En collaboration avec Patrick Fayet, Directeur Financial Services Industry, Information Technology.

Depuis une dizaine d’années, l’ensemble du secteur financier opère de vastes bouleversements dans ses organisations, à la fois pour répondre aux nouveaux besoins et comportements mouvants de clients « caméléon » et pour assurer la conformité avec une règlementation toujours plus importante. L’arrivée de nouveaux acteurs, de nouvelles marques, startups et autres Fintechs, beaucoup plus agiles que nos « vieilles institutions », perturbent par ailleurs toujours plus un marché français très mature. Dans ce contexte, quel rôle stratégique les Directions des Systèmes d’Information (DSI) peuvent-elles jouer pour accompagner les transformations à l’œuvre et accélérer la création de valeur ?

Des niveaux de maturité très inégaux pour les DSI du secteur financier

Intelligence artificielle, robotisation, digitalisation des services, règlementation… les services financiers (banques / assurances / mutualistes) sont aujourd’hui bouleversés par de nouveaux besoins et de nouveaux usages clients, ainsi que par un contexte règlementaire de plus en plus contraignant. La capacité des DSI à accompagner ces transformations est fondamentale et devient encore plus stratégique : que ce soit en interne, pour le pilotage des activités et la capacité industrielle à accélérer le « go to market », ou dans les propositions de valeur adressées aux différents segments de clientèle.

Face à ces enjeux, le niveau de maturité des DSI reste très disparate selon les secteurs. Les DSI des grandes banques opèrent des changements profonds au sein de leurs organisations : création de départements digitaux, laboratoires IT pour réaliser des proof of concept jetables, organisations dédiées à la mise en production de nouvelles technologies innovantes, cercles vertueux entre les projets et la production (DevOps), outils analytics, big data etc…

Les grands assureurs de la place ne sont pas en reste, avec la refonte des BO assurantiels, la digitalisation des SI distribution et des réseaux partenaires et une meilleure exploitation des données présentes dans leurs systèmes. Cette modernisation est d’autant plus indispensable que leur business model évolue fortement, en lien avec la fin annoncée de la possession des biens et le passage d’une gestion du risque globalement partagé à un mode très individualisé (personnalisation du service selon le produit proposé, l’usage souhaité et le niveau de couverture du bien ou de l’activité).

Enfin, les DSI du monde de la santé et de la prévoyance doivent relever plusieurs défis technologiques au sein d’un marché en pleine recomposition et concentration. Il s’agit d’abord pour eux d’être au rendez-vous des prochaines règlementations (ANI – généralisation de la complémentaire santé, DSN, gestion des données personnelle de santé, SII…). Mais aussi de moderniser les vieux systèmes de gestion, d’industrialiser les échanges de données avec les partenaires mutualistes et d’orienter leur patrimoine applicatif vers des architectures « orientées données ».

Les piliers essentiels d’une DSI efficiente

Six conditions sont essentielles pour accélérer la création de valeur, opérer une transformation réussie du SI, permettre aux métiers de s’appuyer sur une organisation IT agile et fiable, et accueillir des startups porteuses de nouveaux services.

Affirmer le rôle de partenaire stratégique de la DSI

La DSI est la clé de voûte de la transformation et l’un des points de passage obligé pour la déclinaison opérationnelle d’un plan stratégique d’entreprise. Il ne s’agit plus du tout d’être dans une relation de « client » à « fournisseur » mais bien pour l’IT de mesurer sa contribution effective et réelle à la création de valeur, tant en interne qu’auprès des clients externes. La DSI doit pouvoir challenger les métiers et leur apporter des solutions innovantes tout en maitrisant ses propres contraintes. Les méthodes d’analyse financière de type « frugal IT » (optimisation du coût / valeur / délai) ou « BBZ » (Budget Base Zéro)  sont des outils puissants pour donner du sens, identifier les leviers qui apporteront de l’efficience ou une meilleure maitrise sur le long terme des montants importants investis dans la technologie.

Se concentrer sur les activités IT stratégiques et différenciantes

Il s’agit de conserver en interne les services et supports IT stratégiques pour l’institution – c’est-à-dire les activités IT qui apportent de la valeur aux métiers dans leur « go to market » – et d’identifier les tâches que l’on peut « outsourcer » ou mutualiser avec un autre acteur (en interne dans l’organisation ou en partenariat avec un tiers). Une autre piste peut être le renforcement de l’automatisation de certaines tâches, avec des outils de type RPA (Robots Process Automation). Le but est de réorienter en interne des ressources et expertises sur des activités à plus forte valeur ajoutée.

Assurer les « incontournables » : réduire l’exposition aux risques SI et assurer la conformité à la règlementation

Une politique de sécurité n’a de valeur que si l’entreprise, par le biais de son top management, n’est pleinement responsabilisée et son organisation interne sensibilisée. Il s’agit de garantir sa bonne mise en œuvre opérationnelle (en lien avec le RSSI) et de réaliser une veille constante sur les nouveaux risques possibles et les solutions à mettre en œuvre. L’enjeu pour l’entreprise est d’établir une relation de confiance avec tous ses clients, internes comme externes, et ses partenaires.

Les impacts de la règlementation sur le système d’information ont souvent été vus comme un frein à l’innovation et une concurrence pour les projets business prioritaires. Et pourtant, s’ils sont identifiés plus en amont et planifiés au sein d’un plan de transformation IT cohérent et réaliste, ces projets peuvent accélérer la modernisation du système d’information et participer au renouvellement des processus et la prise en charge des activités métier.

Définir une stratégie de gestion de l’information et mettre en place une gouvernance des données

Il s’agit d’un enjeu d’entreprise et non d’un sujet uniquement technique. La gouvernance des données suppose la création d’une structure organisationnelle dédiée, basée sur le concept de « propriété » des données. Les propriétaires de données sont responsables de leurs zones d’expertise métier et IT. Les métiers sont les garants de la qualité de la donnée, tandis que la DSI assure le soutien des processus, la cohérence et l’intégrité des données par la mise en place de systèmes automatisés. C’est un atout fort pour maitriser la transmission de données à des tiers / partenaires / startup ou Fintech en quête d’informations à exploiter.

Maitriser son patrimoine IT et son urbanisation

Avoir une parfaite connaissance de son patrimoine informatique, de ses failles mais aussi et surtout de ses atouts, est indispensable pour permettre au DSI de rationaliser son portefeuille applicatif et ainsi pouvoir investir dans des technologies innovantes (gestion de la donnée et de l’information au sens large, MDM, big data, renforcement de sécurité et conditions d’accès aux services etc.).

Valoriser tous ses talents

Il est fondamental de donner de l’agilité à son organisation interne et d’être capable, à l’image d’un SI urbanisé, de pouvoir gérer des transformations lourdes de systèmes applicatifs anciens et des projets à cycle de développement rapide et différentiés. Il s’agit ici de concevoir un réseau et écosystème de partenaires technologiques pouvant être rapidement mobilisés pour développer de nouveaux services (Fintech, Startup, solutions technologiques innovantes pour le / les métiers, etc.). La valorisation des expériences et expertises des équipes IT internes doit être également affirmée en proposant de véritables perspectives de progression, et en recrutant de nouvelles compétences.

Les transformations à l’œuvre aujourd’hui dans le secteur des services financiers donnent aux DSI l’occasion unique de valoriser leur patrimoine IT ainsi que la richesse de leurs informations. C’est également l’opportunité d’organiser leurs services et réseaux de compétences pour créer une valeur durable et maitrisable au sein de l’entreprise. Ces rôles clés ne pourront être remplis que grâce à une collaboration étroite avec les directions métiers, pour garantir l’alignement des projets avec les grands objectifs stratégiques de l’organisation. 

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