Les fintechs ou comment faire de la crise une opportunité
Publié le 15 juin 2020
Article co-écrit avec Chloé Dreher, Claire Palmier et Elsa Mallein-Gerin, Consultantes FSI.
Du fait de leur modèle économique fondé sur l’innovation, d’une rentabilité fragile au démarrage et la nécessité de trouver rapidement des financements pour se développer, l’impact du Covid-19 semblait s’annoncer, en début de crise, considérable sur les fintechs. Certains consommateurs ont, de fait, préféré se tourner vers les banques traditionnelles pour les accompagner dans un contexte d’insécurité. Toutefois, les fintechs semblent pouvoir se tourner sereinement vers l’avenir, en capitalisant sur leur agilité, leur souplesse et leur capacité d’open innovation. Ces trois caractéristiques deviennent leurs principales armes dans cette crise – désormais économique – et les accompagnent pour allier rentabilité et croissance rapide.
Sur quels atouts les fintechs peuvent-elles compter pour faire face à la crise ?
Les fintechs capitalisent sur leur agilité et leur proactivité…
Les fintechs ont pu s’appuyer sur l’agilité de leurs modes de travail pour faire face rapidement aux problématiques liées au travail à distance en période de confinement.
Une adaptation facilitée par des habitudes déjà ancrées dans leur culture d’entreprise : « Nos équipes service client sont déjà habituées à travailler à distance », précise Luko, l’assureur habitation 100% digital. Les fintechs disposent déjà des outils de travail à distance nécessaires à leur activité (salles de réunions virtuelles, optimisation des applications de brainstorming à distance, …) et leur structure horizontale facilite le management à distance.
Conscientes de l’importance du soutien de leurs investisseurs, les fintechs ont également rapidement revu leur manière de fonctionner et ont mis en place une communication plus rapprochée avec ces derniers afin de s’assurer de leur confiance.
Enfin, les fintechs ont su conserver un lien fort avec leurs clients, et même attirer leur attention par la mise en place de campagnes de communication spécifiques liées l’actualité. Mon Petit Placement a ainsi multiplié les contenus pédagogiques et questions / réponses sur les sujets de l’épargne en lien avec la Covid-19, que ce soit via sa page LinkedIn ou sa Newsletter, ludique et d’actualité (« Connais-tu le point commun entre papier toilette et épargne ? ») pour acculturer leurs clients à l’épargne de précaution. De nombreuses fintechs ont adapté leur business model pour répondre aux besoins précis de leurs clients et s’adapter à leurs contraintes. Lydia a ainsi développé un dispositif spécial à destination des professions médicales libérales, pour optimiser les téléconsultations en permettant aux patients de payer en ligne. PayLead a créé des indices sur la consommation des Français pour aider les marchands à comprendre les tendances pendant la crise et adapter leur business.
… et peuvent compter sur le soutien de leur écosystème
L’Etat français, aux côtés de l’organisme BpiFrance, a développé un plan d’aide aux start-ups de près de 4 milliards d’euros. Ce plan inclut notamment le lancement du plan French Tech Bridge d’une valeur de 80 millions d’euros, destiné à assurer les bridges entre deux levées de fonds et ainsi maintenir les levées de fonds.
Les accélérateurs et les incubateurs se sont eux aussi mobilisés pour accompagner les fintechs et assurer un suivi de leurs activités. Un grand nombre d’entre eux ont fait le choix de se positionner comme acteur conseil et proposent des programmes d’accompagnement spécifiques à la gestion de la crise en faisant intervenir un panel d’experts dans divers domaines (finances, marketing, …) afin de couvrir tous les besoins des fintechs dans cette période. Par ailleurs, fortes de leur portefeuille, ces structures favorisent les échanges entre leurs fintechs et leur permettent de partager leurs bonnes pratiques via des webinars.
Comment faire de la crise une opportunité ?
Selon un rapport que vient de publier UBS à l’usage des investisseurs, « malgré la pandémie, la fintech n’enregistre pas de baisse de régime » et « dans ce contexte, nous pronostiquons que la fintech va générer des opportunités de croissance à deux chiffres dans les prochaines années ». Le rapport précise par ailleurs que « la pandémie accélèrera probablement la transition vers les solutions digitales basées sur la fintechs ». L’expérience du confinement a vraisemblablement confirmé la forte demande pour les services digitalisés, nomades et rapides. Ce sont les acteurs qui proposeront les solutions digitales les plus différenciantes qui sortiront gagnants de cette crise, en particulier les fintechs qui seront en mesure de proposer des innovations technologiques (IA, Big Data, etc.) et qui sauront mettre à disposition des offres à forte valeur ajoutée, adaptées aux nouvelles normes sanitaires et au contexte de crise économique.
Tirer parti de la montée en puissance du « digital only »
La crise liée à la Covid-19 a renforcé la digitalisation des services financiers : « le web devient enfin un vrai canal d’acquisition » déclare Steve Fogue, CEO de Particeep.
Les acteurs de la fintech connaissant le plus fort pic d’activités pendant la crise sont les plateformes de crédits/prêts en ligne (B-to-C : Zola par exemple et B-to-B) ainsi que les acteurs digitaux de prêt hypothécaire. Les néo-banques et acteurs du paiement, qui connaissent pour l’instant une période difficile avec la chute importante du nombre de transactions et donc des commissions, arrivent cependant à tirer leur épingle du jeu grâce à la multiplication des transactions en ligne. C’est le cas de Stripe qui a annoncé une levée de fond de 600M$ en pleine crise sanitaire.
Par conséquent, le champ des possibles est vaste pour les solutions de KYC / KYS et de lutte contre la fraude, qui répondent au besoin d’augmenter la connaissance et reconnaissance client / fournisseur lors des transactions en ligne.
Enfin, cette normalisation du digital only permet le développement du selfcare chez le client, comme en témoigne l’assureur Luko : « on a même développé des petits tutos pour aider les gens à faire les premières réparations seuls, par exemple « comment gérer un dégât des eaux sans plombier ? » .
Capitaliser sur la demande d’hyper personnalisation et d’offre « on-demand »
Ce contexte de crise sanitaire et économique demande plus de souplesse et de flexibilité de la part des fintechs et le secteur pourrait évoluer vers des offres personnalisées. Grâce à des dispositifs connectés, notamment chez les assureurs d’abord. A titre d’exemple, Wilov, assurance auto à l’usage enregistre une augmentation de ses souscriptions pendant la période de confinement : les clients ne paient plus que l’abonnement mensuel fixe et ajoutent, en cas de conduite, le tarif journalier.
Grâce à l’utilisation des nouvelles technologies et notamment grâce à l’Intelligence Artificielle, ensuite. Les fintechs développant par exemple des solutions de cashback telle que PayLead devraient voir leurs opportunités s’accélérer, car elles répondront aux nouvelles attentes clients de sur-mesure et permettront aux commerçants de relancer leur activité de façon ciblée et efficace.
Diversifier ses services
Enfin, les fintechs peuvent tirer parti de la situation pour poursuivre leur croissance en diversifiant leurs services notamment par l’acquisition de fonctionnalités qui pâtissent de la crise. Par exemple, la néo-banque Revolut envisage actuellement l’acquisition d’un comparateur de vols (en espérant profiter de bas prix liés à la crise) pour développer une offre d’agrégation de voyages. Son CEO Nikolay Storonsky s’est récemment exprimé sur le sujet : « les agrégateurs de voyages connaissent de vraies difficultés avec la crise – nous pourrions envisager d’en racheter un pour vendre des billets, tout en étant 10 à 15% moins cher que tous les concurrents ».
Plus que jamais, le digital va s’imposer comme une norme dans la relation qui unit clients et acteurs des services financiers. Avec comme conséquence probable le renforcement des partenariats entre institutions financières et fintechs : les banques et assureurs pourront rassurer par leur image de tiers de confiance tandis que les fintechs permettront aux acteurs traditionnels lourds d’un SI peu adapté au changement de bénéficier des solutions plus flexibles et complètes.