La valeur de l’audit : le juste équilibre entre la technique et l’humain, par Bertrand Boisselier
Publié le 11 avril 2016
Bertrand Boisselier est associé senior transportation leader.
Il explique en quoi l’audit est au croisement de la « technique » et de « l’humain », et pourquoi ce métier est synonyme d’empathie.
La confiance selon Bertrand Boisselier
- Pour Bertrand Boisselier, la relation auditeur-audité porte en elle une profonde dimension humaine.
- Il pense que l’auditeur est indissociable du rôle de « critical friend » : celui qui peut dire des vérités, appuyer sur les points qui font mal.
- Selon lui, l’audit restera un mariage entre la technique et l’humain reposant sur la confiance.
A quoi reconnaît-on un « bon » audit ? Vaste question… Le métier d’auditeur est intimement lié à la notion de « tiers de confiance » ou de « partenaire de confiance ». Cette confiance entre l’auditeur et l’audité ne s’invente pas, elle se construit. Sur quoi se fonde-t-elle ? On pourrait penser, par facilité, qu’elle ne se décrète que sur une méthodologie ou un cadre réglementaire : je ne le crois pas.
Chez Deloitte, nous sommes convaincus que l’auditeur contribue positivement à l’équation de la confiance. Son rôle est essentiel pour témoigner auprès de tiers de la qualité des états financiers et de l’environnement de contrôle des entreprises. Sa signature est un acte de confiance qui se construit avant tout autour de trois valeurs fondamentales.
La première est l’excellence, qui en constitue le socle. L’auditeur doit apporter les preuves de son expertise et doit être irréprochable dans l’exécution de ses diligences.
La deuxième est le temps, indispensable à toute construction durable. Si l’excellence ne s’inscrit pas dans la durée, elle perd sa valeur.
La troisième, qui complète les deux autres, est la relation. Celle-ci se construit entre l’auditeur et son client lorsqu’ils ont traversé ensemble un certain nombre d’épreuves, de situations critiques et de choix techniques. Outre l’intime compréhension des enjeux stratégiques et opérationnels du client, cette relation porte en elle une empathie forte et une profonde dimension humaine.
L’auditeur est un rouage essentiel de la gouvernance et il travaille dans l’intérêt de la société en contribuant à son environnement de contrôle.
Cette connaissance intime des organisations et des processus, issue d’une relation de longue durée, permet à l’auditeur de se poser comme un véritable partenaire indépendant, et assure sa légitimité. D’expérience, c’est d’abord souvent par les discussions avec les dirigeants qu’apparaissent les points d’attention sur les comptes. La confiance a une véritable valeur : si elle est absente, la qualité de l’audit en est appauvrie.
En effet, fort de cette confiance, « l’audité » peut mieux anticiper et sécuriser les conséquences comptables de ses opérations complexes s’il les a soumis à ses auditeurs. Ainsi éclairé, il sécurise l’information financière communiquée au marché et peut éviter certaines conséquences comptables potentiellement destructrices de valeur pour les actionnaires si mal anticipées. Sans confiance, ceci est impossible.
Rappelons que l’audit consiste à donner une opinion sur les comptes et faire en sorte que l’information financière (et même extra-financière) communiquée au marché soit sincère. Et que les parties prenantes puissent avoir confiance dans ces informations. D’où l’importance de la confiance à tous les niveaux….
De l’importance du « critical friend »
La proximité de la relation nuancée par la distance imposée par la Régulation nous offre la posture du « critical friend », qui est déterminante. Le « critical friend » est celui qui sait et peut dire à un « ami » des vérités. Le mot « critical », formuler une critique, implique qu’un point de vue différent participe à un audit de qualité. Il s’agit d’un regard critique positif, constructif, porteur de sens. Donner un avis permet d’avoir des discussions approfondies et d’envisager des solutions. Pour un dirigeant, cela nécessite d’accepter un avis qui n’est pas forcément celui qu’il a envie d’entendre.
L’auditeur est par définition un contrôleur. On pourrait penser que ce contrôle risque d’engendrer une forme de défiance ou de frustration chez le client. Bien au contraire : l’auditeur ne peut gagner le respect du dirigeant qu’en mettant le doigt, avec précision, sur les points qui font mal. Sa démarche implique de proposer des recommandations opérationnelles qui permettent l’amélioration de la situation de l’entreprise.
L’auditeur est un rouage essentiel de la gouvernance et il travaille dans l’intérêt de la société en contribuant à son environnement de contrôle. C’est dans ce rôle qu’il peut établir une véritable relation de confiance avec les dirigeants. Il ne se place pas face à l’entreprise, dans une posture d’opposition, mais agit à ses côtés, tout en demeurant encore une fois indépendant.
Confiance ne veut pas dire connivence. La confiance implique de la recherche et de l’écoute pour trouver des voies et moyens d’amélioration. Dans certains cas, il faut s’opposer : une position difficile mais nécessaire.
La recherche de l’équilibre entre relation et technologie
Aujourd’hui, avec les contraintes réglementaires supplémentaires, la relation d’audit est en train d’évoluer d’un système fondé sur la relation et l’empathie, vers un modèle davantage axé sur la « compliance », ou le respect des normes. Il est important de rester vigilant sur ce point, et de trouver un équilibre en la matière. Les outils d’analyse et de testing, qui se développent à un rythme croissant, sont précieux et nécessaires, mais ne sont certainement pas suffisants pour assurer un audit de qualité. En abuser, c’est s’enfermer et manquer de recul sur l’environnement de contrôle d’une société pour formuler un jugement. C’est pour cette raison qu’il est essentiel de s’appuyer sur des personnes expérimentées, à même de prendre de la hauteur et d’identifier les points de faiblesse d’une entreprise.
La technologie est nécessaire en ce qu’elle donne à l’auditeur plus d’outils et de moyens que par le passé ; en revanche, il ne doit pas s’enfermer dans la technique au détriment de son jugement.
Nous pensons que la mission et le rôle de l’auditeur à venir demeureront fondamentalement inchangés par rapport à ce qu’ils étaient il y a vingt ans. En revanche, les méthodes, les profils et les périmètres d’intervention ont déjà changé. L’auditeur de demain doit avoir une connaissance accrue des business models, un champ d’expertise plus vaste, et ne pas hésiter à se déplacer sur le terrain. En effet, c’est là qu’il rencontre les décideurs opérationnels et peut comprendre leurs impératifs. Il doit s’entourer d’experts et avoir une plus grande acuité sur le plan technologique. Il comprendra mieux les flux internationaux ainsi que des problématiques complexes comme la gestion des risques environnementaux. La technologie est nécessaire en ce qu’elle donne à l’auditeur plus d’outils et de moyens que par le passé ; en revanche, il ne doit pas s’enfermer dans la technique au détriment de son jugement. L’auditeur doit pouvoir fonder son jugement grâce aux règles, leur application et à ses investigations. L’audit consiste in fine à délivrer une opinion.
Fondamentalement, je pense que l’audit restera un mariage entre la technique et l’humain reposant sur la confiance. Au cœur du métier d’auditeur, c’est elle qui donne de la force et du contenu à ce métier passionnant.