En 2015, conscients des enjeux de durabilité pour l’ensemble de la planète, l’ONU et les 193 pays signataires ont acté 17 Objectifs de développement durable (ODD) ou Sustainable Development Goals (SDG) à adresser d’ici 2030. Ces 17 ODD, qui touchent l’ensemble des activités humaines, ont été retravaillés dans la perspective sectorielle touristique de manière très intéressante. L’Organisation mondiale du tourisme a mis en place, fin juillet 2018, la plateforme « Tourism for SDGs ». Cette initiative vise à inciter l’ensemble des parties prenantes publiques et privées à contribuer, initier, porter des politiques et pratiques durables pour réduire les effets négatifs du tourisme en termes d’utilisation des ressources naturelles, d’infrastructures, de mobilité et d’enjeux socioculturels.

Parmi les gros enjeux auxquels le secteur doit faire face à court terme, relevons l’impact de nos émissions de gaz à effet de serre (GES) sur le climat (objectif 13) et la gestion/valorisation des déchets sur toute la chaîne de valeur des acteurs du tourisme, de l’hôtellerie et la restauration, avec un focus très particulier sur le plastique (objectif 12).

Aller au-delà de la simple adaptation au changement climatique…

L’objectif 13 des ODD annonce clairement l’inéluctabilité des aléas climatiques à venir et des catastrophes naturelles qui vont en découler. La plupart des pays, dont la France, se sont équipés d’un Plan Climat officiel (2017 pour la France) avec, en corollaire, un plan national d’adaptation au changement climatique qui vise le renforcement de la résilience des activités économiques face aux évolutions du climat.

Si l’adaptation vise à ajuster son activité aux changements climatiques afin d’en limiter les dommages, elle n’est pas suffisante et traduit un état de conscience qui, a posteriori, n’encourage pas l’engagement. Les démarches complètes visant la transformation des modèles économiques dans une perspective durable, l’adaptation transformationnelle, doivent intégrer la prévention, la connaissance fine des impacts sur un périmètre large (le fameux Scope 3 qui analyse les émissions directes et indirectes des activités).

Dans le secteur du tourisme, de l’hôtellerie et la restauration, cela signifie notamment de travailler avec toutes les filières agricoles en amont des achats et de la proposition de l’offre de restauration pour connaître l’origine des produits, acheter mieux et localement (via des partenariats), permettre aux producteurs de vivre de leur activité en réduisant les intermédiaires. L’analyse de toute la chaîne d’achat et de production est également essentielle afin de connaître et réduire la production de déchets inutiles, de repenser les usages pour éliminer toute forme de gaspillage, notamment alimentaire.

… une gestion efficace des déchets, qui passe en priorité par une politique de prévention et de valorisation ambitieuse

La question des déchets est centrale dans toutes les activités humaines, et le secteur du tourisme, de l’hôtellerie et la restauration est directement concerné. À titre d’exemple, le buffet du petit déjeuner, dans certains hôtels, a certes le mérite de réduire les coûts de main-d’œuvre et d’offrir un choix de restauration très large à une clientèle ravie, mais cela aboutit souvent à un gaspillage alimentaire parfois important. Une politique vertueuse de gestion des déchets nécessite une vraie réflexion incluant très en amont la prévention et la valorisation de tous les flux. C’est ce qu’ont compris certains acteurs de la restauration rapide qui doivent traiter plusieurs types de déchets : ceux issus des salles, considérés comme des déchets ménagers, et ceux issus des cuisines, assimilés à des déchets professionnels (les DAE ou déchets d’activité économique, les DIB, ou déchets industriels banals).

À titre d’exemple, McDonald’s France a constamment renforcé ses engagements depuis 1992. L’enseigne, consciente que son activité de restauration rapide, notamment la vente à emporter, est génératrice de déchets, a la volonté d’aller plus loin que la réglementation qui précise, dans le Livre V du Code de l’environnement, que chaque entreprise est responsable de la gestion des déchets qu’elle produit ou détient jusqu’à leur élimination ou valorisation finale.

McDonald’s a ainsi coconstruit et mis en place un plan déchets qui s’articule autour de trois priorités :
• l’écoconception des emballages, qui vise à réduire leur nombre, leur poids et leur volume, avec une sélection de matières d’origine renouvelables et/ou recyclées ;
• la lutte contre les emballages abandonnés sur la voie publique, en partenariat avec les collectivités locales ;
• la valorisation de l’ensemble des déchets produits, avec notamment le développement de filières nationales pour la collecte et la valorisation des cartons de livraison, des huiles de fritures, de l’aluminium ou encore de certains plastiques ; le déploiement, avec le concours de partenaires locaux, du tri sélectif des emballages en salle de restaurant et des déchets organiques produits en cuisine.

Le plastique, une nouvelle philosophie d’usage à imaginer rapidement

Le plastique, par sa diversité en termes de matériaux et de produits, est une problématique extrêmement complexe, renforcée par un très faible développement du recyclage des déchets plastiques en France. La raison en est la difficulté à capter les gisements, en quantité et en qualité, et l’incapacité à structurer une démarche globale permettant une meilleure adéquation entre l’offre et la demande, pour ouvrir de nouveaux marchés en faveur du plastique recyclé.

Et pourtant le plastique se glisse partout, même dans ce qu’on considère être un petit cadeau offert aux clients : petite bouteille d’eau en plastique mise à disposition dans les chambres, gobelets et pailles à emporter, emballage de protection des produits d’accueil, etc., le tout à usage unique.

La chasse au plastique est d’actualité même dans les établissements très hauts de gamme. À titre d’exemple, Relais & Châteaux partage, depuis 2014, les meilleures pratiques responsables et durables de ses Maisons grâce à une plateforme dédiée : Moving Forward. Pour anticiper les contraintes légales et répondre aux nouveaux usages et attentes de ses clients, l’association structure actuellement une stratégie RSE incitative à l’échelle de tout le réseau, dont la problématique du plastique.

Le plastique se retrouve en effet dans toute la chaîne de valeur d’un hôtel et d’un restaurant : les chambres, le lobby, la salle, la cuisine, le spa, la piscine, etc., sans oublier les fournisseurs et les prestataires. Le premier besoin est d’identifier, de localiser et de quantifier les types de plastique à usage unique. Ensuite, il convient de comprendre comment le client vit son expérience dans une Maison et à quelle étape de son séjour il est amené à rencontrer les différents types de plastique. En parallèle de ce travail opérationnel, une analyse des politiques d’achat et de recyclage permet de situer le niveau d’engagement d’un établissement.

Qu’il s’agisse d’hygiène, de qualité ou d’esthétisme, les enjeux sont complexes et toute démarche d’accompagnement du changement peut démarrer certes par des « quick wins », mais doit rapidement se traduire dans un changement d’attitude pour réussir à toucher le client final et les fournisseurs.

Au-delà des trois axes que sont le climat, la gestion des déchets et des plastiques, développés plus haut, ce sont les 17 objectifs et les 169 cibles portés par l’ONU en matière de développement durable qui impactent l’ensemble du secteur. Ces enjeux prioritaires sont fortement portés par tous les acteurs publics qui attendent de la part des entreprises des engagements concrets à fort impact. Il ne faut pas pour autant laisser pour compte d’autres enjeux majeurs latents tout aussi essentiels, comme le travail décent et le devoir de vigilance (risque social, risque d’image) ou encore le respect de la biodiversité marine et terrestre, ancrés dans des démarches agroécologiques au service d’une consommation responsable.