A l’heure de la multiplication des datas, comment un acteur des télécoms comme Orange assure-t-il la sécurité des données de ses utilisateurs ? Comment ce groupe, dont la capitalisation excède les 40 milliards d’euros, gère-t-il les relations avec ses investisseurs ? Réponses de Ramon Fernandez, Directeur général délégué d’Orange, chargé des finances et de la stratégie du groupe.

Quelle est l’importance de la confiance des clients pour Orange ? 

Pour un opérateur comme Orange, la dimension de la confiance est extrêmement importante. Nous nous revendiquons d’ailleurs « opérateur de confiance ». Nous évoluons dans un secteur où la sensibilité des données qui sont confiées à l’opérateur est absolument cruciale. Cette dimension de sécurité et de protection de données personnelles est un élément extrêmement important. Si nos clients n’ont pas confiance dans notre capacité à traiter les données qui nous sont confiées dans la plus grande confidentialité, ils nous fuiront. Evidemment, la confiance ne se décrète pas, elle se gagne. C’est un actif et une qualité qui doit se mériter chaque jour. Jean-Paul Sartre disait que la confiance se gagne en gouttes et se perd en litres. C’est un combat quotidien.

Quels leviers Orange peut-il actionner pour maintenir cette confiance ?

D’après une enquête datant d’octobre 2015, 70% des personnes interrogées font confiance à Orange. C’est un résultat en progrès constant et c’est un actif sur lequel nous cherchons à capitaliser. Lorsque l’on interroge nos clients pour connaitre les raisons de leur confiance en nous, ils évoquent en premier lieu la fiabilité de notre réseau, puis la simplicité des offres. La relation client est également un élément clé pour eux. De ce point de vue, la disponibilité et l’engagement des salariés sont des actifs extrêmement importants. Notre engagement est donc de travailler sur ces différents leviers, et de ne jamais être pris en défaut.

Comment Orange assure-t-il la confidentialité des datas ?

Depuis le début des années 2000, le groupe a mis en place des initiatives qui visent à assurer cette sécurité et à protéger la confidentialité des données que les clients nous confient. En 2006, Orange a été le premier groupe au monde à désigner un correspondant informatique et libertés accrédité auprès de la Cnil. Il a pour mission de diffuser cette culture informatique et libertés au sein du groupe via des formations et des conseils, et il peut aussi effectuer des alertes. Nous avons également une charte Orange relative à la protection des données personnelles et de la vie privée. Elle a été publiée pour la première fois en 2013 et a ensuite été régulièrement mise à jour pour tenir compte de l’évolution des meilleures pratiques dans ce domaine. Nous avons des engagements pour la protection des données personnelles qui sont à la fois publiés en interne et disponibles pour nos clients.

 

Lorsque la confiance disparaît, les dommages pour les entreprises en question peuvent être extrêmement graves

 

Notre engagement est de ne jamais utiliser les données personnelles de nos clients pour des fins autres que celles pour lesquelles nous y avons eu accès. C’est un élément assez différenciant par rapport aux grands acteurs du monde de l’Internet (Google, Facebook…). Les utilisateurs leur transmettent des données de plus en plus importantes sans se mettre en mesure d’exercer le moindre contrôle sur ces dernières, qu’ils en soient conscients ou pas. Parce que ces services sont considérés comme gratuits, on est généralement moins attentif à la destination des informations qu’on leur confie.

 Selon une récente étude Opinionway pour Deloitte, la confiance des consommateurs donne à l’entreprise des avantages concurrentiels. Partagez-vous ce constat ? 

Oui, j’ai pris connaissance de cette étude. J’en retiens un chiffre : 9 personnes sur 10 choisissent les produits et les services d’une entreprise dans laquelle elles ont placé leur confiance. On a vu aussi que lorsque cette confiance disparaît, par exemple dans le cas récent du secteur automobile, les dommages pour les entreprises en question peuvent être extrêmement graves. Il est évident que dans le secteur assez particulier de la téléphonie, où l’on confie une partie de sa vie à l’opérateur, cette dimension est très importante. Orange est un opérateur qui est comparativement un peu plus cher que les autres. Néanmoins, je pense que la confiance n’est pas le seul motif pour lequel les clients acceptent de payer un prix un peu plus important. Les consommateurs qui choisissent le produit Orange achètent une qualité de service et de connectivité supérieure à celle des autres réseaux.

Les technologies de l’information peuvent-elles, selon vous, contribuer à renforcer la confiance des consommateurs ?

Il est difficile de répondre. En tant qu’opérateurs de télécoms, notre objectif est surtout d’être pour nos clients un guide de confiance dans leurs propres usages numériques. Nous constatons que les technologies de l’information introduisent une rupture majeure dans la vie quotidienne des Français.

 

L’exercice de production de chiffres est la première obligation dont une entreprise doit s’acquitter vis-à-vis de ses actionnaires

 

Et notre devoir est de les mettre en position de maîtriser les enjeux de ces technologies de l’information, qui peuvent être source de perplexité et de difficultés. Pour y parvenir, nous travaillons sur un certain nombre d’initiatives, comme notre plateforme « Bien vivre le digital », qui propose des vidéos de démonstration très pédagogiques sur le contrôle parental ou la gestion de la vie privée en ligne, ou encore le Digital Society Forum, présent dans une dizaine de régions, et qui permet à chacun de se familiariser avec ces technologies de l’information.

En tant que directeur financier d’Orange, comment construisez-vous la relation de confiance entre l’entreprise et ses investisseurs ? 

Dans la relation avec la communauté des investisseurs, notre premier souci est d’être lisible et compréhensible. Nous devons permettre à nos actionnaires actuels ou futurs d’avoir un avis fondé et documenté sur les grands enjeux stratégiques du groupe. Le premier élément consiste à avoir des comptes parfaitement robustes et qui ne puissent jamais être contestés. L’exercice de production de chiffres est la première obligation dont une entreprise doit s’acquitter vis-à-vis de ses actionnaires. Cette obligation passe aussi par un exercice d’explication sur les différents choix de l’entreprise, et donc un dialogue régulier avec les investisseurs. Je fais périodiquement des road shows pour expliquer les grands enjeux économiques et financiers de l’entreprise au moment des comptes trimestriels, semestriels et annuels. D’une manière plus continue, j’explique par exemple les raisons pour lesquelles nous sommes entrés récemment dans une discussion exclusive avec un partenaire bancaire pour créer Orange Banque, ou pourquoi nous avons ouvert de nouvelles discussions avec un autre groupe de télécoms en France. Pour moi, cette relation de confiance signifie surtout d’être disponible pour faire comprendre les raisons pour lesquelles l’entreprise va s’engager dans telle ou telle voie.

Orange dispose-t-il d’une charte d’éthique ?

Absolument. Nous disposons d’une charte d’éthique, et nous avons un réseau de correspondants éthiques auprès des différentes entités économiques du groupe. Nous avons d’un côté des personnes chargées de la conformité aux règles (notamment au regard de la lutte contre la corruption). De l’autre, nous avons des personnes qui sont chargées d’une notion plus fluide, moins normée, qui est cette notion d’éthique. Les salariés du groupe doivent pouvoir faire appel à un référent en cas d’interrogation dans des situations où la règle ne dit pas comment il faut se comporter. En effet ces codes posent un certain nombre de principes, mais il faut ensuite parvenir à les faire vivre et incarner par des personnes. Chaque année, une journée est consacrée à ces thématiques.

Retrouvez aussi la deuxième partie de notre entretien avec Ramon Fernandez sur l’importance de la confiance dans l’activité économique.