Depuis 2018, Tink a vu son nombre de collaborateurs se multiplier par 4 (400 collaborateurs à date) et sa valorisation se multiplier par 10, pour être aujourd’hui valorisée à 1,8 milliards d’euros. Deux levées de fonds, respectivement de 90 millions et de 85 millions de dollars, lui ont permis de générer une croissance externe, avec notamment l’acquisition de plusieurs entreprises en Europe comme l’espagnol Eurobits (fournisseur de services d’agrégation de comptes et d’initiation de paiement), la plateforme d’agrégation OpenWrks (fournisseur anglais d’une plateforme d’applications open banking), l’allemand FinTechSystems (fournisseur de technologie d’open banking comme l’information sur les comptes, l’analyse de données et l’initiation de paiement) ou encore le suédois Instantor (analyse de la donnée bancaire pour évaluer le risque de crédit). Deux ans après une première interview, Julien Maldonato, Associé Deloitte Conseil Services Financiers en charge des sujets innovation, retrouve Jérôme Albus, Directeur Régional France et Benelux chez Tink afin d’évoquer l’évolution de la plateforme d’open banking, et d’échanger sur les enjeux et le futur du monde du paiement.

Depuis sa création en 2012, Tink a su se démarquer et dépasser le statut de start-up. Aujourd’hui présent dans 18 pays européens et valorisé à 1,8 milliards de dollars, comment êtes-vous parvenu à vous différencier ?

Jérôme Albus : D’abord par la simplicité de notre solution : une API unique, qui permet à nos partenaires d’accéder à l’ensemble de la plateforme Tink, c’est toujours plus simple à intégrer que plusieurs ! Ensuite, par notre connaissance approfondie du marché bancaire et la maîtrise des APIs, rendues possibles grâce à nos 10 années d’expérience sur le marché de l’open banking, auxquelles s’ajoute l’expérience des partenaires que nous avons pu acquérir (20 ans d’expérience pour Eurobits). Couplées à un rapide positionnement auprès des grandes banques européennes comme BNP Paribas, Santander, Natwest, SEB, etc., notre plateforme possède l’une des plus importantes couvertures du marché.

Notre participation à de nombreux groupes de travail autour de l’open banking, que ce soit avec le Berlin Group (harmonisation des paiements en Europe), l’ETPPA (association européenne des prestataires de paiement), ou encore la BCE (banque centrale européenne) est également un facteur de différenciation et de légitimité.

Enfin, notre force réside dans le fait que 60% de nos collaborateurs ont des profils orientés développement ou produit, ce qui nous permet de proposer à nos partenaires des parcours fluides pour leurs clients, avec une expérience utilisateur sans couture.

Grâce à la masse de données que vous collectez via votre plateforme d’open banking, vous permettez à vos partenaires d’adresser de plus en plus de cas d’usage liés au paiement. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Jérôme Albus : Tink est au cœur d’un écosystème, puisque nos partenaires (développeurs, start-ups, grands groupes, etc.) se connectent directement à notre API pour développer de nouveaux cas d’usage. Par exemple, Greenly se connecte à notre plateforme pour récupérer les données relatives aux transactions des utilisateurs en Europe, et leur indiquer l’empreinte carbone associée à leurs dépenses. ABN AMRO (banque néerlandaise) a intégré la technologie PFM (Personal Financial Management) de Tink dans son application Grip afin de donner à ses clients des outils pour mieux gérer leurs dépenses. D’autres acteurs passent par Tink pour accéder aux comptes de leurs clients, avec leur consentement, afin d’établir un score de crédit instantané.

Notre ambition est de normaliser et d’enrichir la donnée grâce à l’intelligence artificielle pour faciliter la création de nouveaux cas d’usage par nos partenaires, et permettre notamment aux grandes banques de travailler sur des projets de gestion des finances pour les professionnels ou pour les particuliers, ou encore des projets comme le « Buy Now Pay Later » (paiement différé), nécessitant une analyse de risque en temps réel.

Comment percevez-vous le niveau d’innovation dans le secteur du paiement et quels sont les principaux défis qui impacteront selon vous le marché du paiement dans les 5 prochaines années ?

Jérôme Albus : Nous ne sommes qu’aux balbutiements de l’innovation dans le secteur du paiement avec l’open banking ! Les fondations existent, l’initiation de paiement et l’accès aux comptes, mais en termes d’industrialisation, la partie la plus importante est encore devant nous. L’open banking est une innovation majeure comme il en existe tous les 30 ans, au même titre que l’arrivée de l’informatique dans le secteur bancaire. Tel que je le vois, plusieurs éléments impacteront considérablement le marché du paiement dans les 5 prochaines années et accompagneront cette révolution :

  • l’initiation de paiement combinée au paiement instantané, qui transformeront les paiements en points de vente physiques et sur internet puisqu’ils permettront de payer directement avec un compte bancaire. Le risque de fraude sera diminué (pas de saisie d’informations manuelle relatives au paiement à chaque achat), et associés à une validation de type face-ID ou touch-ID, l’expérience client sera améliorée puisqu’elle ne nécessitera la saisie d’aucune information pour demander à la banque de faire un virement ;
  • le paiement différé (« Buy Now Pay Later »), sera une réelle innovation pour les marchands puisqu’il leur permet d’augmenter leur chiffre d’affaires à travers une hausse du pouvoir d’achat des consommateurs et une baisse des coûts d’interchange liés aux paiements par carte ;
  • les monnaies numériques des banques centrales (MNBC ou CBDC en anglais), qui sont en plein développement à l’échelle européenne et ont les avantages des cryptomonnaies (transparence et limitation de la fraude) sans en avoir les inconvénients (stabilité puisque indexées sur la monnaie nationale).

En synthèse, quelles sont, selon vous, les trois clés de succès d’une startup du paiement en 2021 dans une ère bientôt post Covid-19 ?

Jérôme Albus : Il y en a évidemment bien plus, mais voici les trois principales selon moi :

  • la capacité d’innovation avec, comme évoqué précédemment, la naissance de nombreux cas d’usage qui n’attendent qu’à être adressés ;
  • l’expérience client, qui est la clé de voute indispensable à l’adoption d’un service et sur lequel il faut agir avant que les GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) n’arrivent sur le marché du paiement, étant donné leur expertise sur les sujets de l’expérience utilisateur et de l’analyse des données ;
  • la fiabilité du paiement. Lorsqu’un utilisateur veut enclencher un paiement, il ne peut pas échouer !

Par ailleurs, il est important de rassurer les jeunes start-ups qui se lancent dans le paiement, concernant la dimension internationale. Elle n’est pas indispensable et de très belles réussites sont possibles au niveau national.