Intégrité, sécurité des transactions, transparence autour des activités : Stéphane Pallez, présidente-directrice générale de la Française des Jeux, dévoile les ingrédients de la confiance pour l’entreprise publique. Elle évoque également le sujet du monopole de la FDJ sur les jeux d’argent, et la transition numérique du groupe.

Quelle est l’importance de la confiance pour un opérateur de jeu tel que la FDJ ? 

La confiance est au cœur de notre métier car le jeu d’argent repose avant tout sur la confiance que les clients placent dans les opérateurs de jeu. Comme elle exerce cette activité avec succès et fiabilité depuis de nombreuses années, la FDJ a la chance de disposer d’un capital de confiance certain. Si nous souhaitons que ce capital continue de prospérer, nous devons l’entretenir et le renouveler en permanence. Il pourrait facilement être entamé si nous n’étions pas en mesure de répondre aux nouveaux types d’attentes de nos clients, aux risques technologiques en évolution ou si nous n’adaptions pas nos offres et nos contrôles aux nouveaux marchés en développement, comme celui des paris sportifs.
Au quotidien, nous avons un devoir d’intégrité, de sécurité et de fiabilité des opérations de jeu. Sa mise en œuvre repose à la fois sur une série d’obligations réglementaires et sur des exigences techniques très fortes. Celles-ci permettent d’assurer la fiabilité de notre système et la traçabilité des opérations. La FDJ est d’ailleurs la première entreprise de jeux à avoir reçu la certification ISO 27001, norme relative à la sécurité des systèmes d’information.

 

Notre relation avec nos clients est appelée à devenir beaucoup plus segmentée, individualisée et interactive.

 

La confiance pour FDJ, c’est également la transparence vis-à-vis de nos clients, en particulier en ce qui concerne les « règles du jeu », et plus précisément les « tableaux de lots », c’est-à-dire l’espérance de gains.

Enfin, nous devons être capables de lutter contre la fraude, qui peut prendre différentes formes. Nous sommes très engagés dans la prévention des risques de blanchiment d’argent et nous menons également de plus en plus des actions pour favoriser l’intégrité des compétitions sportives.

Quel est l’enjeu des compétitions sportives pour la FDJ ?

La FDJ a déjà atteint un niveau très élevé de sécurité, de fiabilité – et donc de confiance du public – en ce qui concerne le cœur de son activité : les jeux de loterie (Loto et Euromillions, les jeux de grattage…). Aujourd’hui, l’un de nos grands défis porte sur le développement du marché des paris sportifs, qui repose sur la confiance que placent les joueurs dans l’intégrité du système de paris mais aussi des compétitions sportives. Nous investissons donc directement d’importants moyens techniques dans la détection de la fraude ce qui est notre mission, mais nous allons aussi jusqu’à la sensibilisation et la formation aux risques de corruption des compétitions en travaillant avec les milieux sportifs. Pour ce faire, en 2015, j’ai nommé un collaborateur de très haut niveau auprès de moi comme Directeur de l’Intégrité du Sport. Nous avons également commencé à développer des dispositifs de détection des « atypismes » – des mouvements anormaux dans les paris – qui peuvent indiquer des cas de fraude ou de tentative de fraude. C’est la FDJ qui a détecté les paris truqués sur le match de handball opposant Cesson à Montpellier en mai 2012 et ce n’est pas un hasard.

Quel est votre regard sur la certification ?

La certification est un sujet intéressant. Le secteur des loteries a pour caractéristique d’avoir mis en place ses propres certifications en termes d’intégrité et de systèmes de gestion des jeux. Nous sommes engagés avec nos homologues des loteries européennes et mondiales dans la promotion de normes de certification toujours plus élevées. Celles-ci sont fondamentales pour préserver la confiance du public, en matière de loterie et surtout de paris sportifs.

Il faut donc, selon vous, aller au-delà de la simple compliance ?

Nous pensons en effet que les normes générées par la profession, au-delà de la réglementation, sont un élément différenciant de notre activité et de notre mission. Notre secteur comporte des risques spécifiques, et fait donc l’objet d’une très forte régulation étatique. Cependant, les loteries ont fait le choix de promouvoir des normes qui vont souvent au-delà. Ces standards auto-générés et contrôlés par la profession permettent d’être dynamiques par rapport à l’évolution du marché et justifient la confiance qui nous est accordée.

Le fait d’être une entreprise publique favorise-t-il la confiance de vos clients ? 

L’Etat a confié à la FDJ des droits exclusifs, ce qui signifie que l’entreprise est en situation de monopole sur une grande partie du secteur des jeux d’argent. En contrepartie de ces droits exclusifs, nous devons cultiver la confiance de nos clients en assurant la sécurité, la transparence et la lutte contre les différents fraudes ou trafics qui peuvent chercher à se greffer sur l’activité des jeux.
Ce statut d’entreprise publique nous confère un certain capital de confiance, mais élève également les attentes de nos clients, qui sont sans doute plus exigeants à notre égard qu’ils ne le seraient envers un opérateur privé.

Une partie importante du chiffre d’affaires de la FDJ est redistribuée à la collectivité. Cette donnée a-t-elle, selon vous, un impact sur la confiance du public ?

La redistribution est au cœur du modèle de la FDJ et fait partie de la justification du cadre – le monopole – dans lequel nous opérons. C’est un point fondamental pour le modèle FDJ, bien qu’il ne soit pas toujours suffisamment connu du grand public. 66% des mises sont redistribuées aux joueurs et 23% sont versées à la collectivité via notre contribution au budget de l’Etat. L’existence de ce mécanisme de redistribution et la transparence qui l’entoure contribuent à la confiance.

En juillet 2015, vous déclariez dans Le Figaro vouloir faire passer la FDJ à l’ère numérique. Vous évoquiez 15 chantiers de réflexion. Quel est l’état d’avancement de ce projet et quels en sont les enjeux ?

Nous sommes passés de la réflexion à l’action. Notre conseil d’administration a approuvé en juillet dernier une vision stratégique à horizon 5 ans baptisée FDJ 2020, au cœur de laquelle figure la transformation numérique. La FDJ compte aujourd’hui plus de 26 millions de clients mais nous sommes confrontés, comme l’ensemble de l’économie, à la transformation profonde de leurs usages.

Nous estimons nécessaire de passer de notre modèle actuel, centré sur les produits, à un modèle de plus en plus tourné vers l’expérience et la relation client. Cette relation avec nos clients est appelée à devenir beaucoup plus segmentée, individualisée et interactive. Dans les années à venir, notre défi est donc de construire la « confiance numérique » avec nos clients. C’est un bel objectif pour la FDJ, qui part d’une situation extrêmement positive en matière de relation client dans le monde physique pour la transposer dans ce nouveau monde.

 

Le mobile est devenu le principal mode d’accès aux offres commerciales et il va certainement l’être davantage aussi pour les jeux, à l’avenir.

 

Plusieurs axes nous permettront d’y parvenir : la création de nouveaux jeux numériques, mais aussi et surtout la mise en place de nombreux services numériques. Ceux-ci auront vocation à simplifier la vie de nos clients et à nouer avec eux une relation nouvelle en répondant mieux à leurs attentes. La relation dans le réseau physique ne nous le permet pas de la même manière, puisqu’elle est largement anonyme. Nous allons jouer sur la complémentarité entre les lieux de vente, qui sont des endroits où nos clients aiment se retrouver dans la convivialité, et la personnalisation possible de la relation client grâce au numérique. C’est en combinant la force du réseau physique et ces nouveaux services que nous pourrons enrichir la relation avec nos clients.

Il est important de noter que la FDJ est une entreprise qui a choisi de se transformer alors qu’elle est en pleine croissance. Nous ne nous transformons pas parce que nous sommes en difficulté : au contraire notre bonne santé économique nous permet d’anticiper, dans les meilleures conditions, les attentes de nos clients actuels et futurs.

Interrogée sur L’Equation de la Confiance, Catherine Barba, fondatrice du PEPS Lab, estime que le parcours d’achat de demain devra être ludique, mobile et personnalisé. L’offre numérique que proposera la FDJ s’inscrit-elle dans cette vision ?

C’est en effet une façon très juste de décrire les enjeux du numérique. Notre activité est ludique par nature. Tout le monde s’accorde par ailleurs aujourd’hui sur l’idée que la mobilité fait aujourd’hui partie des standards de consommation. Le mobile est devenu le principal mode d’accès aux offres commerciales et il va certainement l’être davantage aussi pour les jeux, à l’avenir. Enfin, nous nous habituons de plus en plus à des relations commerciales et non commerciales personnalisées. A la FDJ, cette trajectoire prendra quelques années à se mettre en place, puisque le secteur est moins mature numériquement que d’autres.

Comment la FDJ gère-t-elle la notion de sécurité informatique dans le cadre de ce projet ?

Cette dimension s’organise à travers notre système d’information. La FDJ dispose de fortes compétences technologiques, d’un système d’information très sophistiqué et d’une capacité à gérer un grand volume de transactions. Elle se caractérise par ailleurs par une très forte exigence de sécurité sur l’ensemble du territoire. Le lien entre les terminaux présents dans nos 32 000 points de vente et notre système d’information central nous permet de gérer, à la fois, la fiabilité et la sécurité de chaque transaction. Le développement du numérique va encore augmenter le nombre de transactions et donc l’exigence de capacité informatique et de surveillance en temps réel de bout en bout.

 

L’entreprise est un lieu assez privilégié pour aider à construire la confiance, notamment des nouvelles générations, envers la société

 

C’est notamment pour cette raison que nous prévoyons des investissements de l’ordre de 250 millions d’euros dans les cinq ans pour faire évoluer notre système d’information en cohérence avec notre stratégie. Nous allons revoir fondamentalement son architecture pour aller vers un système beaucoup plus agile, omnicanal, et mieux à même d’accepter de nouveaux services numériques et de nouveaux échanges avec les clients.

Quels sont les enjeux de transformation internes au sein de la FDJ ?

J’évoquais notre capital de confiance : il est également primordial de le faire fructifier en interne. Notre transformation vis-à-vis de nos clients n’est possible que si l’entreprise elle-même évolue. Comme toute entreprise, la FDJ est confrontée à la nécessité de faire évoluer ses modes de travail pour retenir et attirer les talents dont nous avons besoin. Nous avons besoin des générations du numérique pour innover, rester une organisation moderne et dynamique et construire de nouveaux jeux et de nouveaux services clients.

D’une manière plus générale, je pense que l’entreprise est un lieu assez privilégié pour aider à construire la confiance, notamment des nouvelles générations, envers la société.