Trop d’info tue l’info, et n’aide pas les économistes !
Publié le 30 novembre 2016
Drames terroristes, guerres et élections surprise : après le trading haute fréquence dans la finance, voici le temps de l’info haute fréquence. Pas sûr que la compréhension du monde et la croissance y gagnent, mais plutôt la volatilité, les interrogations et les peurs. Et voilà que, immédiatement après, les économistes sont priés de mesurer l’effet net, sur la croissance et l’emploi, de ces événements, tragédies ou surprises.
Pour les drames, les économistes répètent qu’ils ont un effet récessif à court terme. Ils inquiètent les consommateurs, les touristes, les investisseurs, les patrons, les actionnaires. Ils ajoutent que ce choc est d’autant plus important que les drames se répètent et font qu’une région ou un pays devient classé « à risque ». Alors, sa croissance et son emploi sont plus menacés qu’avant, car plus durablement. Inutile de rêver : ce qui se passe, depuis des mois, pèse sur la croissance française, européenne et mondiale. La vague médiatique n’aide pas. Le terroriste veut terroriser, c’est-à-dire nous pousser non seulement dans une inquiétude récessive mais à la faute, à la vengeance, à la fermeture, à l’exclusion. Il cherche à nous enfoncer dans la crise et le chômage : son terreau.
Viennent les surprises, Brexit et Election Trump, en en attendant d’autres. Le Brexit est une dévaluation structurelle. En tant que dévaluation, elle fait monter l’inflation importée, donc les taux d’intérêt. En tant que choc structurel, le Brexit chamboule les accords commerciaux et les rapports géopolitiques. Comment tout ceci va-t-il se régler ? Attendons les nouveaux traités !
L’élection Trump est une autre surprise, bien plus importante. Il promet en effet des soutiens à la conjoncture américaine par la baisse des impôts et des grands travaux, dans un pays déjà en plein emploi. Les questions géopolitiques vont venir ensuite, plus complexes, notamment avec la Chine.
Les économistes répondent que la croissance américaine sera stimulée à court terme, faisant accélérer l’inflation salariale, donc augmenter les taux plus que prévu, ce qui peut faire venir plus tôt la récession. Pour les questions géopolitiques, ils vont sans doute dire que le risque mondial va monter, avec sans doute aussi une course aux armements. Mais que, dans ce contexte, les Etats-Unis restent relativement les plus sûrs…
On nous répète que les marchés financiers savent tout, peuvent tout comprendre et tout analyser, en permanence. Reconnaissons que cette omniscience se trouve aujourd’hui mise à l’épreuve. Ceci d’autant plus que ces informations qui virevoltent sont, par construction, biaisées vers le noir. Ce qui fait la Une, c’est la tension, la crise, le drame, pas le contrat ou le brevet. Bien sûr, on nous parle de beaux succès à l’occasion de salons, ou de résultats financiers « qui dépassent les attentes ». Mais ce sont là des breaks dans la série des drames, pour varier.
En face, les banques centrales ont beau maintenir les taux d’intérêt très bas et continuer en zone euro et au Japon à acheter des bons du trésor, ceci atténue le problème sans le résoudre. Le résoudre, c’est expliquer, former, donner confiance, escorter, accompagner, bref donner un flux d’informations avec des analyses, des mesures et des solutions, même si elles ne sont pas immédiates. Mais, pour les chocs géopolitiques, nous entrons dans la théorie des jeux, donc le plus imprévisible de tous ! Chine contre Etats-Unis, ce ne sera pas facile !
Les entreprises devront donc, pour le futur, faire des prévisions avec une partie centrale « vraisemblable » et deux ou trois cas plus typés, sans attendre des économistes « la » voie qui sera retenue mais plutôt des gammes de scénarios. Ou alors, elles peuvent toujours demander aux sondeurs.
Chaque semaine, au travers du Weekly Briefing, je vous livre un regard économique et financier sur la conjoncture et l’actualité. Si vous êtes intéressé, cliquez pour vous abonner.