Où est donc passée l’inflation ?
Publié le 15 novembre 2017
Dans les prix des actions, des obligations, de l’immobilier, dans les œuvres d’art (ou vendues comme telles), mais pas dans l’inflation courante, pas dans les salaires – en tout cas pas encore. Et pourtant, c’est ce que cherchent à obtenir la Fed et la BCE, les banques centrales américaine et de la zone euro. Elles sont même devenues méconnaissables, dans leur rôle (récent) de « fautrices d’inflation» !
L’inflation dans les actions ? Et oui : l’indice de la bourse de Paris, le Cac 40, revient vers 5400, son plus haut niveau depuis 10 ans. Mais il est encore à 29% de son record absolu de 6944, le 4 septembre 2000. Et le Dax allemand, lui, est à son plus haut historique, tout comme les indices américains. Facebook est à 178 dollars, pour une capitalisation boursière à 518 milliards, Apple à 174 pour plus de 900 milliards, et ainsi de suite…
Acheter une obligation publique est devenu aussi très cher, car elle offre des rendements très faibles. Jugez par vous-même : 2,4% de rendement pour le bon d’état à 10 ans américain (avec 2,2% d’inflation courante), 0,78% pour le dix ans France (avec 1,1% d’inflation) et, mieux encore (si l’on peut dire), avec le rendement à 0,4% offert par le dix ans allemand, avec 1,6% d’inflation !
Les prix de l’immobilier, dans les grandes villes, augmentent régulièrement de 10 à 20% l’an.
Mieux, selon Artprice dans son Rapport du Marché de l’Art Contemporain, l’indice de l’art contemporain a monté de 1400 % en 17 ans, soit 7,6 % de rendement annuel. Et rien ne vaut un Basquiat ! Untitled, acquis le 8 mai 1984 pour 20.900$, est revendu 110,5 m de dollars (frais inclus) le 18 mai 2017, 33 ans plus tard. Voilà un rendement annuel moyen de 29,6% sur un tiers de siècle, quand le S&P 500 fait, quand même, 6,5% par an. Problème : il y a peu de Basquiats. On peut beaucoup se tromper dans ce domaine et on ne gagne que quand on vend (bien). Attendons donc qui achètera ce Basquiat-là dans 30 ans, et pour combien !
Pendant ce temps, nous avons 1,1% d’inflation courante en France, avec un taux de chômage de 9,5% et une progression de 1,3% du salaire moyen de base pour l’ensemble des salariés entre juin 2016 et juin 2017. En Allemagne, avec un taux de chômage de 3,6%, l’inflation monte de 1,6%, et les salaires négociés (les plus soutenus de tous, par les syndicats) de 2,8%. Plus étrange, le nombre d’emplois américains augmente de 261 000 en octobre, faisant baisser le taux de chômage à 4,1%, un minimum historique. Alors, on pourrait s’attendre à une remontée des salaires. Or ils ralentissent : le salaire moyen horaire augmente de 2,4% sur l’année en octobre, contre 2,8% en septembre ! L’explication vient sans doute du poids relativement plus élevé d’emplois de services.
Et pourtant, la théorie économique nous assure que « l’inflation est toujours et partout un phénomène monétaire ». C’est la monnaie créée par le crédit bancaire qui permet d’acheter des actifs réels, financiers ou monétaires. C’est ainsi que l’activité repart, avec l’investissement, puis l’emploi, puis les salaires. Le processus peut être lent, avec certes des vitesses variables, mais il est imparable, car mécanique.
Cependant, aux Etats-Unis et en zone euro, on voit que des progressions égales de la masse monétaire (5,1% aux Etats-Unis et en zone euro) donnent des inflations voisines (respectivement 2 et 1,4%), avec des taux de chômage très différents (respectivement 4,1 et 8,9%). La monnaie donne moins d’inflation qu’avant, et l’inflation ne réagit pas comme avant au chômage !
Que font donc la BCE et la Fed, elles qui font plus de monnaie que jamais ? Pour avoir plus d’inflation ? Elles continuent et elles parlent. La Fed va ainsi laisser monter l’inflation, même si elle commence à freiner très lentement sa politique accommodante. Avec son futur patron, Jerome Powell, elle se prépare même à tolérer 2,5% d’inflation, voire plus, pour que la croissance potentielle en profite pour monter davantage, avec plus d’investissements et d’emplois à la clef. Et la BCE va continuer encore à acheter des bons du trésor, avant de songer à monter ses taux à partir de mi 2019. L’inflation est toujours un phénomène monétaire, mais il nécessite plus de monnaie et de patience qu’avant. Avant de nous surprendre tous… en bien ?
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