aux technologies de l’e-santé. Ainsi, en matière de prévention, 21 % des +50 ans interrogés par Deloitte estiment que les mutuelles devraient les accompagner davantage. C’est plus que toute autre catégorie d’acteurs, hors professionnels de santé. Les services plébiscités par les clients ? Le dépistage, des conseils et un accompagnement personnalisé dans la durée. Mais les souhaits portent aussi sur l’aide face à la dépendance : 85 % des +50 ans attendent de leur complémentaire qu’elle les aide à bien vieillir, à travers des services d’aide à la personne et de maintien à domicile, par exemple, et 61 % se déclarent prêts à payer pour ce service.

[1] INSEE, Projections de population 2013-2070 pour la France, novembre 2016.
[2] CNAM, Le vieillissement des Français et leur consommation médicale : un enjeu majeur pour l’avenir du système de soins, 2013.
[3] DREES, La démographie médicale à l’horizon 2030 : de nouvelles projections nationales et régionales, février 2009.

Pour en savoir plus, n’hésitez pas à me contacter.

Jean-François est en charge de missions de conseil auprès des acteurs de la protection sociale. Il travaille notamment sur des sujets tels que la gestion de projets de partenariat et de rapprochement, la redéfinition d’organisations/de processus, la mise en place de systèmes d’information complexes et aussi, l’élaboration de plans stratégiques et de business plans. Avant d’entrer chez Deloitte en 2006, Jean-François a travaillé pour des compagnies d’assurance, des mutuelles, des IP et des courtiers dans le domaine des assurances de personnes.

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