Mailjet est l’un des lauréats du Technology Fast 50 de Deloitte, qui récompense les entreprises technologiques françaises les plus performantes. Alexis Renard, le CEO de cette entreprise de cloud emailing, explique en quoi la confiance est au cœur de l’activité de cette pépite.

Quelle est l’activité de Mailjet ?

Mailjet a été créée il y a 5 ans. C’est une plateforme accessible par Internet via le cloud, qui permet d’envoyer des e-mails de deux catégories. La première concerne des e-mails transactionnels à vocation commerciale : ces messages servent à passer une commande, mettre à jour un mot de passe, ou encore envoyer une facture. Ces mails sont importants car ils sont liés au business. La deuxième catégorie recouvre les mails de prospection. Le principe est assez simple : donner la possibilité à des PME, en quelques minutes, de réaliser leurs premières actions marketing. Via notre plateforme, elles peuvent facilement charger une liste de contacts et réaliser un template d’e-mail pour communiquer avec leurs clients.

En quoi la confiance des consommateurs est-elle importante dans ce secteur, et quels sont les leviers qui vous permettent de l’obtenir et de la conserver ?

La première raison pour laquelle les gens nous font confiance est la continuité de service. Ceux qui envoient des mails transactionnels s’attendent à ce que le service soit opérationnel 24h/24 et 7j/7. Lorsqu’un utilisateur de leur site fait une demande de  reset de mot de passe, il en a besoin immédiatement. Si le nouveau mot de passe arrive cinq minutes plus tard, le client est déjà parti, et le site perd du business. Il y a donc une grande exigence de nos clients sur ce point. Ils travaillent avec nous parce qu’ils savent que nous allons garantir l’envoi du mail à tout moment. Un autre élément est très important dans notre activité : la transparence. Elle concerne en premier lieu les offres tarifaires et commerciales. C’est pourquoi il n’y a aucune ambiguïté sur ce que l’on paye chez Mailjet. C’est exactement l’inverse de ce que l’on a pu voir dans le secteur de la téléphonie il y a quelques années, avec une facturation opaque et complexe.

Mais la transparence concerne aussi les problèmes éventuels que nous pouvons rencontrer. Dès que nous faisons face à une difficulté, nous l’expliquons à nos clients. Il y a deux ans, nous avons subi l’intrusion d’un hacker dans notre système informatique. Même si elle a été limitée, nous avons communiqué sur ce sujet auprès de nos 30 000 clients le jour même en expliquant ce qui s’est passé en détail. Nous leur avons dit quelles données avaient été touchées et les mesures que nous avions prises pour résoudre le problème. Je pense que beaucoup de sociétés françaises, quand elles ont ce type de difficulté, ont tendance à les cacher sous le tapis. Nous essayons d’aller contre cette tendance. Nous nous efforçons d’être le plus clair possible sur le fonctionnement de notre société, et nous sommes convaincus que c’est un facteur essentiel de confiance pour nos utilisateurs.

 

La confiance est au cœur de notre activité : nous ne pouvons donc pas prendre de clients qui ont de mauvaises pratiques. Notre choix est de ralentir notre croissance en refusant les clients qui n’entrent pas dans le cadre que nous avons fixé.

 

Il y a enfin une problématique particulière de confiance dans notre industrie, liée à la gestion du spam. Notre métier repose sur une équation de confiance qui implique à la fois l’émetteur du mail (notre client), les opérateurs (comme Orange, Yahoo ou Gmail), et le destinataire. La logique de « délivrabilité » du mail est au cœur de cette équation. Pour comprendre, il faut distinguer les mails désirés et non désirés : lorsqu’un internaute se rend sur un site et qu’il accepte de recevoir une newsletter, il s’agit d’un mail désiré. Tous nos clients s’engagent à n’envoyer que des mails qui ont été explicitement désirés. De notre côté, nous nous devons de vérifier que c’est bien le cas. Dans le cas contraire, nous mettons aussitôt un terme au contrat. Cela peut sembler simple, mais c’est très complexe à mettre en œuvre.

Il existe une infinité de zones grises et les spammers essayent d’en tirer parti. Or, si les destinataires reçoivent des mails non désirés, ils risquent de se plaindre aux différents opérateurs qui, eux, vérifient également que nous n’envoyons pas de courriers indésirables. S’ils considèrent que nous ne respectons pas les bonnes pratiques, ils peuvent orienter automatiquement nos mails vers les dossiers spam. Cela aurait pour effet de pénaliser l’ensemble de nos clients – y compris ceux qui envoient des mails légitimes. La problématique de confiance est donc au cœur de notre écosystème. Afin de préserver cet équilibre fragile, nous avons des experts dédiés au suivi de la délivrabilité en interne, et de nombreuses ressources pour aider nos clients à respecter les bonnes pratiques, ce qui entretient en retour la confiance de leurs destinataires.

Vous avez enregistré en cinq ans une croissance de 3 185%. Est-il difficile de concilier confiance et hyper-croissance ?  

C’est en effet difficile, pour plusieurs raisons. Notre chiffre d’affaires est directement corrélé au nombre de mails que nous envoyons, et comme dans beaucoup de métiers dans le secteur de l’informatique, cette hyper-croissance requiert des investissements sur notre produit. Notre première exigence est de maintenir une qualité de service impeccable. C’est facile lorsque l’on connaît une croissance de 5% ou 10% par an. Lorsque l’on évolue avec une croissance à trois chiffres, c’est un vrai challenge et un état d’esprit. Le deuxième élément concerne le fait d’être capable de faire le sacrifice d’une importante partie de notre chiffre d’affaires. Chaque mois, nous refusons de travailler avec un grand nombre de clients potentiels parce qu’ils ne respectent pas les bonnes pratiques. En moyenne, les contrats que nous écartons représentent un tiers de notre chiffre d’affaires. C’est un crève-cœur pour nous, mais accepter de travailler avec eux serait une vision de court terme. La confiance est au cœur de notre activité : nous ne pouvons donc pas prendre de clients qui ont de mauvaises pratiques. Notre choix est de ralentir notre croissance en refusant les clients qui n’entrent pas dans le cadre que nous avons fixé. Ce sont des arbitrages très complexes. Pour mettre en œuvre cette politique, nous avons chez Mailjet une équipe qui évalue les pratiques des clients. Cette équipe a toujours le dernier mot par rapport à l’équipe commerciale, dès qu’il y a un doute sur la conformité du client.