Article co-écrit avec Cyrielle Goffin, Senior Manager Risk Advisory, Philippine Piarry, Consultante Senior Risk Advisory et Aloise Raffray Consultante Risk Advisory.

TRACFIN est un service de renseignement placé sous l’autorité du Ministère de l’Economie, des finances et de la relance. Il s’agit d’une autorité compétente dans le cadre de la lutte contre le blanchissement de l’argent et du financement du terrorisme (LCB-FT).

Le service a pour mission de recueillir, analyser et exploiter tout renseignement propre à établir l’origine ou la destination des sommes ou la nature des opérations ayant fait l’objet d’une déclaration de soupçon  ou d’une information reçue des professionnels déclarants, des organismes publics chargés d’une mission de service public, de l’autorité judiciaire, des juridictions financières, des autorités de contrôle et des cellules de renseignement étrangères. Lorsque ses investigations mettent en évidence des faits susceptibles de relever du blanchiment, TRACFIN saisit le procureur de la République par une note d’information, celui-ci est également informé lorsque les investigations conduisent à mettre en évidence un crime ou un délit. Annuellement, un rapport d’actualité et d’analyse est réalisé par l’instance sur l’année passée sur le traitement du renseignement et l’action contre les circuits financiers clandestins

Nicolas Fleuret, Financial Crime Risk Leader revient sur les points clés du Rapport d’activité et d’analyse TRACFIN 2020 – Publié le 06 Juillet 2021

 

LE BLANCHIMENT DU PRODUIT DES TRAFICS ILLICITES ET DE TRAITE D’ÊTRES HUMAINS

1 – Trafics illicites

Même si l’espèce reste le vecteur privilégié de blanchiment, des méthodes plus sophistiquées mêlant recyclage d’espèces et activité licite sont observées par le service de renseignement TRACFIN.

Depuis 2018, le TRACFIN reçoit en moyenne 400 signalements annuels liés à un trafic présumé de stupéfiants. 90% des informations reçues proviennent d’établissements de paiement. Des sommes conséquentes sont renvoyées vers les pays producteurs ou dans les pays de transit, notamment par le biais de «mules».

En parallèle, le Service a détecté une méthode de blanchiment plus élaborée, qui consiste à recourir à des structures commerciales légales permettant l’injection directe de fonds en espèces dans l’économie réelle ou la rémunération de travailleurs non déclarés.

En 2020, la coopération entre TRACFIN et la communauté du renseignement s’est renforcée en matière de trafic de stupéfiants. En parallèle, le Service participe, avec la DGDDI et la DGFiP, au comité de pilotage consacré au trafic de stupéfiants piloté par le ministère de l’Intérieur. TRACFIN est également un contributeur actif du plan national de lutte contre les stupéfiants, adopté en 2019, qui doit permettre d’améliorer la collecte et le partage de renseignements entre services de l’État, notamment grâce au chef-de-filât confié à l’Office anti stupéfiants (OFAST)

2 – Traite d’être humains

Dans le cadre de son projet de service pour 2021-2023, TRACFIN a fait le choix de diversifier et d’enrichir ses méthodes de travail et d’investigations, pour renforcer sa capacité de traitement des données issues des COSI et identifier plus efficacement l’injection de fonds illicites dans l’économie légale et l’organisation des groupes criminels transnationaux impliqués dans ces trafics d’être humains.

 

JEU D’ARGENT ET DE HASARD

Le secteur des jeux d’argent et de hasard (qui rassemble les jeux physiques proposés par les casinos et les clubs de jeux, les jeux de hasard commercialisés par la Francaise des jeux (FDJ), le pari mutuel urbain (PMU) et les opérateurs proposant des jeux en ligne) est exposé à des risques avérés de BC-FT en raison des difficultés des professionnels à constituer une connaissance suivie et étayée de leur clientèle. Cette vulnérabilité expose le secteur au blanchiment d’espèces d’origine illicite par le rachat de tickets gagnants, l’achat de jetons ou la multiplication de mises sur des paris hippiques peu risqués. Par exemple pour la FDJ et PMU, 252 DS en 2020 soit +58% par rapport à 2019.

Au cours de l’année 2020, TRACFIN s’est attaché à aiguiller l’activité déclarative des professionnels du secteur du jeu à travers la restitution de typologies établies sur la base de leurs signalements et la diffusion de lignes directrices conjointes élaborées par TRACFIN et l’autorité de régulation du secteur. Le potentiel déclaratif des professionnels du secteur des jeux reste toutefois inégal selon les acteurs. Une plus grande implication, notamment des casinos et clubs de jeux, se révèle nécessaire pour consolider les soupçons identifiés à l’aide de pièces-jointes complémentaires.

 

FALSIFICATION ET MANIPULATIONS COMPTABLES

En 2020, TRACFIN a renforcé ses capacités en matière d’expertise comptable afin de compléter sa démarche d’investigation d’une appréhension des malversations ou manipulations comptables. Le Service s’appuie en cela sur les déclarations de soupçon émises par les professions du chiffre encouragées par TRACFIN à étayer davantage le contenu des informations transmises.

Nouvelles typologies de fraude provenant principalement des différents dispositifs de soutien à l’activité économique

  • Le dispositif de chômage partiel. TRACFIN a constaté qu’une majorité des dossiers combinaient à la fois des fraudes au chômage partiel et des fraudes au fonds de solidarité.
  • Subvention publiques délivrées pour la formation professionnelle, notamment dans le cadre de l’activation du compte personnel de formation.
  • Les dispositifs de soutien à la transition énergétique tels que les certificats d’économie d’énergie (CEE) et d’incitation aux investissements productifs en outre-mer

 

CONCLUSION

PRÉVENIR LE FINANCEMENT DU TERRORISME ET CONTRIBUER À LA DÉFENSE DES INTÉRÊTS FONDAMENTAUX DE LA NATION

L’année 2020 a été marquée par la mise en place de plusieurs mesures législatives et réglementaires destinées à entraver plus efficacement le financement du terrorisme sur le territoire national. Ces mesures concernent, entre autres, l’encadrement des transactions crypto-actifs qui d’après les investigations TRACFIN demeurent des vecteurs innovants de financement du terrorisme. D’ailleurs l’ordonnance 2020-1544 du 9 décembre 2020 proposant de renforcer la lutte contre l’anonymat des transactions en actifs numériques a été adoptée.